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Titre : Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bayeux
Auteur : Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de Bayeux. Auteur du texte
Éditeur : (Bayeux)
Date d'édition : 1850
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32813261q
Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32813261q/date
Type : texte
Type : publication en série imprimée
Langue : français
Langue : Français
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Description : 1850
Description : 1850 (T4).
Description : Collection numérique : Fonds régional : Basse-Normandie
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k4335633
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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AVERTISSEMENT.
La Société déclare qu'elle laisse aux Auteurs seuls la responsabilité des faits et des opinions contenus dans leurs Mémoires.
Les Concours agricoles annuels établis par la Société d'Agriculture de Bayeux ont eu lieu le 19 septembre 1846 à Trévières. Ces Concours ont commencé à onze heures du matin, sous la présidence de MM. Pezet, président de la Société et de Laboire, président de la section d'Agriculture, et en présence de MM. Lanet de Limencey, sous-préfet de Bayeux, Guilbert, maire de Trévières et membre du Conseil d'arrondissement, Baston, juge de paix du canton, Castel et Villers, secrétaire et vice-secrétaire généraux de la Société Le Sueur, vice-président de la section d'Agriculture,
SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES ARTS ET BELLES-LETTRES
CONCOURS AGRICOLES
MÉMOIRES
DE BAVEUX.
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DE 4846.
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Hervé de Kergorlay, président de la Société d'Agriculture de St-Lo, et d'un grand nombre de propriétaires et d'agriculteurs. M. Richard Desramé-Dubois remplissait les fonctions de secrétaire.
Le Jury, composé de MM. de Laboire, président, Guilbert, maire de Trévières, Couillard, propriétaireagriculteur, à Alandeville, Le Verdier, propriétaireagriculteur, à Colleville, Aubin Simon, maire de Saonnet, Le Doyen, médecin-vétérinaire à Trévières, et Richard Desramé-Dubois, secrétaire, a d'abord procédé à l'examen des taureaux. Onze ont été présentés. Le Jury a constaté que ces reproducteurs étaient supérieurs à ceux qui figurèrent au Concours de 1842, dans le même lieu; cependant la plupart laissaient encore beaucoup à désirer sous le rapport de la conformation, de la régularité des lignes. Dans un canton où la race bovine forme la principale richesse du cultivateur, on ne devrait voir figurer dans les Concours que des animaux de choix des types des meilleures races.
Au Concours de taureaux a succédé celui des génisses. Vingt-trois avaient été amenées; et la plupart étaient d'une beauté remarquable. Cette brillante exhibition a fait ressortir de nouveau l'infériorité marquée des taureaux présentés, en les comparant avec les génisses soumises à l'examen du Jury, infériorité qu'on remarque dans toutes les exploitations. Généralement les vaches et les génisses sont superbes, tandis que les taureaux laissent presque tous à désirer. Pour la première fois, la Société primait les béliers
et les verrats; de sorte qu'un petit nombre'de ces animaux ont été présentés au Concours. Le Jury a regretté qu'ils ne fussent pas plus nombreux; car la plupart étaient assez beaux, et propres à faire de bons reproducteurs.
A deux heures, les membres de la Société et les autorités précédés de la musique de la garde nationale de Trévières, et escortés par la gendarmerie de Vaubadon, se sont rendus sur la pièce du Ilommet, où devait avoir lieu le Concours de labourage. Le pourtour du champ a bientôt été envahi par une multitude de spectateurs, jaloux d'assister à la lutte qui allait avoir lieu.
Dix concurrents se sont présentés, et ont été admis. Après avoir tiré au sort la partie qu'ils devaient respectivement labourer, ils ont placé leurs charrues en face des poteaux indicateurs; et au signal donné par le tambour, le Concours a commencé. Quoique la sécheresse eût rendu le sol extrêmement compacte, trèsdifficile à entamer, le travail a été fort bien exécuté presque tous les concurrents ont fait preuve d'adresse et d'habileté. Dans un pays où les terres labourables ne sont pour ainsi dire qu'un accessoire à la grande industrie herbagère, le Jury a été étonné de trouver tant de laboureurs aussi exercés. Ce Concours a été fort brillant, et a vivement excité l'attention publique. A quatre heures, la distribution solennelle des prix a eu lieu sur le champ du Concours de labourage sous une tente dressée à cet effet, en présence d'unu assemblée extrêmement nombreuse.
M. Pezet a ouvert la séance par le discours suivant: MESSIEURS,
L'agriculture est la source et l'origine de la fortune publique. Tous les économistes reconnaissent aujourd'hui que le commerce et l'industrie ne sont euxmêmes que des producteurs secondaires obligés de demander aux produits spontanés ou cultivés du sol les éléments indispensables à leur développement. Notre prospérité commerciale et manufacturière, grande dans le présent, plus magnifique encore dans les destinées que lui réserve un mystérieux avenir, ne serait donc qu'un colosse aux pieds d'argile, si la base sur laquelle tout repose, si le sol qui seul produit les matières premières restait stationnaire en face de l'élan du commerce et de l'industrie, et ne pouvait suffire aux proportions de l'édifice que tous les efforts de l'esprit humain élèvent sur ses fondations.
Voilà pourquoi, au milieu de l'agitation progressive des intelligences, les besoins de l'agriculture préoccupent les esprits sérieux et soucieux de l'avenir. C'est là ce qui l'élève de nos jours, dans notre siècle où domine le soin des intérêts positifs et matériels, à la hauteur des plus graves questions d'ordre public et de transformation sociale.
A la vue de l'impulsion rapide donnée par les bienfaits d'une longue paix et de nos institutions au développement de toutes les forces vives du pays, on a bien senti qu'il ne pouvait plus s'agir de préconiser l'agriculture dans de vains discours, de poser des probjê-
mes agricoles et de s'occuper de conquêtes purement spéculatives. C'est à l'œuvre qu'il fallait convier les ouvriers. Il était urgent que les populations excitées par les mêmes intérêts s'unissent dans les mêmes pensées et s'excitassent mutuellement à porter nos produits à la hauteur de nos besoins incessants. Votre Société d'Agriculture, Messieurs, doit sa naissance à la conviction profonde de ces vérités. Ceux qui ont eu l'honneur d'attacher leurs noms à sa création n'ont point eu la pensée de former une réunion scientifique destinée seulement à l'étude des théories et des doctrines.
Organiser une association nombreuse qui sous le niveau de l'égalité des besoins et des intérêts communs, réunît tous les efforts et toutes les volontés dans un même esprit, et devint le lien du faisceau d'intérêts variés à l'infini dont se compose l'intérêt général
Par l'union qui engendre la force en faire une puissance pour protéger les droits et les intérêts de notre arrondissement, pour seconder les efforts des hommes qui dans les divers rangs des pouvoirs politiques, en sont les organes et les défenseurs Exciter aux améliorations de tous genres par le pouvoir de l'émulation et de l'exemple voilà le but. Appeler sans distinction aucune à ce concours et les hommes de la science et ceux de l'expérience ceux qui dans le silence du cabinet ou au milieu des riches loisirs que leur a fait la fortune brillent par leurs lumières, ceux qui, sans s'occuper du travail des
champs, ont intérêt à voir leur prospérité s'accroître, comme les cultivateurs de tous les rangs qui supportent l'ardeur du soleil et la fatigue du travail Recueillir le fruit des efforts de tous dans un foyer commun où chacun apporte de bonne foi, sans amourpropre et sans charlatanisme, ses idées, le résultat de ses essais sa part de zèle et de dévouement voilà les moyens.
Aujourd'hui que nous sommes rappelés par la marche des années sur le théâtre du premier Comice agricole tenu par la Société, n'est-ce pas correspondre à votre pensée que de se demander si ces vœux ont été compris, si ce but a été rempli ?
Empressons-nous de dire, Messieurs, que les Comices agricoles de Trévières de 1846 répondent à cette question avec la puissance irrésistible d'un fait accompli.
C'est en 1842 qu'eut lieu la première visite agricole faite aux riches campagnes de ce canton; quatre ans se sont écoulés depuis. Et dans ce court intervalle que d'améliorations nouvelles ont été introduites! 1 que d'heureux efforts ont été faits que de favorables essais ont été tentés
Ces améliorations, ces efforts, ces essais vont vous être signalés par l'honorable rapporteur de votre Commission (') avec la double autorité d'une spécialité agricole constatée par de beaux succès, et d'un talent habitué à recueillir dans une autre carrière des suffrages mérités.
(') M. de Laboirc.
Pour moi, Messieurs, ma voix ne doit se faire entendre aujourd'hui que pour applaudir avec un juste orgueil, au nom de la Société que j'ai l'honneur de présider, à des résultats non moins avantageux aux agriculteurs qui en recueillent les fruits, qu'au pays qui se réjouissant dans sa force et dans ses espérances, contemple avec bonheur le bien-être de ses enfants.
Je viens ici leur dire en son nom
Honneur au chef d'exploitation dont l'oeil vigilant dirige et gouverne sa ferme avec l'ordre et la régularité d'une fabrique industrielle, qui, marchant de progrès en progrès et ne recnlant point devant quelques sacrifices, augmente la richesse du sol qu'il cultive par le nombre des bestiaux qu'il y nourrit 1
Honneur à l'éleveur qui, comprenant les nécessités de son époque, améliore la race des animaux reproducteurs, et contribue ainsi à satisfaire l'un des plus grands besoins des populations, celui d'une meilleure et plus abondante alimentation
Honneur à ces hommes qui, placés dans une position plus modeste, arrosent les champs de leurs sueurs, luttent contre un sol rebelle, et par l'habileté de leurs labours disposent un terrain ingrat à la fécondité. Honneur à ces vétérans de la domesticité à ces zélés et bons serviteurs qui ont su se préserver de ces goûts d'indépendance et d'instabilité sous lesquels se cachent ceux du libertinage et de l'oisiveté, qui longtemps habitèrent sous le même toit hospitalier, et qui se trouvèrent toujours fidèles aux joins de la bonne
comme à ceux de la mauvaise fortune
L'esprit de notre époque appelle la glorification des efforts de l'intelligence et du travail, de la production, du bien-être physique des améliorations matérielles et sociales.
La profession de cultivateur, dont s'honorentaujourd'hui les hommes qui portent les noms les plus illustres, est désormais placée par les moeurs et l'opinion au rang des professions les plus élevées de la société. Déjà les encouragements donnés par le gouvernement à l'agriculture quoiqu'insuffisants, si on les compare à ceux accordés au commerce et à l'industrie, tendent à une augmentation progressive. La balance entre les intérêts agricoles et les intérêts commerciaux acquiert un plus juste équilibre. Les graves questions soulevées à l'occasion des droits protecteurs des produits du sol chaque jour mieux étudiées, promettent, malgré les efforts des partisans de la liberté commerciale absolue, d'arriver à une solution favorable.
Des Conseils spéciaux pour la défense des intérêts agricoles se réunissent annuellement dans la capitale, et des hommes puissants par leurs talents et leur expérience consommée viennent prêter à ceux-ci la sanction de leur influence et le secours de leur éloquente parole. Enfin des projets s'élaborent qui, destinés à modifier notre système hypothécaire, le mettront en rapport avec le développement nouveau de la richesse mobilière, rendront plus facile la libre disposition du sol et la circulation des capitaux, aliment
indispcnsable à l'activité des travaux agricoles. Entourés de ces gages de sécurité et d'espérances, persévérez donc, Messieurs, avec une nouvelle ardeur dans cette voie des améliorations de tout genre-, où toutes les voix s'unissent pour reconnaître que vous avez déjà fait tant de pas, et qui, augmentant de jour en jour la richesse publique, préviendront aussi la plus hideuse plaie des temps modernes, le paupérisme, et donneront un plus équitable prix aux sueurs du travailleur.
Préoccupez-vous de la pensée importune que la France, malgré la douceur de son climat, la fertilité de son sol, l'intelligence de ses populations, est encore tributaire de l'étranger; qu'elle est obligée de demander, entr'autres à l'Angleterre, des chevaux pour ses attelages, ses haras, ses courses, des taureaux, des génisses pour améliorer ses races, et songez que cependant il suffirait à notre Normandie de quelques efforts persévérants et durables, de quelques sacrifices qui seraient payés au centuple pour la relever de cet état d'infériorité où elle est placée vis-a-vis de son heureuse rivale.
La nature comme l'activité de l'esprit humain ne se repose jamais. Si certaines parties du champ de la science agricole ont été explorées, combien n'en restet-il pas encore à défricher et à mettre en valeur En recevant aujourd'hui de nos mains, en présence des notabilités de la contrée et de ce nombreux concours de citoyens empressés d'applaudir a vos succès, ces médailles et ces primes que la Société académique de
Bayeux est heureuse de décerner dans cette fête annuelle de l'Agriculture, n'oubliez donc pas, Messieurs, qu'ouvriers de la dernière heure à la vigne du maître, poim vous l'heure du repos n'a pas sonné en même temps que celle de la récompense.
Ce discours, aussi remarquable par l'élévation des idées que par la clarté et la beauté du style a fait une vive impression sur l'assemblée.
M. de Laboire organe de la Commission qui avait été chargée de visiter les exploitations agricoles du canton de Trévières, a ensuite obtenu la parole et a donné lecture du rapport suivant
Messieurs
Cinq ans sont à peine écoulés depuis que vous avez fondé la Société d'agriculture de Bayeux Répondant à notre appel un grand nombre de cultivateurs, amis de leur pays, pleins de zèle pour leur belle industrie, s'empressèrent de se grouper autour de nous et le premier Concours agricole fut célébré dans ce même canton de Trévières, où nous sommes heureux de revenir aujourd'hui après avoir parcouru successivement les autres parties de l'arrondissement. Ces premières visites de ferme, ce premier Concours étaient satisfaisant sans doute et cependant, Messieurs, comment ne pas reconnaître aujourd'hui qu'il s'est opéré, depuis quatre ans, un immense progrès
Les espérances que nous avions fondées sur cette première fête de l'agriculture ont été dépassées. Une louable émulation s'est emparée des cultivateurs de notre arrondissement; de notables progrès dans toutes les cultures, des améliorations dans les races de bestiaux, et surtout dans les vacheries, ont été obtenues, et ces résultats, Messieurs, nous n'hésitons pas à le dire hautement, doivent être attribués aux efforts de la Société d'agriculture. L'élan imprimé par elle s'est propagé rapidement, tous nos cultivateurs ont rivalisé de zèle, les uns pour obtenir les primes qu'elle offre à tous, quelques autres qui affectent encore de dédaigner ces récompenses, pour s'élever au-dessus de ceux qui les obtiennent; et ceux-là même Messieurs croyez le bien, contribuent, encore sans le vouloir, au résultat que nous poursuivons de tous nos vosux. Ce résultat, nous vous l'avons déjà dit, c'est le travail, c'est la lutte, c'est le progrès Ces mots ont été compris par les cultivateurs de ce beau canton et la Commission chargée de visiter les fermes a pu apprécier les travaux, les essais, les efforts qui ont eu lieu, depuis quelques années. Cette Commission s'est acquittée avec zèle de la tâche laborieuse qui lui était imposée plus de vingt fermes ont été explorées dans tous leurs détails et partout elle a trouvé le progrès. Interprète de la Commission, dont j'ai été heureux de partager les travaux je viens donc aujourd'hui féliciter hautement le canton de ïrévières, et décerner à l'ensemble de ses exploitations le juste éloge qu'elles méritent. Partout où nous nous sommes présentas, dans les fermes que
nous avons traversées, sans pouvoir les visiter en détail, nous avons été frappés de la bonne tenue et de la propreté des herbages, de la beauté des bestiaux. C'est en quelque sorte, au canton tout entier qu'il faudrait décerner une médaille d'honneur.
Aussi, Messieurs, la Commission, malgré son zèle n'a pu visiter toutes les fermes bien tenues et habilement dirigées. Forcée de se restreindre elle a dû se présenter d'abord chez tous les cultivateurs qui avaient exprimé directement ou indirectement le désir de recevoir sa visite puis chez ceux qui lui étaient signalés, soit par l'importance de leur exploitation soit par des travaux et des efforts extraordinaires. La Commission avait à rechercher, dans ses explorations
1° Le propriétaire ou fermier qui avait fait le plus de travaux pour recueillir et utiliser les engrais liquides.
2° Les cultivateurs qui réunissaient le plus de titres pour obtenir les médailles et les mentions honorables destinées à récompenser la bonne tenue des fermes. 3° Les propriétaires ou fermiers qui s'étaient distingués par des plantations d'arbres forestiers, la bonne culture et l'élagage de ces arbres.
4° Les plus grandes et les plus belles cultures de betteraves ou autres racines alimentaires pour attribuer à ces cultures les primes en argent annoncées par le programme.
Enfin la Commission avait encore à examiner les titres des nombreux domestiques qui se sont présentés
pour concourir aux prix de moralité, et rechercher quels étaient les plus dignes des récompenses de la Société, soit par l'ancienneté de leurs services, soit par le zèle et le dévouement dont ils ont fait preuve. Un rapport spécial sur cette dernière partie des travaux de la Commission a été rédigé par notre honorable secrétaire, M. Coueffin, qui est retenu par de pénibles devoirs et que nous regrettons de ne pas voir aujourd'hui au milieu de nous dans cette intéressante solennité.
Nous vous rendrons compte successivement, et dans l'ordre que nous venons d'indiquer, des autres travaux de la Commission que nous avons été chargé de résumer mais avant d'entrer dans cet examen nous devons vous faire connaître que la Commission, frappée du grand nombre d'exploitations vraiment remarquables qu'elle a visitées a cru devoir user de la faculté qui lui était accordée en portant à cinq le nombre des mentions honorables.
D'un autre côté, la Commission n'a rencontré/dans aucune de ses visites, les plantations et les cultures d'arbres forestiers qu'elle était chargée de rechercher et de récompenser; elle a eu au contraire à déplorer, dans presque toutes les fermes, le mauvais système d'élagage par suite duquel les arbres sont bientôt épuisés. Ne trouvant pas à placer les récompenses spéciales destinées à cet objet, et regrettant qu'elles fussent perdues pour le canton de Trévières, qui les mérite sous tant d'autres rapports, la Commission après avoir pris l'avis de quelques-uns des membres
du Conseil d'administration de la Société a cru pouvoir disposer de ces deux médailles, à titre d'encouragement, pour l'industrie chevaline qui était autrefois une des gloire de notre pays, et qui est aujourd'hui trop négligée. – Après vous avoir donné ces explications, qui étaient nécessaires, nous allons vous faire connaître les titres des divers candidats que nous croyons les plus dignes des récompenses de la Société.
MÉDAILLE D'HONNEUR UNIQUE
POUR LE PROPRIÉTAIRE OU LE FERMIER QUI AURA FAIT LE PLUS DE TRAVAUX POUR RECUEILLIR LKS ENGRAIS LIQUIDES. Au premier rang des jeunes cultivateurs zélés pour le progrès, ardents à poursuivre toutes les améliorations, nous devons vous signaler M. Philippe LE SUEUR, de Villiers, qui marche avec succès sur les traces de son père.
Dans sa vaste exploitation, toutes les parties sont également soignées. Secondé par un propriétaire généreux et juste appréciateur de ses efforts, il a fait exécuter avec beaucoup d'intelligence tous les travaux nécessaires pour obtenir la plus grande quantité possible de bons fumiers, pour tirer parti de tous les engrais liquides que peuvent fournir les cours, les étables, les écuries et toutes les dépendances de l'exploitation. Deux vastes hangars couverts en ardoise permettent d'abriter tous les bestiaux pendant l'hiver. A cette époque les vaches laitières sont soumises à une stabulation presque complète pendant quelques heures seulement elles sont lâchées dans les herbes
réservées, ce qui n'empêche pas M. Le Sueur d'être constamment placé parmi ceux qui obtiennent les prix les plus élevés, pour la vente des beurres, à la halle de Paris.
Par exception aux usages du canton de Trévières, l'assolement de M. Le Sueur est triennal, et le blé ne revient que tous les trois ans sur la même terre. L'avoine, en petite quantité, les trèfles, le sainfoin, le colza, les betteraves, les vesces, pois et autres fourrages occupent la terre pendant les deux autres années. M. Le Sueur a réussi, malgré la sécheresse, à obtenir deux hectares de betteraves dans un bel état de végétation. Sa laiterie est pourvue d'un ventilateur et disposée de manière à renouveler l'air plus facilement. Il essaie, en ce moment, l'usage des terrines et des ceraines de métal pour déposer le lait et la crème. La Commission a été frappée de l'amélioration obtenue depuis quatre ans, par M. Le Sueur, pour la race de ses bestiaux elle a été surtout satisfaite du nombre et de la beauté des élèves. Enfin sous tous les rapports, ce jeune cultivateur mérite de vous être signalé, non-seulement à titre d'encouragement, mais encore pour servir d'exemple.
En 1842 M. Le Sueur père, avait obtenu la première médaille d'argent pour la bonne tenue des fermes. Nous sommes heureux, en rappelant aujourd'hui cette distinction, de décerner à M. Le Sueur fils, la médaille d'honneur destinée au fermier qui a fait les travaux nécessaires pour tirer parti des engrais liquides.
MEDAILLES ET MENTIONS HONORABLES POUR LA RONNE TENUE DES FERMES.
M. V(mard (Jean-Louis), ferme du Manoir, commune de Mandeville appartenant à M. Ch. de Cussy, de la Cambe.
M. Vimard avait obtenu, à votre dernier Concours, la deuxième médaille d'argent, et il a prouvé à la Société par de nouveaux efforts, que cette distinction avait été, pour lui, un puissant motif d'encouragement et d'émulation. De grands travaux de réparation, toujours onéreux pour le fermier, mais qui font honneur au zèle et à l'intelligence de l'honorable propriétaire, agriculteur lui-même fort distingué ont mis cette ferme dans l'état le plus satisfaisant. Elle se trouve maintenant pourvue (chose rare dans nos pays d'herbages), de tous les bâtiments nécessaires pour abriter les bestiaux dans la mauvaise saison, et obtenir les fumiers nécessaires a l'exploitation. Les labours de M. Vimard sont tenus avec un soin et une propreté remarquables, et ses herbages fréquemment engraissés et débarrassés de chardons et autres plantes nuisibles. Il cultive avec succès, mais en petite quantité, les betteraves et les pommes de terre. Les engrais liquides et toutes les eaux ménagères de cour qui s'écoulaient autrefois dans un chemin et allaient infecter plusieurs maisons voisines sont aujourd'hui recueillis dans une fosse en terre glaise et dirigés avec beaucoup d'intelligence dans un herbage et dans un pré inférieurs où ils sont devenus une cause
puissante de fertilité. C'est ainsi que dans les oeuvres de la nature tout doit trouver sa place et son emploi. Les poisons même qui semblent destinés à donner la mort fournissent au médecin habile des sucs précieux pour ranimer les forces ou calmér les souffrances des hommes; les débris les plus hideux et les plus infects raniment la terre épuisée et fournissent à l'agriculture d'abondantes récoltes.
L'exploitation de M. Vimard est surtout remarquable par le nombre et la beauté du bétail qui s'y trouve entretenu et qui a valu à M. Vimard une nouvelle distinction au Concours départemental de 1845. En effet cet habile cultivateur qui compte, dans ses herbages, trente-cinq vaches à lait de la meilleure race, plus de vingt belles génisses et vingt vaches de graisse, trouve cependant encore moyen de nourrir un troupeau de 120 moutons de race normande, parfaitement choisis et entretenus en très-bon état. Cette industrie, qui devient chaque jour plus rare dans nos contrées, et qui est cependant si précieuse, tant pour la production de la laine et de la viande que pour l'excellence du fumier, mérite de vous être signalée, parce qu'elle exige des connaissances particulières, et qu'elle est difficile à concilier avec la prodution du beurre.
En conséquence, la Commission a cru devoir accorder à la persévérance et aux utiles travaux de M. Vimard un nouveau témoignage de satisfaction, en vous proposant de lui décerner un rappel très-honorable de la médaille d'argent qu'il a obtenue en 1842.
M. Jacques LE PETIT, ferme du Grand Vérct, à Formigny, appartenant à M. d'Yhouville.
M. Jacques Le Petit est fermier de cette grande exploitation depuis plus de trente ans, et on peut dire qu'il l'a véritablement transformée par son intelligence, ses soins assidusetses travaux, qui sortent des règles ordinaires. Ne trouvant pas de la part du propriétaire, qui est éloigné du pays, les secours qu'il aurait peut-être eu droit d'espérer, il n'a pas craint d'entreprendre luimême, à ses frais, un ensemble d'améliorations qui a notablement augmenté la valeur de l'immeuble. C'est ainsi qu'il a fait établir plusieurs accessoires importants de la laiterie chaudières et fourneaux, conduites d'eau aussi utiles qu'ingénieusement combinées il a créé cinquante-cinq vergées (onze hectares) de prairies, et notablement amélioré par des engrais successifs tous les autres herbages; il a creusé, des abreuvoirs établi et planté des fossés avec autant de soin et d'intelligence que le propriétaire le plus zélé pourrait le faire sur son terrain.
Au moment où la Commission s'est présentée sur la ferme, cet infatigable cultivateur, après avoir et inutilement défoncé un abreuvoir dans un herbage nouvellement séparé, faisait creuser, dans le rocher, un puits de soixante pieds de profondeur sur douze pieds de diamètre, et transportait les matériaux dans les chemins d'exploitation. Tout cela, nous le répétons, a été entrepris à ses frais, sans indemnité du propriétaire; et nous n'hésitons pas à l'en féliciter, parce que nous sommes certains qu'il en sera récompensé par la plus-
value de la ferme, par la délicatesse du propriétaire, et aussi, Messieurs, par la jouissance d'avoir bien fait, jouissance plus réelle qu'on ne le croit généralement, surtout pour les hommes dignes de la comprendre. Les détails ordinaires de la culture répondent à ces travaux extraordinaires. Les labours ne laissent rien à désirer pour la propreté et l'état de fertilité des terres. Nous avons vu chez M. Le Petit un champ de betteraves qui n'est pas le plus étendu, mais qui est certainement le plus beau que nous ayons rencontré. La vacherie est remarquable par la beauté et la finesse des animaux, ainsi que par le rendement en lait et en beurre. Les herbages sont tenus avec un soin et une propreté dignes de servir d'exemple. M. Le Petit ne se contente pas de faire couper les chardons, il exige qu'il soient arrachés, et leur extirpation se fait à tâche chaque année dans les herbages. Enfin, Messieurs, nous avons reconnu dans M. Le Petit un de ces cultivateurs qui ne reculent devant aucun soin, aucune fatigue, aucune dépense pour obtenir de la terre tout ce qu'elle peut produire et pour donner du travail aux populations qui les entourent. Nous serons donc heureux de récompenser son zèle et surtout son désintéressement, en lui offrant la première médaille d'argent pour la bonne tenue des fermes.
M. Laurent Ygouf, Ferme de l'Ormelle, commune de Vierville, appartenant à M. Legonidec. Cette ferme appartient depuis deux ans seulement à un nouveau propriétaire, dont le zèle éclairé pour l'agriculture se révèle par des travaux utiles. Déjà
d'importantes améliorations ont été réalisées aux frais du propriétaire et sous la direction du fermier. Au dedans une laiterie pourvue de toutes les recherches du luxe et de la propreté, une pompe fournissant de l'eau avec abondance pour toutes les dépendances de cette laiterie; au dehors des fossés nouvellement construits, des pièces séparées avec intelligence, de belles clôtures tout révèle l'esprit progressif et bienveillant du maître, le zèle, l'intelligence, le travail du fermier. M. Ygout qui dirige depuis plus de vingt ans cette ferme difficile à cultiver en raison de l'étendue et de la qualité médiocre des terres, se distingue par l'excellente tenue de ses labours, la propreté de la terre, la beauté des récoltes. Il a créé deux hectares de prairie, il améliore et il entretient les herbages avec un soin tout particulier.
L'ensemble de la vacherie est très-bon, et nous y avons distingué plusieurs vaches d'élite. Nous avons surtout été très-satisfaits du nombre et du choix des élèves. Nous avons eu aussi occasion de remarquer avec intérêt qu'il existe dans cette exploitation une comptabilité fort bien tenue, ce qui manque généralement aux cultivateurs de notre pays.
Nous proposons en conséquence de décerner à M. Ygouf une deuxième médaille d'argent. M. Félix LE PAYSANT, ferme du Vieux Véret, commune de Formigny, appartenant à M. Ilellot. Toutes les parties de cette exploitation sont satisfaisantes, et il y règne un esprit d'ordre et d'ensemble qui ne laisse rien à désirer. M. Le Paysant, depuis dix-
huit ans qu'il est sur la ferme, a créé, en partie à ses frais, quatorze hectares de prairies et notablement amélioré celles qui existaient déjà. Il emploie chaque année pour plus de 500 francs de chaux. Sa vacherie et ses élèves sont dignes de remarque.
Nous l'avons jugé digne de vous être proposé pour une des médailles de bronze destinées à la bonne tenue des fermes.
M. CASTEL, Ferme de l'Église, commune d'Ftréham, appartenant à M. le comte d'Houdetot. M. Castel qui n'est entré en jouissance de cette ferme que depuis peu d'années, a déjà réalisé d'importantes améliorations. Ses terres en labour, qui étaient en mauvais état, sont aujourd'hui parfaitement propres et abondamment engraissées ses récoltes sont remarquables. Nous avons observé avec satisfaction une belle pièce de sainfoin de deux hectares culture malheureusement trop rare dans le canton de Trévières où elle serait d'un si grand secours pour la nourriture des vaches pendant l'hiver. M. Castel a converti neuf hectares de terres en prairies et engraissé la plus grande partie des autres herbages. Partout nous avons rencontré des tombes récemment levées, ou des ouvriers occupés à en préparer. Nous avons distingué dans la vacherie quelques animaux d'élite. La laiterie est belle et très-bien tenue. Dans l'intérieur de la laverie, une pompe très-ingénieuse disposée pour distribuer de l'eau à l'aide de simples robinets, dans tous les accessoires de la laiterie, a été établie par les soins de M. Castel, et en grande partie à ses frais; enfin nous
avons trouvé partout dans cette exploitation, à l'extérieur comme à l'intérieur, des preuves du travail et de l'intelligence du cultivateur.
Nous vous proposons donc, Messieurs, d'accorder à M. Castel une médaille de bronze.
M. SALLY, propriétaire et maire de Crouay (terre de Conjon).
M Sally dirige, soit comme propriétaire, soit comme fermier une assez grande exploitation qui est remarquablement bien tenue; et nous nous empressons d'ajouter qu'il est difficile de distinguer, sous le rapport de la bonne culture et des améliorations, les terres dont M. Sally jouit comme fermier de celles dont il est propriétaire. Les labours sont très-propres et engraissés chaque année aussi ne restent-ils jamais en jachères. M. Sally a même essayé cette année une culture dérobée qui a parfaitement réussi et qu'il est peut-être utile de faire connaître. N'ayant pas de terre disponible pour faire une pépinière de colza, il s'est empressé de labourer et d'engraisser la terre même sur laquelle se trouvait de la graine de colza, et il a obtenu de très-bonne plante sur laquelle il fera du blé: de telle sorte que cette terre aura donné, dans la même année, deux produits, et sera chargée d'une troisième récolte.
La vacherie et les élèves sont satisfaisants. Nous avons distingué une belle pouliche de la race Normande, aussi remarquable par la beauté de ses formes que par ses allures.
M. Sally a profité avec beaucoup d'intelligence d'une
belle source d'eau vive qui se trouve dans son jardin pour alimenter constamment la laiterie, la beurrerie et ses dépendances d'une eau courante de la meilleure qualité. Il a creusé de magnifiques abreuvoirs dans les herbages; en un mot, il ne cesse de donner à tout ce qui l'entoure l'exemple du travail et des bonnes méthodes de culture. Nous vous proposons Messieurs, de lui décerner une mention honorable.
M. Jacques Lccas, ferme du Haut Manoir, commune d'Engranville, appartenant à Mm* de La Villeurnoy.
Cette ferme, beaucoup moins importante que celles dont nous venons de vous entretenir, présente beaucoup plus de difficultés pour l'exploitation, parce que les pièces de terre dont elle se compose, sont séparées par de grandes distances et fort divisées, ce qui est un des plus grands obstacles à la bonne tenue d'une ferme. Malgré cet inconvénient nous avons trouvé un ensemble très-satisfaisant, un bon labour, des herbages nouvellement engraissés, des fossés neufs établis par les soins du fermier et parfaitement tenus, des plantations de jeunes pommiers, remarquables par le choix des sujets et la vigueur de la végétation. Sous tous les rapports M. Lucas mérite d'être encouragé et nous vous proposons de lui accorder une mention honorable.
M. Louis Baussieu, dit DAMBOISE, ferme de Laroche, commune de Crouay, appartenant à M. de Grandval. M. Louis Damboise est beaucoup plus connu par
le commerce de bestiaux très-important auquel il se livre depuis longtemps et avec succès, que par ses travaux en agriculture, et il mérite cependant de vous être signalé sous ce dernier rapport. Il dirige avec intelligence une des grandes exploitations du pays, plus de cent hectares de terre. Ses labours sont remarquablement tenus et engraissés; il a converti, depuis peu d'années neuf hectares de prairies qui ont été soigneusement amendées et qui donnent de belles espérances. Les engrais liquides et les eaux ménagères de la cour sont dirigés dans deux prairies inférieures où ils ont produit la plus belle végétation.
La vacherie de M. Damboise laisse beaucoup à désirer, d'autant plus que par la nature de son commerce et son habileté bien connue il serait plus en mesure que tout autre d'écarter ce qui est médiocre et de réunir dans ses herbages le plus beau type de la race Cotentine.
En vous proposant d'accorder aux travaux de M. Damboise une mention honorable, nous sommes convaincus que cette distinction flatteuse excitera son émulation et que sa vacherie sera bientôt transformée. M. Jean Lefrançois, ferme de Rubercy, commune de Maisons, appartenant à M. Fougea.
M. Lefrançois est un des plus anciens et des plus respectables cultivateurs de ce canton. Depuis près de quarante ans il dirige avec zèle et intelligence la ferme de Rubercy. Il a converti, à ses frais, six hectares de prairies et soigneusement engraissé tous ses herbages. La vacherie est remarquablement choisie et appro-
priée à la nature du fonds. Nous y avons distingué des animaux dignes de figurer dans un concours. M. Lefrançois s'occupe particulièrement de la confection du cidre. II a fait des expériences intéressantes sur le choix des espèces de pommes, sur les meilleurs procédés de fabrication, et il est parvenu à obtenir des cidres d'une qualité très-supérieure et d'un prix fort élevé.
M. Lefrançois nous a paru digne à tous les titres de vous être proposé pour une mention honorable. M. César Dubosq, ferme d'Enfervillc, commune de Crouay. appartenant à Mme de Wimpfen.
Le père de M. Dubosq, qui a joui pendant plus de quarante ans de la terre d'Enferville, était un des bons cultivateurs du pays, et se distinguait surtout par le choix des animaux qui composaient sa vacherie. Son fils marche déjà sur ses traces, et nous avons observé avec intérêt les travaux et les améliorations de ce jeune cultivateur, que nous avons trouvé occupé à faire répandre des tombes dans ses herbages. La fumière est parfaitement disposée, et tous les engrais liquides sont dirigés dans un herbage qui se trouve ainsi constamment engraissé. Les terres en labour sont dans un état de propreté remarquable. Indépendamment de la chaux et du fumier, M. Dubosq emploie chaque année pour trois cents francs de tourteau, et il en obtient de bons résultats.
M. César Dubosq, à peine au début de sa carrière agricole, mérite déjà des encouragements, et nous vous proposons de lui décerner une mention honorable.
MÉDAILLES D'ARGENT ET DE BRONZE, POUR l'amélioration DE LA RACE CHEVALINE. M. Félix Barbey ferme de la Barre commune d'Engranville appartenant à M. de Saffray. M. Barbey s'occupe depuis quelques années, et avec un succès qui mérite de vous être signalé dans ce Concours, de l'élève des chevaux de prix. Il a obtenu en 1845 la première prime de la Toussaint, et nous avons trouvé dans ses herbages trois juments poulinières et quatre pouliches de deux ans très-remarquables. Nous l'avons déjà dit, Messieurs, ces efforts pour l'amélioration de notre race chevaline ont droit à toutes nos sympathies; et nous devons ajouter au surplus que M. Barbey s'occupe avec le même zèle de l'amélioration de la vacherie.
La Commission a constaté avec plaisir, chez ce jeune cultivateur un notable progrès sous ce rapport il possède un bon taureau qui a obtenu la première prime au concours départemental de 1845, et qui vient encore d'obtenir la première prime à votre Concours. Secondé par un propriétaire bienveillant et ami des progrès agricoles, M. Barbey a fait exécuter d'importants travaux pour recueillir les engrais liquides et pour établir des ventilateurs dans sa laiterie. Nous avons remarqué qu'il emploie exclusivement depuis quelques mois, pour couler le lait et déposer la crème, des vases en zinc qu'il a fait confectionner lui-même, e il nous a déclaré qu'il en était très-satisfait. Ces travaux, ces expériences, ces améliorations ré-
vèlcnt un cultivateur laborieux et intelligent. Nous vous proposons de les récompenser en décernant à M. Barbey une médaille d'argent.
M. Enault, ferme de Cléronde, commune de Blay, appartenant à M. Dupont-Longrais.
M. Enault a fait aussi beaucoup de sacrifices pour l'élève et l'amélioration de la race chevaline. Il a acheté de jeunes étalons qui ont fait quelques bonnes productions dans le pays et il possède plusieurs juments et poulains qui donnent de belles espérances. M. Enault, qui avait déjà obtenu une mention honorable au Concours de 1842, est un cultivateur intelligent et progressif. Nous avons trouvé ses labours très-bien tenus, ses herbages améliorés, des tombes abondamment pourvues de fumier. Il a ensemencé quatre hectares de sainfoin et un hectare de luzerne. Nous vous proposons de lui décerner une médaille de bronze.
PRIMES SPÉCIALES EN ARGENT
POUR LA CULTURE DES RACINES.
La culture des betteraves, des pommes de terre, des carottes champêtres n'est pas encore assez répandue dans notre arrondissement et M. le ministre de l'agriculture a eu une heureuse pensée en affectant, dans notre Concours, deux primes spéciales pour encourager cette culture, qui offrirait une ressource précieuse au bétail pendant la mauvaise saison. Dans le cours de nos visites nous avons trouvé très-peu de betteraves et même peu de pommes de terre. Nous avons
eu soin de vous signaler ces résultats dans notre rapport. Nous vous proposons d'accorder la première prime de 90 francs à M. Philippe Le Sueur, de Villiers, qui a fait deux hectares de betteraves, et la deuxième prime de 60 francs, a M. Jacques Le Petit, de Formigny, qui a fait environ un hectare et demi de betteraves.
Il nous reste maintenant, pour accomplir notre tâche toute entière, à vous entretenir des autres cultivateurs qui ont reçu notre visite et qui méritent tous, à divers titres, de trouver place dans ce rapport, particulièrement quelques-uns d'entre eux qui, par modestie ou par désintéressement nous ont déclaré formellement qu'ils ne voulaient pas prendre part au Concours. M. Paul de Cauvigny, propriétaire à Vierville, avait été nommé membre de la Commission chargée de la visite des fermes; mais une indisposition l'a empêché de nous accompagner; et nous croyons devoir aujourd'hui faire violence à sa modestie en vous signalant son exploitation.
M. DE Cauvigny fait valoir un vaste domaine, près de cent hectares de terres, d'une qualité médiocre et très-difficiles à cultiver. Les terres lourdes et mouillantes sont pénibles pour le laboureur; les herbages, souvent trop humides, souvent desséchés par le soleil et les bises de mer, sollicitent des travaux et des engrais répétés et néanmoins cette exploitation peutêtre citée comme une des plus remarquables et des mieux tenues du canton. Les labours sont irréprochables. Malgré les difficultés que présentent ces terres,
M. de Cauvigny cultive avec succès les plantes sarclées, la betterave, la carotte, le colza. Ses herbages, complétement dépouillés et successivement engraissés, sont très-bien tenus. Les fumiers des divers animaux, soigneusement mélangés, sont tous réunis dans une vaste fumière, éloignée de l'habitation et entourée de murs où ils sont chargés par des couches successives de sable de mer qui les défend de la sécheresse et augmente la masse des engrais. Enfin les prix élevés que M. de Cauvigny obtient depuis longtemps à la halle de Paris pour la vente de ses beurres témoignent des soins et de la bonne direction de la laiterie. Si la vue d'une terre fertile, offrant en quelque sorte d'elle-même au cultivateur d'abondantes récoltes, est satisfaisante au premier coup d'œil le spectacle de l'homme laborieux, luttant avec courage contre un sol ingrat et le forçant à produire, est encore plus digne d'intérêt, et mérite d'être cité tout à la fois comme exemple et comme encouragement.
M. Aubin SIMON, propriétaire et maire de Saonnet. La principale industrie de M. Simon consiste dans la tenue des herbages et des bestiaux. Ayant obtenu tout récemment au Concours départemental de 1845 la grande médaille d'or, pour le nombre et la beauté de son bétail, c'est-à-dire la récompense honorifique la plus satisfaisante qui pût lui être offerte, il nous a exprimé le désir de ne pas prendre part au présent Concours; mais tout en accédant à sa demande, nous ne pouvons nous empêcher d'accorder un témoignage public de satisfaction au zèle, aux efforts, à l'habileté de ce
jeune cultivateur qui n'a rien négligé pour obtenir une belle race de bestiaux, pour améliorer toutes les parties de sa vaste exploitation.
Convaincu comme nous des avantages du système de stabulation pendant l'hiver, M. Simon a fait construire de magnifiques étables parfaitement bien disposées, où plus de trente boeufs peuvent trouver place dans la mauvaise saison, et qui forment dans l'été une belle bergerie.
M. Michel Lefrançois, ferme de Gruchy, commune de Saon, appartenant à M. Truttat.
M. Lefrançois est un de ces cultivateurs modestes qui sont trop peu connus, parce qu'il ne se produisent jamais eux-mêmes et qu'ils ne se révèlent jque par des connaissances solides et la beauté de leurs produits. M. Lefrançois a succédé à son père dans la direction de cette exploitation, qui est une des plus grandes du pays.
Ses terres sont bien cultivées, ses herbages bien tenus et fréquemment engraissés par des tombes soigneusement préparées; mais ce qui doit être surtout signalé, dans un canton où les bestiaux forment la principale richesse du pays, c'est la beauté et la finesse des animaux qui composent la vacherie. Le grand nombre et le choix des élèves le système de réforme pratiqué par M. Lefrançois pour remplacer successivement les animaux défectueux par des bêtes d'élite ont mis cette vacherie au premier rang parmi celles du canton, et témoignent de ses efforts pour améliorer notre belle race du Bessin.
lf. Lefrançois, qui aurait eu des droits certains à l'une des récompenses que vous allez décerner, nous ayant déclaré formellement qu'il ne désirait pas concourir, nous ne pouvons lui offrir que des félicitations et des éloges.
Enfin, Messieurs, dans toutes les fermes que nous avons visitées nous avons trouvé quelque chose de satisfaisant et qui mérite de vous être signalé. Chez M. BIDEL, à Bricqueville, nous avons trouvé des herbages très-bien tenus, des rigoles curées avec le plus grand soin et des tombes bien préparées. Chez M. DE Babssy père, à Tessy, nous avons admiré l'ordre et la régularité qui régnent dans cette grande exploitation. Nous avons observé des terres convenablement engraissées, une bonne et nombreuse vacherie. Chez M. Charles REGNAULD, à Vaulaville, nous avons trouvé des labours très-bien tenus, remarquables par la propreté de la terre et l'abondance des engrais, une belle vacherie, des herbages soigneusement dépouillés. Chez M. LETOURNEUR, à Crouay, nous avons aussi remarqué une très-bonne vacherie des herbages bien tenus et un ensemble d'exploitation généralement satisfaisant.
Nous aurions voulu visiter encore un plus grand nombre d'exploitations; mais le temps et les forces nous ont manqué. Nous croyons toutefois pouvoir nous rendre ce témoignage que nous n'avons rien négligé pour découvrir et pour vous signaler les cultivateurs
qui réunissent le plus de droits aux récompenses de la Société.
Nous sommes heureux de profiter de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour remercier publiquement les honorables Commissaires qui nous ont assisté dans cette mission laborieuse et délicate.
Ce rapport, substantiel, consciencieux, impartial, a été. écouté avec une faveur marquée.
M. Richard Desramé-Dubois a ensuite donné lecture du rapport suivant, sur les prix de moralité, rédigé par M. Coueffin, secrétaire de la section d'Agriculture.
MESSIEURS,
Après l'éloquent discours que vous venez d'entendre et les rapports si circonstanciés des travaux de vos Commissions, il ne m'est pas permis de vous entretenir des progrès successifs que votre zèle, vos lumières et vos sacrifices de toute nature ont fait faire au premier et au plus noble des arts. En effet, la mission qui m'est confiée est plus restreinte, et je tenterais en vain, pour vous intéresser, d'en franchir les limites. Toutefois, en me renfermant dans ma spécialité, j'aurai encore quelques considérations utiles à vous présenter. Je me recommande à votre indulgence.
Vous savez comme moi, Messieurs, que l'économie publique comprend la science de l'industrie agricole, laquelle a pour objet de recueillir directement des
mains de la nature des choses propres à satisfaire aux divers'besoins de l'homme.
Que selon la manière dont on utilise cette source féconde et toujours inépuisable on obtient des résultats divers.
Que la société humaine, toute entière, doit désirer son plus grand développement, car, plus la terre produit plus elle offre à ses habitants des moyens d'aisance et de richesse d'abord matériels et ensuite industriels. L'échange qui s'opère entre les divers pays, et même entre les diverses nations, du superflu réciproque, constitue une sorte de fraternité générale qui donne lieu à mille combinaisons dans lesquelles s'exercent toutes les intelligences et où chacun trouve son pain quotidien.
Ainsi on peut affirmer, sans exagération, que l'agriculture est la mère nourricière du genre humain, puisque ses produits, quelle que soit leur transformation, forment les premiers éléments des autres industries. Mais cette mère exige des soins constants une longue expérience l'a démontré et l'état généralement satisfaisant de nos exploitations agricoles en offre aussi la preuve. Tout le monde a compris avec M. de Dombasle que, pour qu'elles continuent à progresser, il faut un esprit d'ordre et de discernement, une connaissance acquise des hommes et des affaires, une grande prudence de caractère et beaucoup de patience il faut aussi que le directeur s'entoure d'aides ou de domestiques intelligents et loyaux qui le secondent, soit en le rpmplaeant et exécutant ses ordres, là où il n'est
pas, soit en donnant aux travaux l'impulsion et la perfection dont ils sont susceptibles.
Une telle communauté de travail, d'efforts et de soins devrait être fondée sur une confiance et une estime réciproques.
Malheureusement il n'en est pas toujours ainsi. Le lien qui unit les domestiques aux maîtres est trop faible pour résister aux mauvaises influences, souvent aux mauvaises passions.
Ce désaccord est funeste à l'agriculture. Les maîtres, privés du concours sur lequel ils avaient droit de compter, se trouvent neutralisés dans l'accomplissement de leurs projets, et forcés d'en modifier l'exécution. Mais les domestiques et servantes perdent plus encore quand, oubliant leurs devoirs et les obligations qu'ils ont prises, ils renoncent à la considération acquise aux personnes fidèles, probes, laborieuses et morales. En effet les tribunaux flétrissent leurs écarts; la société les repousse, et leur existence tourmentée devient de plus en plus malheureuse.
Cependant les uns et les autres ont un intérêt commun à rester unis. Sans vouloir examiner si le maître n'a pas quelquefois des torts à se reprocher, je suis d'avis qu'indulgent pour les fautes légères, il doit toujours être un protecteur éclairé. Or que ses réprimandes soient douces que ses conseils soient bienveillants et quasi paternels, et alors il ramènera il faut l'espérer, à la raison, à la docilité les coeurs que l'absence de toute éducation et les mauvais exemples n'ont pas entièrement pervertis. Quant aux autres, qui
sont justiciables des lois pénales les abandonner à leurs destinées est un devoir.
On se demande, depuis longtemps, Messieurs, pourquoi les maîtres attachent à leurs établissements des étrangers dont ils ne connaissent ni le lieu de naissance, ni les noms, ni la moralité?
Pourquoi ces individus ne sont point présentés aux maires des communes dans lesquelles ils prennent domicile, afin que ces fonctionnaires les inscrivent sur les états de population et constatent leur identité? On se demande encore pourquoi ils ne sont pas astreints à être porteurs de livrets ?
Pour résoudre ces questions, on est forcé de reconnaître que la négligence et l'indifférence des maitres sont manifestes dans les deux premiers cas, et que dès-lors ils ont de graves reproches à se faire quand ils sont victimes d'abus de confiance. Est-on, en effet, excusable quand on prend un engagement sérieux de ne pas exiger des garanties d'exécution? Mais un usage suranné et bon pour le temps où il commença a prévalu. A la vérité cette époque était protégée par des réglements de police d'une grande sévérité, qui maintenaient la balance dans un juste équilibre. Aujourd'hui, bien que nos lois civiles veillent, leur protection restera inefficace tant qu'une loi spéciale n'aura pas rendu obligatoire les livrets. Vous savez que notre Société d'agriculture et nos Conseils d'arrondissement et de département ont, après mûr examen, réclamé la proposition et l'adoption d'une telle loi. Espérons donc avec confiance que le gou-
vernement croira pouvoir donner satisfaction aux intérêts de l'agriculture sans porter atteinte à la liberté individuelle.
Quoiqu'il en soit, Messieurs, si vous voulez insensiblement faire disparaitre ces entraves apportées au système d'amélioration qui, chaque année, augmente la masse de nos produits, et donne à notre bel arrondissement cette haute position que les autres pays lui envient redoublez encore d'efforts et formulez vos vœux, par l'intermédiaire de la Société d'agriculture; son concours moral ne vous fera jamais défaut. Déjà elle vous offre les moyens de récompenser ces bons et fidèles domestiques qui lui ont été signalés. Les prix qui vont leur être décernés soit relativement à la perfection des labours soit en ce qui concerne la durée de leurs services chez les mêmes maîtres, deviendront un puissant stimulant et une cause d'émulation poux leurs égaux.
Pour prendre part aux prix de moralité alloués par l'art. 16 du programme, dix domestiques et six servantes se présentent. Quoique la Société ne puisse accorder à chaque sexe que deux récompenses en argent et deux mentions honorables, elle m'a recommandé de signaler et les noms et les services de tous les prétendants, pour leur valoir à des titres différents, il est vrai de recommandation publique.
Je remplis ce devoir avec une douce satisfaction mais avec le regret que les ressources de la Société ne lui permettent pas de faire plus.
Suivent les noms
HOMMES.
1° Jacques ROUGET âgé de 50 ans domestique agricole, chez M. de Lépesse, propriétaire à Yienille, depuis le jour Saint-Clair 1823 sans interruption, Bonne direction des travaux, bonne conduite, intelligence, probité et attachement pour ses maîtres. 2° Michel LE Févre âgé de 35 ans domestique chez M. Le Petit, propriétaire-cultivateur à Formigny. Vingt ans de service sans interruption fidélité constante et intelligence dans la conduite des chevaux. 3° Jacques LE GRAS, domestique à Mosles chez Mm° veuve François Le Fournier,
Quatorze ans de service en qualité de grand-domestique, sans interruption.
Probité et fidélité; bonne conduite et moralité. 4° Louis LE Tourneir, âgé de 40 ans, domestique chez M. Louis Le Royer, propriétaire-cultivateur à Bernesq
Seize ans de service sans interruption; fidélité et moralité.
S" Alexandre CRAUVILLE, domestique, chez M. Carbonnel, propriétaire à Saint-Laurent-sur-Mer, Dix-huit ans de service; zèle, fidélité et bons procédés.
6" Antoine Costey, domestique chez Mme veuve Havard, à Sainte-Honorine, âgé de 46 ans, Vingt-trois ans de services; serviteur fidèle et conduite irréprochable.
7° François Delalney, domestique à Mosles, chez M. Pierre-Louis Delamare, boucher et cultivateur, Service sans interruption de 1830 à 1844. Il semble qu'il aurait momentanément quitté son maître; Í mais en ce moment il se trouve chez lui.
Fidélité et bonne conduite estime générale. 8° Jean-Pierre Fresnel, domestique chez M. Barbey, propriétaire-cultivateur à Engranville, Quatorze ans de service, honnête homme, dévoué à son maître, intelligent et traitant les animaux avec douceur.
9° Jacques MARIE, domestique depuis 1818, sans interruption, chez M. Michel Vimard, propriétairecultivateur à Mosles
Fidélité et probité; moralité et bonne conduite. 10° Jean MARIE, dit GOUBERT, domestique chez M. Sally, maire de Crouay, depuis seize ans sans interruption.
Intelligence, bonté, fidélité..
FEMMES
1° Marie Nativel, servante chez Mme veuve Pierre Le Coupey, propriétaire-cultivatrice à Vierville, Trente-quatre années de bons et loyaux services; capacité rare pour la manutention du beurre confiance en tout temps illimitée de la part de ses maîtres. 2° Emilie-Marie David servante chez M. Louis Le Royer, propriétaire-cultivateur à Bernesq, Dix-sept ans de service sans interruption probité et moralité.
3° Marie FRANÇOISE, servante chez M. Michel Le Bourgeois, propriétaire-cultivateur à Ste-Honorine, Dix-neuf ans de service sans interruption; soins affectueux donnés au père et à la mère de son maître, moralité et fidélité constantes.
4° Monique MARIE, servante chez M. Laroche, propriétaire-cultivateur, demeurant au Breuil, Vingt-deux ans de service sans interruption, avec exactitude et probité.
5° Virginie MARIE, servante chez M. Pierre-Louis Delamarre, cultivateur et boucher à Mosles, depuis 1819, sans interruption,
Probité, fidélité et moralité.
6° Marie-Madeleine Potier, servante chez M. Couillard, propriétaire-cultivateur à Mandeville, N'a servi que deux maîtres, savoir dix-sept ans chez M. Avif, et onze ans sans interruption chez M. Couillard.
Bons et loyaux services dans les deux maisons. Vous concevez facilement, Messieurs, dans quels embarras votre Commission s'est trouvée pour faire un choix consciencieux parmi des candidats qui réunissaient toutes les conditions du programme et qui tous étaient réellement recommandables. Elle n'a point voulu s'en rapporter exclusivement aux attestations produites elle a encore recueilli divers renseignements destinés à les compléter. Balançant alors les droits respectifs, elle a pris la décision dont je vais avoir l'honneur de vous rendre compte.
En conséquence, elle a désigné comme ayant droit, savoir
HOMMES.
Au 1er prix de 60 francs,
Le sieur Marie (Jacques), domestique de M. Vimard, à Mosles.
Au 2* prix de 40 francs,
Le sieur Costey (Antoine) domestique de Mm* veuve Havard, à Sainte-Honorine-des-Pertes. A la 1" mention honorable,
Le sieur LE Févre (Michel), domestique de M. Jacques Le Petit, à Formigny.
Et à la 2e mention honorable
Le sieur CRAUVILLE (Alexandre) domestique de M. Carbonnel, à Saint-Laurent-sur-Mer.
FEMMES.
Au 1er prix de 60 francs,
La demoiselle Nativel (Marie), servante de M0"1 veuve Le Coupey, à Vierville.
Au 2° prix de 40 francs,
La demoiselle Makie (Virginie), servante de M. Delamare, à Mosles.
A la lre mention honorable,
La demoiselle Marie (Monique) servante de M. Laroche, au Breuil.
Et à la 2° mention honorable,
La demoiselle MARIE (Françoise), servante de M. Le Bourgeois, à Sainte-Honorine.
Ici, Messieurs ma tâche se termine. Avant tout, permettez-moi d'adresser aux lauréats mes sincères félicitations.
Domestiques et servantes, n'oubliez jamais ce beau jour. Les brevets qui vont vous être remis par M. le Président doivent être sacrés pour vous et pour vos familles; conservez-les comme garantie de bonheur. Désormais vos camarades seront fiers de votre affection et l'attachement de vos maîtres deviendra la consolation de vos vieux jours.
La Société d'Agriculture ne vous oubliera pas non plus.
Cet excellent rapport, rempli de vues sages, de considérations morales et de conseils prudents, a fait une vive impression sur l'assemblée.
Sur le rapport du Jury des Concours de labourage et des bestiaux les récompenses ont été décernées ainsi qu'il suit
CONCOURS DE LABOURAGE.
h' Prix 70 francs M. Ainand Langlois employé agricole chez M. Jean-Louià
Vimard à Mandeville.
2* Prix GO francs M. François Noirci employé agricole chez M. Ygouf à
Vierville.
5' Prix, 40 francs M. Vimard fils cultivateur à Mosles.
4* Prix, 50 francs M. Pierre Fresnel, employé agricole chez M. Félix Barbey, à
Engranvillo.
CONCOURS DE TAUREAUX.
i" Prime 200 francs M. Félix Barbey, d'Engranville pour un taureau brange, de race
Cotenline, âgé de dix-huit mois.
2° Prime 170 francs M. Amand LE Chartieb de Colombières, pour un taureau
caille-brange de race Coten-
line, âgé de dix-huit mois.
5e Prime, 150 francs M. Gustave LE Hérisson, de Saon, pour un taureau brange-
caille, de race Cotentine, âgé
de deux ans.
Mention honorable M. Désiré Adeline de Elay, pour un taureau de race Durham-Co-
tentine.
CONCOURS DE GÉNISSES.
l" Prime 125 francs M. Laurent Ygouf, de Vierville, pour une génisse brange-tigre
de race Cotentine.
2' Prime 100 francs M. Aubin SmoN.de Saonnet, pour une génisse pagne, de race Co-
tentine.
5e Prime, 7o francs M. Désiré Adeliise, de Blay, pour une génisse brange-rouge, de
race Cotentine.
CONCOURS DE BÉLIERS.
ir° Prime 60 francs M. Alexandre Daon de Bricqueville, pour un bélier de race
mérinos-anglaise.
2' Prime 40 francs M. Videgrain de Teysy, pour un bélier de race de Disliley.
CONCOURS DE VERRATS.
i'° Prime 60 francs M. Jean-Louis Vimard de Mandeville, pour un verrat de race
normande, âgé de sep mois.
2e Prime 40 francs M. Amand Le Charthcr, de Colombières, pour un verrat de
race normande, âgé de dix
mois.
Après la distribution des récompenses les autorités, les membres de la Société, la plupart des principaux propriétaires et agriculteurs du pays ont pris part à un banquet de plus de cent couverts, auquel avaient été invités les lauréats du concours de labourage et les anciens ouvriers agricoles qui venaient de recevoir les prix de moralité.
Pendant les concours et le banquet, la musique de la garde nationale de Trévières a joué avec beaucoup d'ensemble des morceaux d'harmonie.
La fête a été terminée par un joli feu d'artifice dû à la libéralité de M. le maire de Trévières et des membres de la Commission d'organisation, et habilement préparé par M. de Lamache, d'Ecrammeville.
CONCOURS AGKICOIiES DE 1847. 00
Le 19 septembre 1847 ont eu lieu, à Caumont, les Concours agricoles annuels établis par la Société d'Agriculture de Bayeux.
Le Jury, composé de MM. de Laboire, président, Adeline, propriétaire et maire, à Blay, Farcy et Chauvin, propriétaires-agriculteurs, à Caumont, Le Bas, propriétaire et maire, à Bucels, Le Doyen, médecinvétérinaire, à Trévières, et Richard Desramé-Dubois, secrétaire, a commencé ses opérations à onze heures et demie.
Les Concours ayant lieu pour la première fois dans le canton de Caumont, et leur utilité n'étant pas encore parfaitement comprise, le nombre des bestiaux présentés était peu considérable. Toutefois, le Jury a trouvé un nombre suffisant d'animaux de mérite pour décerner toutes les primes portées au Programme. A une heure et demie, les membres de la Société et les autorités de Caumont, réunis en cortége et précédés de la musique se sont transportés sur une pièce de terre appartenant à M. Farcy, située sur la route de Thorigny, où devait avoir lieu le Concours de labourage. Sept concurrents se sont présentés et ont été admis à concourir. Après avoir tiré au sort la portion de terrain qu'ils devaient labourer, ils ont placé
leurs charrues en face des poteaux portant les numéros qui leur avaient été respectivement attribués; et au signal donné, le concours a commencé, au milieu d'un quadruple rang de spectateurs empressés et attentifs.
Vivement excités par la foule, qui les suivait des yeux, et le désir de remporter les prix de la lutte, les concurrents ont fait preuve d'habileté et d'aptitude une heure leur a suffi pour labourer les deux sillons qui formaient leur tâche respective.
Aussitôt que les charrues ont été retirées le Jury a procédé à ses opérations, qui ont été terminées un peu avant trois heures. Le cortége s'est alors remis en marche et est revenu sur la place de Caumont, où un élégant pavillon avait été dressé par les soins de M. le Maire et de la Commission d'organisation. A trois heures et demie, la Société s'est réunie en séance solennelle dans ce pavillon, sous la présidence de M. Pezet, pour procéder à la distribution des récompenses.
Siégeaient au bureau
MM. Lance et Douesnel, membres du Conseil général du Manoir, Coueffin et Dupont, membres du Conseil d'arrondissement; Goubot maire de Caumont Le Teinturier la Prise, juge de paix du canton; de Bonnechose, vice-président de la Société; Castel, secrétaire général; Georges Villers, vice secrétaire général; de Laboire et Le Sueur président et viceprésident de la section d' Agriculture le marquis de Balleroy et les membres du Jurv.
M. Richard Desramé-Dubois remplissait les fonctions de secrétaire.
La place de Caumont, légèrement en pente, présentait alors un aspect des plus animés et des plus pittoresques; plus de trois mille personnes de rangs et de costumes divers, se pressaient au-devant et sur les côtés du pavillon, et témoignaient par leur tenue et leur silence de l'intérêt qu'elles prenaient à la solennité qui les réunissait.
M. le Président a ouvert la séance et donné la parole à M. de Laboire, qui a prononcé le discours suivant
MESSIEURS,
Il y a quatre ans, à pcu près à pareil jour, nous étions réunis à Balleroy pour une solennité semblable à celle qui nous rassemble en ce moment et je suis heureux de vous retrouver aujourd'hui à Caumont en si grand nombre, fidèles au rendez-vous que nous vous avions donné pour honorer, pour fêter tous ensemble l'agriculture de votre canton. Je vous avais promis, au nom de notre Société, de revenir visiter vos exploitations et apprécier vos travaux. Nous avons passé plusieurs jours au milieu de vous, parcourant vos champs et vos prairies, visitant vos troupeaux admirant partout les efforts du travail et de l'intelligence, dans un canton, dont les terres généralement inférieures à celles des autres parties de l'arrondissement, sont plus difficiles à travailler. La culture des
plantes fourragères et des racines, qui commençait à peine, s'est développée sensiblement; celle du colza s'est étendue et perfectionnée le sainfoin qui est encore trop peu cultivé, s'est propagé; des améliorations plus remarquables encore ont été introduites dans vos races de bestiaux. Nous devions nous attendre à les voir aujourd'hui se produire publiquement dans le Concours qui vous était offert par la Société. Pourquoi donc ce Concours était-il presque désert, nos primes dédaignées et enlevées sans concurrence par un petit nombre de bestiaux qui n'étaient certainement pas les meilleurs de votre canton? Les étrangers, venus de loin à cette fête, auront une faible idée de votre zèle et de vos efforts, et ils douteront peut-être de la sincérité de nos éloges. Cependant, Messieurs, c'est un devoir pour la Commission de le proclamer les progrès qui ont été réalisés en si peu de temps dans le canton de Caumont, ont dépassé nos espérances.
Permettez-moi de croire et d'espérer qu'une bonne part de ces progrès est due à l'influence salutaire de notre Société d'agriculture, aux conseils, aux encouragements qu'elle a donnés, à l'émulation qu'ont inspirées les modestes récompenses que nous allons décerner, récompenses trop faibles sans doute, et bien peu en rapport avec l'importance de cette grande industrie qui nourrit la France. Et pourtant ces récompenses, toutes faibles qu'elles sont, ont été appréciées par vous avec une louable émulation, et mises à plus haut prix, le Concours de bestiaux vient de nous en
donner la preuve, que des primes en argent, que vous n'avez pas cru devoir disputer. C'est qu'en France surtout dans ce pays de l'honneur, ce n'est pas la valeur de la récompense qui excite les efforts et le dévouement c'est la gloire qui s'y attache. Jamais Rome ne fut si vertueuse et si grande que lorsque les vainqueurs recevaient une simple couronne de chêne pour prix de leurs exploits. Et nos braves soldats, ces martyrs de la gloire qui affrontent aujourd'hui la mort sur la terre d'Afrique, comme naguères sur tous les champs de bataille de l'Europe, quelle est donc la récompense qui les soutient au milieu des fatigues des privations et des dangers? N'est-ce pas l'espoir de placer un simple ruban sur leur poitrine? Mais ce ruban est, pour eux, le symbole de l'honneur, du dévouement à la patrie! I Telles sont aussi, Messieurs, les médailles que nous vous apportons. Elles ont peu de valeur par elles-mêmes, mais elles en prendront beaucoup à vos yeux, aux yeux de tous, par l'honneur qui s'y attache, par les efforts consciencieux qui ont été faits par nous, et dont vous avez été témoins, pour les décerner aux plus dignes, par l'éclat de cette réunion où elles vous sont données sous les yeux de vos compatriotes de vos parents, de vos rivaux, en présence du premier magistrat de cet arrondissement et des membres de vos Conseils électifs, qui ont tenu à honneur d'assister à cette réunion solennelle.
Ces récompenses témoigneront, aux yeux de tous, que ceux qui les ont reçues ont été jugés les cultiva-
teurs les plus distingués du canton. Elles seront un motif de légitime orgueil pour leurs familles et ces médailles sans valeur apparente, seront disputées un jour, par vos enfants, comme une part précieuse de l'héritage paternel.
J'avais donc raison, Messieurs de vous le dire dans nos premières réunions, au début de la Société l'agriculture française, pour remplir son importante mission et atteindre à la hauteur de ses destinées, a surtout besoin d'être honorée. Rien n'est plus propre à la faire marcher dans la voie du progrès que d'élever, de grandir à leurs propres yeux ceux qui labourent le sol, et de leur donner une part dans les distinctions réservées à ceux qui méritent bien du pays. -J'ajoutais encore, à cette époque, qu'il était nécessaire de retenir dans les rangs de l'agriculture, la jeunesse intelligente qui déserte nos campagnes, parce qu'elle n'y trouve pas d'instruction suffisante, et qu'il fallait une direction, un enseignement spécial pour les enfants destinés à la culture des terres. Peu d'années se sont écoulées depuis que je vous adressais ces paroles et je suis heureux de pouvoir vous apporter aujourd'hui l'espérance que ces deux grands besoins de l'agriculture seront satisfaits. Chaque année voit instituer de nouveaux concours plus imposants et plus solennels. Les fils du roi, les ministres, les plus hauts fonctionnaires de l'état se font un devoir d'S assister et d'offrir eux-mêmes aux cultivateurs qui savent les conquérir des primes plus nombreuses, des récompenses pécuniaires plus impor-
tantes, des dictinctions honorifiques proportionnées aux services rendus.
Et quant à l'enseignement agricole, une circulaire toute récente, publiée par M. le ministre de l'agriculture, annonce que des mesures sont prises pour l'organisation, dans chaque département, d'une ferme école destinée à former de jeunes cultivateurs. Rendons grâce, Messieurs, à cette heureuse disposition des esprits qui ne se contente plus de donner à l'agriculture des louanges banales et stériles mais qui réclame et qui obtient pour elle des mesures efficaces. Rendons grâce aussi au gouvernement qui met à profit les loisirs d'une longue paix pour étudier sérieusement les besoins de notre agriculture, et qui entre ainsi dans la voie des améliorations et des institutions si vivement désirées, si longtemps attendues. Il était temps, Messieurs, que l'agriculture fût ainsi hautement protégée et réhabilitée, après les rudes épreuves qu'elle vient de subir. Les souffrances des populations urbaines et des classes ouvrières ont été grandes, sans doute, pendant les mois qui viennent de s'écouler, et nous en avons tous été vivement émus mais l'agriculture aussi a eu ses jours de deuil, d'inquiétudes et d'injustes préventions. Lorsque le ciel refusait à ses rudes travaux les moissons abondantes qui doivent en être la récompense lorsque déjà privée de son légitime salaire, elle était obligée de faire de nouveaux sacrifices pour soulager les souffrances qui l'entouraient, c'était dans ce moment-là même qu'on l'inquiétait par des menaces qu'on dé-
chaînait contre elle les mauvaises passions, en répandant les calomnies les plus absurdes et les plus dangereuses accusations. Sans parler des sourdes rumeurs d'accaparement et de destruction des blés, semés par une coupable malveillance, les journaux les plus répandus accusaient l'agriculture de routine et d'ignorance à la face du pays; ils lui demandaient compte du défaut de la récolte de l'intempérie des saisons de la maladie des pommes de terre, que sais-je de toutes les causes qui ont contribué à amener ce fait déplorable de la cherté des subsistances. On a été jusqu'à lui reprocher ses progrès et à lui faire un crime de consacrer une partie du sol à la culture du colza, des betteraves, du sainfoin et autres plantes fourragères, et on n'a pas voulu proclamer que la France qui ne nourrissait, en 1789, que 20 millions d'habitants, et 6 millions seulement avec du blé, nourrit aujourd'hui 36 millions d'hommes et 20 millions avec du froment. On n'a pas dit que la production du blé a plus que triplé dans l'espace de moins d'un siècle, et que l'agriculture, écrasée par les malheurs des temps, par les guerres, par trois invasions, a néanmoins réalisé d'immenses améliorations. Les écrivains qui accusaient ainsi l'agriculture ignorent, sans doute, que la terre ne produit pas toujours du blé; que les racines et autres plantes fourragères, qui permettent de nourrir des bestiaux et de produire des engrais, peuvent seules soutenir et développer la fécondité du sol, tout en fournissant au pays des aliments précieux qui lui sont maintenant aussi néces-
saires que le pain; ils ne savent pas qu'un hectare de terre bien fumé et préparé par des cultures sarclées, produit plus que trois hectares dans d'autres conditions; ils n'ont pas voulu voir enfin que jamais on n'a produit tant et de si beau blé que depuis que ces cultures ont été introduites.
Est-ce à dire pour cela que l'agriculture doive aujourd'hui s'endormir dans une trompeuse sécurité et s'arrêter parce qu'elle est entrée dans la bonne voie ?
Non, non, Messieurs, jamais peut-être elle n'avait eu de si grands devoirs à remplir, tant de rudes conquêtes à entreprendre, tant de terres ingrates à féconder. Ne voyez-vous pas tous les regards qui se tournent vers elle et qui lui demandent impérieusement d'augmenter encore ses produits pour nourrir tous ces nouveaux enfants qui se pressent chaque jour davantage sur le sol de la patrie, sur ce territoire qui ne grandit pas et qui s'épuisera si le génie de l'homme ne développe pas sa fécondité ?
Ainsi, Messieurs, vous avez beaucoup fait depuis quelques années, mais ce n'est pas assez; vous pouvez faire, et vous ferez beaucoup plus,* beaucoup mieux encore.
Je l'ai déjà dit, et je ne me lasserai jamais de le répéter dans nos réunions agricoles le champ du progrès est sans limites Semblable à l'horizon qui fuit toujours devant nous, avant même que le but auquel on aspire soit atteint, il présente à nos regards un autre but plus élevé, et réclame de nouveaux efforts.
Mais le jour du repos, me dit-on souvent quand je parle ainsi, le jour du repos ne se lèvera donc jamais ? quand donc pourra-t-on goûter ces doux loisirs qui sont presque toujours le but et l'espoir du travailleur ?
Le repos, Messieurs, n'est pas un but digne de l'homme qui comprend sa mission sur la terre. Il peut être permis au vieillard que la force abandonne d'y consacrer les derniers jours d'une vie languissante, pour se recueillir devant Dieu avant de descendre dans la tombe mais dans l'âge viril, le repos est une honteuse abdication une image de la mort le travail au contraire est la vie et la gloire de l'homme. Demandez à vos laborieux compagnons qui vont recevoir, de nos mains, la récompense de leurs efforts demandez-leur s'il ne leur reste plus rien à faire et s'ils se reposeront désormais, parce que vous les honorez aujourd'hui de vos suffrages et de vos applaudissements. Ils vous diront qu'ils vont puiser dans ces suffrages mêmes une nouvelle énergie pour se remettre à l'œuvre et justifier nos éloges par un travail plus opiniâtre et de nouveaux progrès. Honneur à eux* Messieurs honneur à vous tous ici rassemblés, qui pratiquez cette grande loi du travail Le Dieu de nos pères, celui qu'on appelait autrefois le Dieu des armées, et que nous devons appeler aujourd'hui, dans notre siècle de civilisation le Dieu des moissons, ce Dieu, père de tous les hommes, bénira nos travaux et fécondera nos sueurs. Ce beau jour qu'il vient de nous accorder, si différent de ceux
qui l'ont précédé ce brillant soleil qui nous échauffe et qui semble ne s'être levé que pour éclairer notre fête, sont des augures favorables qui nous permettent d'espérer le retour de sa clémence et ses bénédictions sur les grains que nous allons confier à la terre. Prions-le donc, Messieurs, prions-le tous de protéger nos récoltes, de détourner de nous ces fléaux destructeurs qui viennent affliger les populations et qui sont peut-être aussi destinés parfois à leur rappeler, quand elles l'ont trop oublié, que nous avons tous des devoirs à remplir envers celui dont la providence fait mûrir nos épis et féconde nos troupeaux. Ce discours a été accueilli par de vifs applaudissements. M. Richard Dubois, au nom de la Commission des améliorations agricoles, a ensuite donné lecture du rapport suivant
«
Messieurs
Après les paroles si éloquentes que vous venez d'entendre, il y aurait témérité de ma part de vouloir vous parler du but qui nous réunit aujourd'hui, but que d'ailleurs vous comprenez si bien.
Je me borne donc à réclamer votre indulgence et à vous prier de pardonner l'étendue et la forme technique des détails dans lesquels il me faut entrer. En restant dans les généralités, on est suspect d'inexactitude ou d'exagération.
En mettant des détails, des faits et des chiffres sous vos yeux vous serez à même de porter votre
jugement et nous livrons nos travaux à l'examen et au contrôle de tous.
Nous nous abstiendrons de toute espèce de blâme; loin de nous, toute critique nous n'envions que le bonheur de pouvoir donner des louanges et de vous signaler ce qui est réellement bien.
MÉDAILLE d'hOXNEUR.
M. BAREY, Dominique, propriétaire à Sept-Vents, ferme de Beauval.
Si, dans le cours de nos visites, nous avons remarqué avec un vif plaisir les progrès que l'agriculture a faits dans le canton de Caumont depuis le concours de 1843 c'est certainement chez M. Barey que nous avons été le plus frappés des améliorations qui ont été apportées.
La cour de cette propriété, qui est belle et vaste, se trouve fermée d'un côté par les bâtiments ruraux, qui ne laissent rien à désirer pour leur distribution et leur bonne tenue la laiterie, construite depuis deux ans, est d'une extrême propreté et fort bien disposée; du côté opposé se trouve une magnifique pièce d'eau. Les terres labourables sont parfaitement cultivées, et toutes les récoltes sont fort belles. M. Barey cultive ses sainfoins avec un soin particulier; aussi nous en a-t-il fait voir d'un, de deux et de trois ans, qui sont les plus beaux que nous ayons vus dans notre tournée.
Les herbages, qui autrefois étaient mouillants, se trouvent asséchés au moyen de rigoles recouvertes
d'énormes tombes, engraissées et préparées avec le plus grand soin, sont toutes prêtes à être etendues. La vacherie se compose de huit bonnes vaches à lait et sept fort belles génisses.
Les clôtures de cette propriété sont entretenues et les haies élaguées on ne peut mieux.
Partout enfin le zèle l'activité et l'intelligence du propriétaire se font remarquer. Nous réclamons pour M. Barey la médaille d'honneur que la Société destine au propriétaire qui a fait le plus d'améliorations. MENTION HONORABLE.
M. Cairon, propriétaire et maire à Anctoville. La propriété que fait valoir M. Cairon est d'une contenance d'environ vingt hectares.
La cour, sans être grande est commode, et les fumiers sont fort bien aménagés.
Les appartements sont bien disposés et parfaitement tenus. Le jardin légumier est soigné d'une manière tout à fait remarquable.
Parmi les récoltes, nous avons surtout remarqué de très-bon orge et de très-bonne avoine, dans lesquels on a semé du sainfoin les labours sont généralement bons.
Les herbages, dont une partie a été créée par M. Cairon, sont asséchés au moyen de rigoles et de saignées fort bien entretenues, conduisant les eaux dans un réservoir destiné à recevoir les vases, qui sont ensuite converties en tombes; nous en avons vu une fort bonne prèle à être étendue.
M. Cairon a une grande quantité d'élèves, mais il ne possède qu'une seule vache à lait.
Les plants de pommiers sont admirablement tenus, et les clôtures très-belles et très-bien entretenues. M. Cairon aussi est un homme actif, laborieux et intelligent que la Société doit récompenser. Nous vous proposons donc de lui décerner une mention honorable.
BONNE TENUE D'EXPLOITATIONS AGRICOLES. RAPPEL DE MÉDAILLE D'ARGENT.
M. GUEROULT, Jacques, à Sallen, ferme de la Vautrie.
Cette ferme contient soixante hectares, dont huit seulement en herbages et prairies.
Les bâtiments qui entourent une belle et grande cour, sont très-commodes la laiterie aurait peut-être besoin de quelques améliorations mais elle est parfaitement tenue, ainsi que les autres appartements. Les terres labourables, bien dirigées, donnent de belles et bonnes récoltes nous avons particulièrement remarqué le blé et une fort belle pièce de trèfle. Les herbages sont bien tenus, et on prépare en ce moment des tombes pour les améliorer encore. Huit bonnes vaches à lait et autant de génisses composent la vacherie.
En 1843 vous avez décerné à M. Gueroult la première médaille d'argent il a continué d'être digne
de vos récompenses et de vos encouragements; vous lui accorderez, sans nul doute, un premier rappel de cette médaille.
PREMIÈRE MÉDAILLE D'ARGENT.
M. Jean FONTAINE, à Torteval, ferme du Bosq. Quoiqu'à la tête d'une exploitation dont les terres sont difficiles à labourer, M. Fontaine a des récoltes d'une beauté remarquable; les blés surtout sont fort bons; les betteraves, parfaitement plantées, sont d'une extrême propreté.
Les herbages, dont deux créés par lui, sont admirablement bien tenus.
L'intérieur de la ferme ne cède en rien à l'extérieur la laiterie, dirigée par M. Fontaine lui-même, pourrait rivaliser avec les mieux tenues du Bessin. La vacherie se compose de vingt bonnes vaches à lait, dix élèves et un taureau.
Dans les étables, il a fait établir des mangeoires et des râteliers à ses frais.
Enfin, Messieurs, toute l'exploitation prouve que M. Fontaine, qui se trouve seul à la tête de son exploitation, est un homme laborieux, actif et intelligent. Nous demandons pour lui la première médaille d'argent pour la bonne tenue d'exploitation agricole. MM. Martin, frères et sœur, au Quesnay-Guesnon, ferme du château.
Cette ferme une des plus considérables du canton, contient cent vingt hectares, dont neuf seulement en herbages.
L'assolement suivi par MM. Martin est le triennal ce qui ne leur empêche pas d'avoir seize hectares de terre en sainfoin, sur lesquels ils répandent chaque année une grande quantité de plâtre. Parmi les récoltes, qui sont généralement bonnes, nous avons admiré une pièce d'avoine fort étendue.
La vacherie se compose de quatorze à quinze vaches à lait.
Les bâtiments sont faciles d'accès et bien distribués cependant ils auraient besoin de quelques améliorations. Derrière la maison se trouve une magnifique pièce d'eau. La cour est vaste mais mal disposée et sur un terrain en pente.
MM. Martin possèdent une fort belle troupe de moutons qui leur fait une masse d'excellent engrais. Sur cette propriété nous avons admiré de superbes avenues de chênes, élevés avec le plus grand soin et élagués avec une intelligence rare; il en est de même des baliveaux qui sont élevés dans les bois. Nous en félicitons sincèrement le propriétaire, M. le comte d'Ecqucvilly.
Quant à MM. et Mlle Martin qui dirigent une aussi grande exploitation avec autant d'ordre et d'activité, ils sont dignes de vos récompenses et nous vous demandons pour cette estimable famille la seconde médaille d'argent.
M. Marte, dit Vallerand, Jean, de Hottot, ferme de la Vauterie.
Cette exploitation, d'une étendue de quarante bectares, est composée de terres médiocres, maisparfai-
tement tenues; aussi les récoltes sont fort belles le blé est très-bon le sainfoin, qui a été plâtré, est d'une beauté remarquable; les betteraves, les carottes et le colza sont cultivés avec le plus grand soin. M. Vallcrand fabrique de la chaux, et il en emploie chaque année un fourneau sur son exploitation malgré la masse de fumier que lui font ses huit vaches à lait et ses huit chevaux, il en achète encore une grande quantité.
Nous ne pouvons trop vous signaler le zèle, l'activité et l'intelligence laborieuse de M. Vallerand, qui, certes, est digne de vos récompenses. Vous voudrez bien lui décerner la première médaille de bronze. M. GUEROULT François, de Sallen ferme de M. Londe.
Cette exploitation embrasse une superficie de quarante-huit hectares; et, malgré son étendue, elle est fort bien tenue.
Les lahours, bien dirigés donnent de fort belles récoltes, parmi lesquelles il nous serait difficile d'en citer une plus particulièrement que les autres. Les herbages sont aussi très-bien tenus, et la vacherie est une des bonnes que nous ayons vues dans nos visites.
Nous avons été particulièrement frappés de la beauté des plants de pommiers et de poiriers qui existent sur cette propriété; une pièce entière de pommiers, qui ont environ vingt-cinq ans de plantation, ne donnant pas autant de pommes qu'on pouvait l'espérer, ont été
regreffés il y a un an déjà les têtes sont magnifiques, et la réussite est au-dessus de ce que l'on pouvait attendre.
M. Gueroult, qui fait valoir cette ferme avec tant de soin et d'activité, mérite vos encouragements. Nous demandons pour lui la seconde médaille de bronze. M. VALLERAND, Pierre, de Hottot, ferme de l'Eglise, Fait valoir soixante hectares de très-bonne terre dont un quart environ en prairies et les trois autres en labour. Un hectare d'herbage a été créé par lui. Les récoltes sont généralement belles; mais le blé et le sainfoin sont surtout très-bons et très-beaux les varrets pourraient peut-être laisser quelque chose à désirer.
Du reste, M. Vallerand peut, à juste titre, compter au nombre de nos bons cultivateurs. Vous lui devez la première mention honorable.
Mme veuve GOUBOT, propriétaire à la Lande-surDrôme.
Secondée par son fils, jeune homme actif et intelligent, Mme Goubot fait valoir d'une manière tout à fait digne d'éloges environ trente hectares de terre. Les blés, l'avoine et l'orge méritent surtout d'être cités parmi les récoltes.
Dans les pièces, les pommiers sont tenus avec le plus grand soin.
En outre de trois bons chevaux de travail, Mm° Goubot possède quatre vaches à lait remarquables, y deux taureaux, dont un est d'une beauté hors ligne;
parmi les élèves, tous bien choisis nous avons vu une génisse admirable.
Mme veuve Goubot mérite sans contredit plus que des félicitations. Nous demandons pour elle la seconde mention honorable.
M. GOULEY, Jean, à Hottot, ferme du Château. Cette ferme contient cent hectares, dont trente en herbages.
M. Gouley possède quinze bonnes vaches laitières, un taureau neuf génisses ou bêtes de graisse et cent moutons; il mérite à coup sûr la mention honorable que nous vous demandons pour lui.
AMÉNAGEMENT DES FUMIERS.
M. GUILLET, Noël, de Longrayc, ferme de Bérole. Depuis quarante-un ans la famille de M. Guillet, de père en fils, exploite cette ferme, qui est d'une contenance d'environ soixante-quinze hectares. Les terres labourables sont très-propres; aussi le blé est très-beau et très-bon; le sainfoin est bien planté.
M. Guillet fabrique chaque année deux fourneaux de chaux de soixante mille kilogrammes chaque, dont un est spécialement destiné à être employé sur la ferme.
La vacherie se compose de quatorze belles vaches à lait et de trente génisses et veaux, ce qui ne manque pas de faire une masse d'engrais. M. Guillet, qui comprend si bien l'importance des engrais vient de
faire établir à ses frais deux fumières, dont une est placée en face de l'écurie, et l'autre vis-a-vis les toits à porcs, de manière à ce i|ue les urines aillent fertiliser le fumier.
M. Guillet mérite incontestablement la première prime, de 90 francs, destinée à l'aménagement des fumiers.
Quant à la seconde prime, de 60 francs, elle revient de droit à M. François Cairon, propriétaire et maire à Anctoville, dont nous vous avons parlé plus haut et auquel vous avez déjà décerné la mention honorable annexée à la médaille d'honneur. CULTURE DES RACINES.
M Aupoix greffier de la justice de paix du canton de Caumont.
M. Aupoix ne se livre pas, il est vrai, entièrement à l'agriculture; mais la manière toute exceptionnelle avec laquelle il cultive les racines mérite de vous être signalée; ses betteraves et ses carottes sont les plus belles du canton. Aussi nous nous empressons de réclamer pour lui la première prime, de 90 francs, accordée spécialement à cette culture.
M. Lacour, Guillaume, de La Vacquerie. Dans cette exploitation, qui est parfaitement tenue d'ailleurs, nous avons spécialement remarqué la culture des racines. Les betteraves et carottes sont trèsbelles et très-bien soignées. Pour cette culture parti-
culièrement M. Lacour mérite des encouragements, et il a droit à la seconde prime, de 60 francs. Parmi les exploitations que nous avons encore visitées, nous devons signaler à votre attention comme dignes de louanges
M. AVELINE, propriétaire et maire de Foulognes. Sans contredit la propriété de M. Aveline ne laisse rien à désirer pour la bonne tenue; la cour, les bâtiments et le jardin sont aussi bien tenus que bien distribués.
Les terres labourables, d'une propreté extrêmement rares, sont très-bien cultivées; aussi les récoltes sont belles et abondantes.
Les herbages, parfaitement tenus, ne contiennent ni chardons ni autres mauvaises productions. Les plants de pommiers sont magnifiques, ce qui est incontestablement le résultat des soins qui leur sont donnés.
La vacherie est composée de huit bonnes vaches à lait.
M. Aveline comme membre de la Commission chargée de la visite des fermes, a renoncé à concourir nous devons donc nous borner à lui adresser les félicitations de la Société.
M. FARCY, propriétaire à Caumont.
M. Farcy, en acceptant aussi de faire partie de la Commission chargée des visites, a renoncé à concourir mais nous devons vous signaler sa propriété
comme une des mieux tenues que nous ayons vues; ses récoltes sont à citer.
Sa vacherie est d'une beauté remarquable.
Nous avons aussi remarqué chez lui une grande quantité d'arbres exotiques dont quelques-uns sont fort beaux et fort rares.
Nous regrettons de ne pouvoir offrir que des félicitations à M. Farcy.
M. MARTIN, Charles propriétaire et maire à Torteval,
Exploite cinquante hectares de terre il possède six vaches à lait et quelques génisses qu'il vend amouillantes.
Membre de la Commission M. Martin a aussi renoncé à concourir.
Comme à MM. Aveline et Farcy, la Société ne peut lui offrir que des louanges.
M. Gouley, Félix, dit LA FRANCE, à Orbois, Fait valoir trente hectares de terre, dont quinze en herbages. Les terres labourables sont bien tenues et les récoltes sont belles et bonnes.
Les herbages aussi sont bien tenus; la vacherie est bonne, et le taureau surtout est à remarquer. Nous devons aussi des louanges à M. Gouley. MmB veuve Martin, Pierre, à Torteval.
Cette ferme, d'une étendue de quarante hectares, est tenue avec le plus grand ordre. Très-bien secondée par un de ses fils, Mme Martin obtient de superbes
récoltes, parmi lesquelles nous devons citer les blés, les betteraves et les carottes nous avons aussi particulièrement remarqué une pièce de terre très-bien labourée pour la pépinière de colza.
Mme Martin possède de fort belles vaches.
Son exploitation mérite de vous être signalée. M. GUERNIER, François, propriétaire à Cussy, village du Bas Villais, commune de La Vacquerie. Cette propriété, d'une contenance d'environ trentedeux hectares, est fort bien tenue. Parmi les récoltes nous devons citer le blé, l'avoine et l'orge. Dans la cour, des terreaux sont préparés avec soin pour être portés sur les terres. M. Guernier possède six vaches à lait qui méritent d'être signalées pour leur bonté. A M. Guernier aussi nous devons des félicitations. M. AUVRAY, Jean, à Sept-Vents, ferme du Manoir. Les bâtiments de cette exploitation sont dispersés et par cela même peu commodes; les cours sont vastes; aussi y élève-t-on une grande quantité de volailles. Dans la cour, nous avons remarqué de fort belles tombes bien préparées pour être portées sur les terres.
M. Auvray possède quatre vaches à lait et des élèves.
M. Denise, propriétaire et maire à Sept-Vents, terre de l'Ancien Prieuré.
A la tête d'une assez grande faisance valoir, M. Denise se livre spécialement au commerce des élèves et de l'engrais des bestiaux aussi son exploitation
s'étend jusque dans le canton d'Isigny, où il fait valoir des herbages.
Quant aux vaches à' lait, il n'en a que cinq; mais fort belles et fort bonnes, ainsi que son taureau que nous avons particulièrement remarqué. Les terres labourables nous ont paru bien tenues.
M. Denise ayant refusé de coucourir, nous nous bornons à lui adresser nos éloges.
M. Martin, Jean, à Sainte-Honorine-de-Ducy, ferme de M. Desclosières,
Fait valoir environ vingt hectares de terre, dont un quart en herbages.
Les bâtiments de la ferme, tous neufs sont on ne peut mieux distribués sur trois des côtés de la cour, qui est vaste, belle et commode.
Parmi les récoltes, nous avons vu du blé trèspropre, de bel orge et de belle avoine.
M. Martin fait traire six vaches. C'est à coup sûr un homme laborieux et actif, digne d'être encouragé. M. LE BRETHON, Auguste, à Foulognes
Fait valoir environ vingt-quatre hectares de terre. La disposition des bâtiments et de la cour, qui est vaste, est fort bonne. Nous avons vu avec plaisir des terres apportées dans la cour pour y être converties en terreaux.
Les labours, ainsi que les herbages, sont parfaitement tenus, et nous avons admiré la beauté du plant de pommiers, qui sont soignés et élagués avec une grande intelligence.
M. Le Brethon est un cultivateur fort soigneux qui mérite aussi des compliments.
BONNE TENUE DES PÉPINIÈRES.
La culture des pépinières est une spécialité du canton de Caumont, et la Société a décidé que les deux médailles destinées aux plantations et élagage des arbres forestiers seraient, cette année, décernées aux pépiniéristes qui s'en seraient rendus dignes par des cultures remarquables et la bonne tenue de leur établissement.
Nous devons vous signaler en première ligne M. TILLARD, Etienne, propriétaire et pépiniériste à Sallen.
Depuis longtemps nous connaissions MM. Tillard pour les premiers pépiniéristes du pays; mais pour la plupart de nous leurs pépinières étaient inconnues aussi combien avons nous été frappés d'admiration en les voyant pour la première fois. Leur étendue, qui ne nuit en rien à leur bonne tenue, est immense. Tous les arbres indigènes, forestiers, fruitiers, à couteau et à noyau, ou à fleur et d'agrément, ainsi que les arbres verts de grande culture forestière y occupent chacun leur carré distinctif.
Pas un seul arbre exotique acclimaté sous notre zone, qui ne soit aussi cultivé dans cet établissement. Il me faudrait, Messieurs, sortir entièrement des bornes de ce rapport pour vous signaler toutes les plantes remarquables que possède M. Tillard.
Nous nous bornons donc à vous demander pour lui une récompense digne de la bonne tenue et des soins qu'il apporte à ses cultures, c'est-à-dire la médaille d'argent destinée à la culture des arbres forestiers. MUe Martin, pépiniériste à Sallen.
Les pépinières de Mlle Martin sont également fort considérables et bien tenues ses principales cultures sont l'épine et les pommiers. Les arbres forestiers sont aussi cultivés chez elle, mais en plus petite quantité. La bonne tenue de son exploitation mérite que vous lui décerniez la médaille de bronze.
M. ACHARD, Nicolas, pépiniériste à Sallen. Les pépinières de M. Achard sont aussi fort bien tenues, et toutes les variétés d'arbres forestiers et fruitiers y sont cultivées; mais plus particulièrement les pommiers. Un hectare environ est en pépinière d'épine, qui est aussi la plus forte partie de la culture de M. Achard.
Mme veuve HUE, Jean, pépiniériste à Sallen. M™1 Hue possède de bonnes pépinières de pommiers et d'épine; la culture des autres arbres n'est qu'accessoire chez elle.
La bonne tenue de ses cultures mérite aussi des louanges.
M™ veuve Martin pépiniériste à Sallen
Cultive les pépinières, plus particulièrement aussi les pommiers et l'épine.
Ses pépinières sont bien tenues.
Comme Mme Hue, Mme Martin se dispose à cesser son exploitation.
MESSIEURS,
Arrivé à la fin de mon rapport, je voudrais ne pas abuser plus longtemps de l'attention et de l'indulgence que vous voulez bien m'accorder; mais avant de terminer, je dois au nom de la Société dont je suis l'organe vous remercier,
Messieurs les agriculteurs du canton de Caumont, De la bonne volonté et de l'empressement avec lesquels vous nous avez secondés dans nos visites. Vous avez rendu notre tâche une des plus belles et des plus agréables que nous ayons eues à remplir jusqu'à ce moment. Recevez-en nos remerciments bien sincères. Produit d'un travail consciencieux et éclairé, ce rapport a obtenu le suffrage unanime de l'assemblée. Après avoir proclamé les noms des lauréats et remis à chacun d'eux les récompenses accordées aux améliorations agricoles, M. le Président a donné la parole à M. Coueffin, organe de la Commission des prix de moralité, qui s'est exprimé en ces termes MESSIEURS,
Rapporteur de la Commission chargée d'apprécier le mérite des domestiques et des servantes reconnus dignes de prétendre aux récompenses promises par le programme, que puis-je vous dire de nouveau
après les éloquents discours que vous venez d'entendre ?
Ne vous a-t-on pas fait remarquer l'importance des intérêts qui se rattachent à la fête que nous célébrons dans ce canton ? '?
Ne vous a-t-on pas dit que MM. les propriétaires et MM. les exploitants font tous lcurs efforts s'imposent tous les sacrifices pour faire progresser l'agriculture au moyen des facilités de communication qui leur ont été successivement offertes depuis quelques années ?
Enfin, n'a-t-on point fait ressortir la possibilité et môme la certitude que l'agriculture de ce pays rivalisera un jour, peu éloigné, sinon avec supériorité, du moins avec une sorte d'égalité relative avec celle des autres cantons de notre bel arrondissement? Que peut-on ajouter, en effet, aux sages observations des diverses commissions?
Ne se sont-elles pas expliquées sur Le meilleur mode de culture
L'état actuel des fermes et les améliorations dont elles sont susceptibles
La nature de la race chevaline et son amélioration Et les moyens de multiplier les diverses espèces d'animaux?
Cependant, quoique ma mission soit toute spéciale, ne trouvez pas mauvais que j'essaie d'en étendre les limites. Les questions complexes ont des divisions subordonnées à l'examen et aux conséquences logiques de la question principale. Ainsi, avant d'aborder
mon sujet, je le ferai précéder d'une courte digression, en jetant un coup d'œil rapide sur l'avenir probable du canton de Caumont.
Déjà la commune chef-lieu, se trouvant désormais reliée par les routes et les chemins avec les arrondissements de Caen, de Vire et de Saint-Lo, devient le centre d'un commerce agricole et industriel considérable. Bientôt les ventes et échanges qui devront nécessairement vivifier toute la contrée imprimer à l'agriculture une puissante impulsion, et donner aux travaux une direction plus éclairée, plus rationnelle, suivront une progression rapide.
Ainsi, sous le point de vue des grands intérêts dont vous êtes les protecteurs, rien ne sera épargné par les habiles praticiens auxquels j'ai l'honneur de parler, pour modifier ou abandonner les anciens usages, admettre ceux qui résultent du fréquent renouvellement des engrais et des amendements, afin de varier les cultures multiplier les plantes fourragères et augmenter le nombre des animaux reproducteurs, sans diminuer les cultures des céréales et celles des autres produits alimentaires.
Ils savent que le travail est un trésor dont la terre est l'inépuisable principe; que cette bonne mère nourricière loin d'être ingrate, rend au centuple l'équivalent de ce qu'on lui donne avec discernement; mais qu'elle exige une étude sérieuse dont les règles sont posées dans le sol, son orientation et dans l'influence que lui font subir les éléments atmosphériqnes. Est-il permis, me répondrez-vous, d'atteindre ce
but sans avoir recours à des aides ou à des collaborateurs?- Non, Messieurs. Si peu importante que soit une exploitation rarement la famille suffit aux travaux; de là la nécessité d'y attacher des domestiques et des servantes dans une proportion convenable. On ne peut contester ce fait; mais ici un embarras se présente, celui résultant de la difficulté de faire un bon choix dans les loueries. Nos pères trouvaient leurs aides ou dans le sein des localités, ou dans des familles qui leur étaient connues. Aussi, n'avaient-ils presque jamais besoin de recourir à la sévérité des réglements en vigueur, et trouvaient-ils fréquemment, comme patrons paternels, ces bons serviteurs avec lesquels ils vieillissaient, et qui, vieillissant aussi, restaient attachés à la famille comme le lierre l'est au chêne. Sans prétendre être le détracteur du présent en faveur du passé, j'avouerai que j'ai vu, dans mon enfance et chez mes parents, de ces vieux et loyaux domestiques qui avaient donné toutes les preuves d'une probité incorruptible, d'un zèle et d'un attachement irréprochables. On voyait alors combien était doux, puisqu'il était libre, ce mutuel attachement fondé sur la reconnaissance quand les vieux serviteurs se retiraient, après épuisement de leurs forces. Honorés de toute part, le toit hospitalier de leurs maîtres devenait le protecteur de l'habitation qu'ils avaient choisie, et ils trouvaient dans le fruit de leurs économies une honnête aisance qu'ils transmettaient à leurs enfants avec l'exemple de leur honnêteté. Les domestiques et les servantes de nos jours, igno-
rent, la plupart, ces bons précédents. Et pourquoi »? Eh, Messieurs, permettez-moi de vous le dire. Notre législation présente une lacune qu'il faudrait combler. La liberté individuelle est soumise à des règles générales et absolues, mais qui ont leur spécialité pour les contrats du louagè des domestiques et servantes. Quoiqu'il en soit, ces derniers contrats n'offrent point dans leurs conditions verbales une réciprocité de garantie entre les contractants. De cet état de chose résulte que la plus grande partie des engagements sont des affaires d'argent étrangères à tout sentiment d'affection.
On ne s'informe même point, lors des loueries, je parle ici pour les maîtres, des antécédents des domestiques, de leurs mœurs, de leurs familles, du lieu de leur naissance souvent même on ignore leurs noms. Pourquoi donc un réglement sage ne viendraitil pas imposer l'obligation de livrets sur lesquels serait immédiatement transcrite la substance des conditions principales?
Mais avec les livrets on parviendrait, peu à peu à faire respecter la position de chacun, à la moraliser et à la rendre fructueuse. On verrait moins souvent à l'expiration de l'année recommencer les chances de l'année précédente.
Cependant le grand art de l'agriculture veut de la continuité dans les moyens d'action et une pratique qui assure le succès.
La Commission s'est demandé s'il était possible de remédier aux inconvénients que je viens de signaler.
Elle n'a point hésité à admettre l'affirmative en se fondant sur des considérations déterminantes. En effet, puisque les sentiments affectueux ne suffisent plus pour attacher aux exploitations les bons serviteurs, il est de toute nécessité, quand les maîtres désirent les conserver, qu'ils augmentent progressivement et annuellement leurs gages, et qu'ils les engagent à déposer périodiquement leurs économies aux caisses d'épargnes. Les bénéfices que les domestiques retireront de ces placements étant ajoutés à de nouveaux capitaux versés, formeront la base d'une fortune légitimement acquise. Dès lors l'esprit d'ordre et de conservation prendra la place de Tégoïsme ou de la dissipation; et le travail auquel seront assujetties ces personnes ne sera plus purement mécanique, mais il sera réfléchi et intelligent.
La Société d'Agriculture, pour développer ces germes d'amélioration, a donc eu raison de fonder des prix de moralité en faveur des domestiques des deux sexes qui auraient été employés pendant dix ans au moins chez le même maître. Elle a pensé que ce laps de temps était déjà une garantie de capacité; mais elle n'a pas cru devoir s'en contenter elle a voulu encore que les services fussent accompagnés de preuves de fidélité, de moralité et de dévouement.
Tels sont les principes qui ont guidé votre Commission dans l'examen des candidats qui prétendent aux récompenses promises.
Elle a été heureuse de fixer ses choix sur des personnes infiniment honorables; mais elle a regretté que
L'Ut..), > 6
les concurrents n'aient pas été plus nombreux. Toutefois, elle s'est rassurée, en espérant que les prix qui vont être décernés exciteront l'émulation, et que, y dans six ans, lorsqu'elle reviendra visiter le canton de Caumont, elle y reconnaîtra les importantes améliorations qui sont l'objet de ses voeux.
En conséquence elle vous propose d'accorder les prix dans l'ordre suivant
HOMMES.
1" Prix, de 60 francs,
Au sieur Gosselin, Germain-Jacques, employé chez M. César Roger propriétaire à Livry, depuis trente-sept ans sans interruption.
2° Prix, de 40 francs,
Au sieur PIERRE Jean-François, employé chez Mme veuve Fortin, née Bures, à Sept-Vcnts, depuis 1816, mais avec interruption provenant de services militaires.
1™ Mention honorable
Au sieur TURGIS, Michel, employé à Torteval chez Mme veuve Gabriel-Sébastien Achard, depuis vingtcinq ans sans interruption.
2° Mention honorable
Au sieur CATHERINE, Jean, employé chez MM. Martin frères, au Quesnay-Guesnon depuis vingtun ans.
Il est bon de faire observer que ceux qui ont obtenu des mentions honorables à un Concours, sont
déjà très-favorablement notés, et qu'en persévérant à suivre la même voie ils ont droit aux prix dans le Concours suivant.
FEMMES.
1er Prix, de 60 francs,
A M1Ie Vallée, Françoise, chez Mlle Martin à Salien, où elle sert depuis vingt-sept ans sans interruption.
Cette bonne et fidèle domestique, qui a donné des soins intelligents et affectueux à ses maitres dans le cours de leurs maladies, avait déjà obtenu une mention honorable au Concours de 1843.
2e Prix, de 40 francs,
A Mlle LE Quesne, Marie-Madeleine, chez M™ veuve Achard, à Torteval, où elle sert depuis vingttrois ans.
Une médaille de bronze
A M"e LouvET, Marie-Anne, domestique chez M. Dupont, notaire à Caumont, depuis vingt-trois ans. La Commission eût désiré pouvoir tenir compte à cette fidèle servante des preuves de dévouement qu'elle a données la famille de M. Dupont depuis l'âge de douze ans mais comme ses travaux n'ont pas toujours été exclusivement agricoles, il était impossible de lui décerner un prix sans violer les règles du programme. 1 fe Mention honorable
A M"e MAUGER, Marie-Anne, qui a servi sans in-
tcrruption depuis dix-huit ans M. François Roger, propriétaire à Parfouru-Léclin.
2e Mention honorable
A la dame veuve JEAN, domestique de Mme veuve de Valhebert, née de Rotz, propriétaire au QuesnayGuesnon, depuis vingt-un ans.
La Commission doit vous l'avouer si une autre personne se fût présentée, ayant la même durée de services consacrés exclusivement à l'agriculture, elle eût obtenu la préférence; car la dame Jean remplit plus spécialement les fonctions de cuisinière; cependant elle est occupée aussi à quelques travaux étrangers à l'intérieur du ménage.
Comme les années précédentes, M. Coueffin a exposé avec clarté les titres des domestiques agricoles qui, par leur probité, leur moralité et leurs longs services, avaient mérité d'être signalés comme dignes des récompenses de la Société. Son rapport a été écouté avec une faveur marquée, et a provoqué d'unanimes applaudissements.
Sur le rapport du Jury des Concours de bestiaux et de labourage, les primes ont été décernées ainsi qu'il suit
CONCOURS DE TAUREAUX.
1" Prime, 200 francs: M. Paul ROGER, de Torteval, pour un taureau caille-brange, âgé de
4 ans.
2'' Prime 170 francs M. Félix Gouley d'Orbois, pour
un taureau brange-caille, âgé
de 2 ans.
5e Prime, 150 francs M. César Roger, de Livry, pour un taureau brange, âgé de 5 ans.
CONCOURS DE GÉNISSES.
lre Prime, 125/Wircj M. César Roger, de Livry, pour une génisse brange-caille âgée
de 3 ans.
2e Prime 100 francs M. Jacques Aupoix de Caumont, pour une génisse grise-pagne,
âgée de 50 mois.
5e Prime, 75 francs M. Casimir DARY, de Caumont, pour une génisse brange-caille,
âgée de 2 ans.
CONCOURS DE BÉLIERS.
A'" Prime, 60 francs M. LE Révérend, de Torteval, pour un bélier anglais-métis.
2' Prime, 40 francs M. Delafontaine, de Sept-Vents, pour un bélier de race du pays.
CONCOURS DE VERRATS.
Prime unique 100 fr. M. Pierre Hemery de la Vacquerie, pour un verrat de race
normande, âgé de 10 mois.
CONCOURS DE LABOURAGE.
1er Prix, 70 francs M. Jean GEORGET, cultivateur, à Foulognes.
2° Prix 60 francs M. Jean Roussel dit GRÉGOIRE, cultivateur, à Salien.
3" Prix 40 francs M. Jacques Marie, employé chez M. Jean Liot, à Livry.
4e Prix, 30 francs M. Pierre RICHEFORT, employé' chez M. Le Breton, à Foulognes,
L'autorité municipale de Caumont, qui avait pris toutes les mesures propres à donner de l'éclat à la solennité agricole avait fait établir sur la place un mât de Cocagne; et les exercices ont commencé immédiatement après la distribution des récompenses. Ce spectacle, assez rare dans le pays, a fort égayé la foule. Mais ce qui a surtout vivement excité son attention et captivé son esprit, c'est la musique de la garde nationale de Bayeux, dirigée par son habile chef M. Perrier, que M. Douesnel, commandant de cette garde, avait invitée à venir contribuer à l'embellisse-ment de la fête. Pendant les Concours et les exercices du mât de Cocagne, cette musique a joué des symphonies et des airs patriotiques qui ont fait une vive impression sur le nombreux auditoire qui l'entourait et l'écoutait avec tant d'attention et de plaisir. A cinq heures, un banquet de cent quatre-vingts couverts a eu lieu sous la halle aux grains, décorée avec goût, par les soins de M. le Maire et de la Commission d'organisation. Deux grandes tables parallèles allaient aboutir à une troisième, destinée aux autorités et aux membres du bureau de la Société. M. Pezet, président, a pris place au centre de cette table, et a fait placer à ses côtés MM. Lance et Douesnel, membres du Conseil général; du Manoir, Coueffin et Dupont, membres du Conseil d'arrondissement de Bonnechose et Le Sueur, vice-présidents de la Société Bouniceau, ingénieur des ponts et chaussées;
Manoury, inspecteur des domaines; le marquis de Balleroy, etc. En face de lui se trouvait M. de Laboire, président de la section d'Agriculture; M. Goubot maire de Caumont; M. Le Teinturier Laprise, juge de paix du canton, et d'autres notabilités. Les vieux employés agricoles, auxquels des prix et des mentions honorables venaient d'être décernées, et les lauréats du Concours de labourage ont pris place à ce banquet, sur l'invitation de la Société. Les honneurs qui leur ont été décernés dans cette journée ont dû leur prouver que l'agriculture a des récompenses pour tous ceux qui, propriétaires, fermiers, domestiques, font des efforts pour l'élever au rang des industries les plus florissantes, et l'entourer du prestige de la force, de la considération et des richesses.
A la fin du banquet, au moment où les convives allaient se séparer, M. Pezet, dans une improvisation éloquente, a exprimé à l'assemblée combien la Société d'Agriculture était flattée de l'accueil bienveillant qui fui avait été fait à Caumont; il a remercié l'administration municipale et la Commission d'organisation des mesures qu'elles avaient prises pour donner aux Concours toute la solennité convenable, et a annoncé que la Société reviendrait avec plaisir, dans six ans, constater les progrès qui auront été obtenus par l'application des meilleurs systèmes de culture l'aménagement rationnel des engrais, le bon choix des reproducteurs, et l'intelligent emploi des connaissances et des découvertes qui surgissent de toutes parts.
Cette allocution chaleureuse a fait la plus vive impression sur l'assemblée, et a été accueillie par des applaudissements répétés.
Avant de remonter en voiture pour revenir à Bayeux, MM. les musiciens de la garde nationale ont voulu témoigner aux habitants du canton de Caumont, encore réunis en grand nombre dans le bourg, leur satisfaction du bon accueil qui leur avait été fait dans un pays où ils venaient pour la première fois; ils ont encore joué plusieurs morceaux avec un ensemble et un succès complet.
Le plus grand ordre a constamment régné pendant le jour et la soirée parmi la foule de curieux réunis dans le bourg aucun accident, aucune rixe ne sont venus jeter un voile de deuil ou d'inquiétude sur une fête dont le canton de Caumont conservera longtemps le souvenir.
DES JOURNAUX ET
ESQUISSE HISTORIQUE
SUR JEAN LORET, DE CARENTAN, POETE ET JOURNALISTE, PAR
PRÉSIDENT DU TRIBUNAL CIVIL DE BAYEUX, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE, ETC.
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SUR L'ORIGINE
M. PEZET,
RECHERCHES
SUR L'ORIGINE DES JOURNAUX
ET ESQUISSE historique
SUR JEANLORET, DE CARENTAN, POETE ET JOURNALISTE, PAR M. PEZET,
PRÉSIDENT DU TRIBUNAL CIVIL DE BAYEUX, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE, ETC.
Mémoire lu à la séance du 25 novembre 1847 (1).
La puissance la plus influente de l'époque moderne est sans contredit la presse périodique. Tribune ouverte chaque jour, chaque jour retentissante, ses mille voix, tantôt turbulentes et trompeuses, tantôt utiles et sincères, s'adressent à toutes les conditions sociales, et soulèvent ou appaisent les passions et les sympathies publiques. Loin de se ralentir le mouvement qu'elle imprime s'accroît et se développe, et au train dont les choses marchent aujourd'hui dans le monde, bientôt nul peuple n'aura échappé à son irrésistible action.
En France la création du journalisme qui compte (') La dernière partie de ce Mémoire était destinée à être lue au Congrès de l'Association Normande tenu à Carentan, patrie de Jean Loret, en juillet 1847. Mais les questions d'utilité publique traitées dans cette session ne purent laisser de place à ce sujet nuremont littéraire.
aujourd'hui ses organes par milliers, remonte à peine à deux cents ans. Ce n'est guère qu'en 1631 que commencèrent à paraître les premières gazettes imprimées. Ecrites sans ordre, dépourvues de tout esprit de critique, distribuées a des époques irrégulières, elles n'étaient alors qu'à l'état d'une informe ébauche. Il était réservé à un Normand de contribuer à activer leur developpement en y donnant à la fois le triple attrait de la poésie, de la périodicité et d'une piquante causticité. Cet homme dont le nom est resté à peu près oublié était né à nos portes, à Carentan. Issu de parents pauvres, dans une condition obscure, il se nommait Jean Loret.
Nous avons cru faire une chose utile à l'honneur de notre pays en revendiquant son nom pour notre contrée, en le plaçant sous le patronage de ses propres œuvres et sous l'appréciation des temps où il vécut. Tel est le but de cette esquisse.
Beaucoup ignorent l'histoire du journalisme. On jouit de ses bienfaits, on souffre de ses travers, on déplore ses écarts, sans connaître son origine. Il n'est pas rare d'entendre attribuer, même par des gens instruits, à la France et à l'Angleterre l'honneur d'avoir inventé ces feuilles légères qui courent d'un pôle à l'autre avec la rapidité de l'éclair, et sont l'agent le plus actif de la civilisation. C'est une erreur utile à détruire, parce qu'elle viole la vérité de l'histoire, et parce qu'il est juste de restituer à chaque peuple l'honneur de ses œuvres et de ses inventions. Quelques recherches sur l'origine du journalisme sont
d'ailleurs une introduction toute naturelle à l'examen des oeuvres d'un de nos premiers gazettiers.
I.
RECHERCHES
SUR L'ORIGINE DES JOURNAUX.
Il ne paraît pas que les anciennes républiques de la Grèce aient connu l'usage des publications périodiques. La forme de ces gouvernements démocratiques excluait l'emploi des moyens de publicité par écrit. A Athènes, à Sparte, le sénat, conseil perpétuel du peuple, proposait les décrets, mais c'était le peuple lui-même qui leur donnait ou refusait la force et la sanction. En lui résidait essentiellement l'autorité suprême.
Divisé par tribus il se réunissait en masse sur la place publique. Tous les citoyens qui pouvaient fournir un avis utile à la patrie avaient le droit de monter à la tribune; et tous les habitants de l'Attique, âgés de plus de vingt ans, étaient aptes à donner leurs suffrages. C'est ainsi que le peuple décidait la paix ou la guerre, établissait des impôts, nommait aux magistratures de la République, au commandement des armées, et décernait les récompenses.
Dans ces gouvernements à la parole appartenait toute l'influence. Le succès de la tribune était le but de toutes les légitimes ambitions.
L'activité de l'esprit et l'oisive té de la vie des peuples de la Grèce donnaient à chacun un insatiable attrait pour les nouvelles publiques. Chaque jour, à certaines heures de la journée, les citoyens se rassemblaient
dans les places publiques pour y conférer sur les événements qui devenaient l'objet de toutes les conversations (') et la liberté des théâtres poussée jusqu'à la licence permettait journellement à l'opinion publique de s'y faire jour sous la forme de l'éloge ou de la critique. Le peuple n'avait pas de" plus grand divertissement que de voir jouer sur la scène ses généraux, ses sénateurs, ses archontes et de s'y voir jouer lui-même.
Il est facile de concevoir qu'avec une telle organisation et dans des Républiques dont le territoire était borné on ne devait point éprouver une nécessité impérieuse de transmettre par écrit au peuple la connaissance des lois et des faits publics, puisque chaque citoyen concourait ainsi individuellement à régler le sort de l'Etat et à la confection des lois. C'est là l'avantage que les nations peu populeuses ont sur les grands peuples qui', ne pouvant exercer par euxmêmes la puissance souveraine, sont contraints à la déléguer.
Il était d'usage seulement qu'après leur adoption les décrets fussent proclamés par des crieurs, et dans les cas extraordinaires et rares on avait recours à la publicité par la voie des affiches ou écriteaux. C'était par ce dernier moyen qu'avaient été rendues publiques à Athènes les lois de Solon. Elles avaient été inscrites sur les diverses faces de plusieurs rou(') Les 20,000 citoyens d'Athènes, dit Démostliène ne cessent de fréquenter les places, s'occupantde leursaffaires oude cellesde l'Etat.
1- P. 1. 7
leaux de bois placés d'abord dans la citadelle et ensuite dans le prytanée. Ces rouleaux s'élevaient du sol jusqu'au toit de l'édifice, tournant au moindre effort sur eux-mêmes et présentant successivement aux yeux du spectateur le Code entier des lois.
L'esprit léger et sarcastique des Athéniens ne se manifestait pas seulement dans l'abandon et le secret des conversations, il éclatait souvent en épigrammes et en chansons que le peuple n'épargnait point aux chefs de son gouvernement, et qu'on trouvait souvent écrites sur des tablettes suspendues aux murs des places publiques, ou attachées aux statues des dix héros qui donnaient le nom aux dix tribus d'Athènes.
Ce mode de publicité par les affiches était connu, dans la plus haute antiquité chez d'autres peuples que les Grecs. Le musée de Paris en possède une des preuves les plus curieuses et les plus rares. C'est une affiche écrite sur un papyrus rapporté d'Egypte au retour de l'expédition française, remontant à l'an 146 avant J.-C. portant promesse de récompense à qui ramènera deux esclaves échappés d'Alexandrie. Les signalements qu'on y lit le disputent par leur minutieuse précision aux signalements les mieux faits de nos passeports modernes et des feuilles de police. Le nom, l'âge, le lieu de naissance, la taille, la forme du visage, les signes particuliers, rien n'y manque. On offre 2 talens et 3,000 drachmes à celui qui ramènera les fugitifs, et l'on indique le nom des employés du
stratège auquel il faut faire la déclaration 0. De ces affiches et écriteaux à la publicité des journaux ou publications périodiques il y a un pas immense à franchir. C'est aux Romains souvent nos maîtres et toujours nos modèles qu'il faut faire remonter l'honneur de l'invention.
Comme dans les républiques de la Grèce, aux premiers jours de la république Romaine la communication des affaires publiques était donnée au peuple romain, à haute voix, du haut de la tribune, dans le forum. Un magistrat présidait à la lecture des dépêches (*). Ce mode de publicité fut jugé trop restreint lorsque le nombre des citoyens romains se fut accru. On l'abandonna et l'usage plus que la loi peut-être y substitua des écrits rédigés par les Pontifes qui les communiquaient au peuple et qui étaient connus sous le nom de Grandes Annales.
L'histoire laisse incertaine l'époque de leur apparition. Quelques écrivains se fondant sur ces mots de Cicéron parlant des Annales dans son livre de l'Orateur (3) ab initio rerum romanarum, la reportent jusques au commencement de la République romaine, ou du moins au temps de NumaC). Quoiqu'il en soit, tous sont d'accord pour en faire remonter l'origine aux premiers siècles de Rome, ou au plus tard au me siècle de la fondation qui commence l'époque où (l) Journal des Débats, 7 décembre 1847.
(«) Tite-Live.
{*) Cicéron. de orat. 11. 12.
(') Vopisc. Tacite. 1. i.
les faits de l'histoire romaine se dégagent de toute incertitude. Servius, l'un des scoliastes de Virgile et l'un des auteurs les plus versés dans les antiquités sacrées explique comment elles étaient recueillies. « Tous les ans dit-il, le Grand Pontife écrivait au » haut d'une table peinte en blanc les noms des con» suis et des autres magistrats; puis il y consignait » tous les événements mémorables au dedans et au dehors, sur terre et sur mer, jour par jour (per » singulos dies.) Les anciens ont recueilli ces re» gistres annales en 80 livres, et des Grands pontifes » leurs auteurs, ils les ont appelées Grandes Anna» les. (') »
A son tour, la rédaction de ces annales fut interrompue. D'après Cicéron on n'en trouve aucunes traces depuis la prise de Numance sous le pontificat de Mucius, vers l'an 623 de la fondation, et l'on doit attribuer leur cessation aux longues guerres civiles qui ensanglantèrent Rome. (*).
Ces tables ou annales, qui conservaient ainsi par l'écriture les traditions d'un grand peuple, les règles de son culte, les monuments de sa puissance et de sa gloire offraient nécessairement l'autorité de l'histoire. Soit qu'on les eût laissées sur bois, soit qu'on les eût transportées sur la pierre ou sur le bronze, elles ne furent point détruites entièrement dans l'invasion des Gaulois. En parcourant tous les anciens écrivains de (») Servius, ad cen. 1. 393. Tite-Live. 1. 32.
(') Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie. 1846.
Rome on voit, en effet, que tous les ont consultées.
C'est la source où ils ont puisé leurs enseignements sur les usages et les exemples de l'antiquité. Plus tard, l'entrée du sénat ayant été donnée aux tribuns du peuple par la loi Aitinia, où respirait déjà l'esprit des Gracques, l'introduction de ces représentants de la démocratie romaine au sein du sénat ranima le sentiment des intérêts publics et le besoin d'occuper le peuple des affaires politiques. On sentit de nouveau l'utilité d'un agent de la publicité, et alors commencèrent à paraître diverses publications sous des noms divers et sous l'appellation générique d'acta diurna urbis ou acta diurna popuïi romani ou Diarium, etc.
On en trouve la mention dans plusieurs écrivains romains, et notamment dans les lettres de Cicéron à Cœlius Rufus antérieures au gouvernement de César. Aulugelle, au surplus, ne laisse aucun doute sur leur existence. Dans ses Nuits attiques, ouvrage où se lisent tant de recherches ingénieuses ou intéressantes sur la philosophie et les antiquités romaines, il a extrait d'un ancien auteur, dont les ouvrages sont perdus pour nous, Sempronius Asellio, une distinction entre les Annales qui contiennent le récit des faits recueillis dans une suite d'années et mises par ordre chronologique, et les Ephémérides, qui sont le récit jour par jour des actes et des faits accomplis, idest, dit Sempronius Asellio eorum quasi qui diarium scribunt, expressions qui prouvent que dès le temps de cet an-
cien auteur on connaissait cette sorte de recueils journaliers (').
Ce fut Jules-César qui le premier, primus omnium ('), eut la pensée, vers l'an de Rome 694, de donner au Diarium, aux acta Diurna une sorte d'organisation officielle. Lorsque vainqueur de Pompée, rentré dans Rome presque maître du monde, il eut reçu du peuple le titre de Consul, il crut de sa politique de rédiger et de faire publier le recueil journalier de tous les actes du sénat et du peuple, de toutes les nouvelles intérieures et extérieures de la République. Dans ses mains les acta Diurna devinrent un moyen actif de publicité.
Il s'en servait non seulement pour publier les actes officiels de l'Etat, mais en habile politique il y faisait pressentir ses desseins, il y préparait l'opinion pu(') Aulugelle. Livre V, chap. v.
(B) Inito honore, primus omnium instituit ut tam senatus quam populi diurna acta. conficerentur et publicarentur. Suétone. –César. 20. Ce passage de Suétone a donné lieu à une vive controverse. Faut-il traduire Il introduisit l'usage de publier les actes quotidiens du sénat ET du peuple, ou de publier les actes du sénat AUSSI BIEN que du peuple, en laissant entendre que depuis longtemps on publiait ceux du peuple et que ce furent ceux du sénat qu'il fit publier pour la première fois? Sur cette question M. Le Clerc, doyen de la faculté des lettres de, Paris, a publié une dissertation fort savante pendant l'impression de ce mémoire. Elle est étrangère au sujet que nous traitons elle démontre que dès longtemps, ce qui n'est pas contesté, on rédigeait à Rome des actes de l'état civil des actes judiciaires des actes militaires, actes dont il n'est pas toujours facile de faire la distinction, mais elle ne conteste pas que la régularité et la périodicité des actes iurnes n'avait commencé qu'à César.
blique à les accueillir, à les favoriser, ou à revenir à lui lorsque des tentatives trop hardies ou trop prématurées avaient trop tôt trahi son ambition; il en fit, en un mot, un instrument de gouvernement, instrumentum regni, selon l'énergique expression de Tacite. Quand aux fêtes Lupercales, César voulant, pour ainsi dire, essayer le diadème, permit qu'Antoine lui plaçât la couronne sur la tête, les vieux Romains frémirent. De violents murmures s'élevèrent, César s'en aperçut, et repoussant la couronne Qu'on la porte au Capitole, dit-il, Jupiter seul est roi. Le lendemain l'habile dictateur inquiet de cette manifestation inopportune fit insérer dans les journaux que le Consul lui avait offert le trône au nom du peuple romain et qu'il l'avait refusé 0. Mais le coup était porté Rome était avertie des projets de son maître et chaque jour les voies au pouvoir suprême lui devinrent plus faciles.
Le récit des séances du sénat, les sénatus-consultes, les édits des magistrats, les audiences du forum et du prétoire, la description des monuments nouveaux, le détail des cérémonies publiques, les naissances, mariages, divorces, adoptions, les funérailles des patriciens, les événements de la vie privée, comme ceux de la vie publique, étaient publiés dans les journaux de Rome, commentés, racontés comme ceux de notre époque le sont dans nos journaux modernes (*) (1) Dion Cassius. P. 278.
(') Cicéron, Tacite, Sénéque, Pline, Juvénal, etc.
Le programme des jeux publics le succès ou la chute, la rivalité des acteurs qui y figuraient, la chronique scandaleuse tes bruits de la cour et de la ville n'y occupaient pas un rang moindre que dans nos journaux d'aujourd'hui.
Comme ceux d'aujourd'hui ils contenaient de fausses nouvelles ainsi, par exemple, ils annonçaient la mort de Cicéron tué en Asie, lorsque celui-ci n'avait jamais joui d'une meilleure santé (').
Comme ceux d'aujourd'hui ils étaient insultants jusqu'à la calomnie ainsi ils accusaient Thraséas (2), l'un des hommes les plus vertueux de Rome, de mépriser la religion et les lois (3);
Louangeurs jusqu'à l'infamie ainsi ils élevaient Claude jusqu'aux honneurs de l'apothéose, proposaient l'érection d'un temple à Néron et déifiaient Domitien (4).
Comme ceux d'aujourd'hui, ils flattaient l'orgueil et la vanité des riches qui, moyennant salaire, faisaient publier dans leurs pages leurs propres éloges ainsi Senèque nous apprend que certains personnages y faisaient insérer la liste de leurs aumônes et de leurs bienfaits, et se défend d'imiter cette faiblesse (5). (')Cic. Ep. fam. vm.-l.
(*) Tlirase'as au sénat, Corbulon dans l'armée
Sont encore innocents malgré leur renommée.
Britannicus. – Acte ) Sc. 2.
(5) Tacite. Liv. xvi.-22.
(*) Tacite. – Suétone.
(5) Sénèque De bénéf. 11. 10.
Comme ceux d'aujourd'hui, ils obéissaient aux préjugés populaires et enregistraient de mensongères superstitions ainsi ils annonçaient comme une vérité incontestable, tantôt qu'en l'an 800 le Phénix était venu dans Rome saluer l'arrivée du nouveau siècle et affirmaient qu'on avait exposé ce merveilleux oiseau au public dans le Comitium CJ; tantôt qu'une pluie de briques était tombée du ciel (*).
Comme ceux d'aujourd'hui, ils s'empressaient de recueillir et de publier tout ce qui avait un caractère de singularité ainsi ils mentionnaient que Crispinus Hilevus, de Fésules, était venu sacrifier au temple de Jupiter Capitolin avec ses neuf enfants, vingt-sept petits-fils, vingt-neuf arrière-petits-fils huit petitesfilles (); que lorsque Titus Sabinus fut condamné à mort, sous Tibère, son chien le suivit à la prison, aux gémonies et jusque dans le Tibre, où il s'efforça de soutenir sur l'eau le corps de son maître (4). Comme ceux d'aujourd'hui, en un mot, ils rélléchissaient et gardaient les empreintes des vices et des vertus de leur époque.
Les magistrats du peuple y faisaient publier les actes ou les faits qui les recommandaient au suffrage du peuple, et les généraux les remplissaient du récit de leurs exploits ou de leurs succès. Thraséas luimême, malgré ses vertus, ne dédaignait point ce (') Pline. x.-2. Tacite. Annales vi.-28.
(a) Pline. 11. 57.
(5) Pline. 7. 11.
(4) Dion Cassius. vm.-l.
moyen de donner à son nom de la popularité. C'était l'un des griefs de Néron contre lui, et Tacite met dans la bouche d'un ami de l'empereur le reproche adressé à Thraséas de faire remplir de son nom les actes diurnaux, afin d'occuper seul la renommée au détriment de celui de son maître dans les provinces et à l'armée (').
Les courtisans n'oubliaient point à y faire insérer les audiences qu'ils avaient obtenues du prince et l'impératrice Livie avait grand soin, pour prouver sa faveur et son influence de publier ainsi le nom des dames romaines qui s'empressaient de se faire admettre à sa cour ('). Agrippine, mère de Néron, suivit le même exemple (").
C'était aussi par cette voie qu'étaient répandus les discours des tribuns du peuple, et les plaidoyers prononcés par les orateurs les plus accrédités. Les Romains attachaient, on le sait, un mérite immense aux débats judiciaires qui ont élevé l'éloquence du forum à ce haut degré de gloire qu'aucun peuple n'a égalé (). Ce qui convenait à l'ambition naissante de César, ce qui pouvait servir sa gloire et sa puissance ne pouvait être à l'usage du despotisme ombrageux d'Auguste. Lorsque ce prince arriva au pouvoir il craignit la publicité que les journaux donnaient aux actes du gouvernement, et l'un de ses premiers soins fut de (*) Tacite. Liv. xvi.-22.
(') Dion Cassuis. p. 699.
(3) Id.- Lx.-33.
(') Tacite. de claris oratoribus.
les proscrire ('). Mais les Romains, accoutumés à ces publications, ne se conformèrent point d'une manière complète à ces défenses, et sous son règne même on les vit reparaître soit qu'il eût rapporté son édit de suppression, soit que les moeurs l'eussent emporté sur la loi.
La lecture des journaux était devenue, comme elle l'est pour nous, une habitude pour les Romains. Ils étaient fort recherchés, avidement lus, non-seulement à Rome, mais dans toutes les provinces de l'empire. « Je sais qu'on vous envoie les actes de la ville, re» rum nrbanorum acta écrit Cicéron à Cornificus, » sans quoi je ne manquerais pas de vous informer >» de ce qui s'y passe (2). »
Pendant ses missions dans les provinces éloignées, Cicéron se faisait adresser avec une grande exactitude les journaux de Rome.
Son correspondant, entr'autres, était Célius Rufus, turbulent et emporté jeune homme, orateur plein de talent, tout à la fois ami de Catilina et client de Cicéron, dépensant au jeu sanglant de la guerre civile une verve et un courage qu'il eût pu mieux employer. Il adressait à Cicéron l'extrait des journaux, et même quelquefois les bruits qu'il recueillait des nouvellistes qui se tenaient dans le forum au pied de la tribune ('). Les lettres de Cicéron révèlent fréquemment com(») Suéton.-Auguste.-36.
(*) Cicéron à Cornificus. Ep. fam. xn.-23.
(5) V. les 17 lettres de CœliusRufus, recueillies dans les oeuvres de Cicéron.
bien il se montrait jaloux de sa popularité, et sensible aux attaques de ses ennemis, combien de loin il était préoccupé de l'opinion publique qu'exprimaient ou même que dirigeaient dès ce temps les journaux. C'était par eux non moins que par les correspondances de ses amis qu'il était informé des séances du sénat. « J'ai reçu, écrit-il à Atticus (2), les journaux jusques « aux nones de mars; j'en conclus que Curion em)j pêchera toujours qu'on traite l'affaire du gouverne» ment.» Il s'agissait du gouvernement des Gaules, sur l'administration desquelles Curion, tribun du peuple, différait d'avis avec Cicéron.
Les femmes romaines ne montraient pas un moindre empressement à la lecture des journaux. Elles aimaient, à leur toilette, pendant qu'on les coiffait ou qu'on les habillait (s), à parcourir ces feuilles légères où elles lisaient les exploits de ceux qui leur étaient chers, le feuilleton des jeux publics, et l'anecdote scandaleuse du jour.
Elles y pouvaient lire aussi les scandales nombreux auxquels donnait naissance la loi du divorce cette plaie honteuse de la société romaine. « Aucune femme » rougit-elle du divorce, disait Sénèque, depuis que » les femmes les plus illustres comptent leurs années » non par les consuls, mais par le nombre de leurs » maris? Jadis on craignait cet éclat, parce qu'il était » rare aujourd'hui que chaque journal contient au » moins un divorce on s'accoutume à faire ce que (5) Cicéron à Atticus.-Ep. fam. vi.-2.
(*) Juvénal. Satyre vi.-vers 483.
» tous les jours on entend dire (i). »
La politique ténébreuse de Tibère ne redouta point cependant comme celle d'Auguste la publicité des journaux mais elle fit plus que de les supprimer, elle les asservit. Dans ses mains ils devinrent un moyen de vengeance, un instrument de despotisme. Pour légitimer ses cruautés envers ses victimes, il faisait insérer, dans les actes diurnaux les propos injurieux que ses ennemis proféraient contre lui. L'histoire va plus loin elle l'accuse d'y avoir fait publier des discours outrageants ou séditieux qui n'avaient jamais été tenus, et dont la publication servait de prétexte à ses vengeances (').
Néron qui avait plié sous son joug l'orgueil du sénat attachait une grande importance à faire publier les séances de cette assemblée dans les journaux devenus ainsi les échos des lâches flatteries dont il était l'objet (!). Sous Tibère et sous ses successeurs la dépravation avait fait de tels progrès à Rome que loin de rougir des vices les plus abjects et les plus honteux, on s'en faisait publiquement gloire. C'est avec indignation que Juvenal reproché aux jeunes romains la dégradation de leurs moeurs et les accuse d'être assez déhontés pour faire publier leurs cyniques débauches dans les journaux publics
Fiant ista palaih, cupient et in acta referri (*). (*) Sénèque. de Benef. 111.-16.
(*) Dion Cassius. vu. P. 709.
(3) Tacite. Annales. xvi.-2.
(*) Juvénal. Satyres.
Caligula faisait pis encore II proclamait dans les journaux le nom des femmes qui avaient reçu ses caresses, et par un odieux raffinement plus d'une fois il se servit de ce moyen pour faire parvenir à leurs maris occupés au service de l'Etat dans les provinces les plus éloignées de l'Empire, la nouvelle des souillures de leur lit nuptial (').
Cet exemple fut suivi par Commode, non moins infâme que Caligula. Il se plaisait à perpétuer ainsi le souvenir de son ignominie, en y faisant consigner jour par jour ce qu'il faisait de bas et de honteux (!). «C'est » par les journaux que l'on tenait exactement dans la « ville, dit Crevier, que nous savons qu'il avait com» battu dans le cirque, comme gladiateur, trois cent » soixante-cinq fois du vivant de son père, et sept » cent trente-cinq fois depuis, et qu'il a remporté » mille palmes, mille victoires dans ces odieux com» bats (s).«
Le silence même des journaux était quelquefois un moyen de vengeance. On leur défendait de proclamer une découverte, de citer le nom d'un artiste que l'Empereur voulait punir. Dion Cassius en rapporte un exemple. Le portique d'un des temples de Rome avait perdu son aplomb. On devait le détruire pour le réédifier. Un architecte, jeune et habile, imagina un ingénieux moyen de le relever d'un seul jet, sans en arracher une pierre. Cette entreprise hardie fut cou(') Suétone. Caligula. 36.
(*) Lampride. 15.
(*) Crevier. Histoire des Empereurs. T. 4. P. 500.
ronnée du plus heureux succès l'admiration publique eût fait la fortune de l'artiste malheureusement il avait déplu à Tibère qui défendit que son nom même fût publié dans les journaux O.
Sous Trajan, le sénat fit publier tout au long dans les journaux ses acclamations en faveur du Prince (*) Pline l'en félicite dans le panégirique de cet Empereur. Cet auteur mettait lui-même un grand prix à la publication des journaux de son temps il s'en entretient souvent dans ses lettres et prie ses amis de les lui envoyer à la campagne (') c'est pour lui, écritil à Tacite, un sujet de satisfaction de savoir que les journaux ont parlé de la conduite de ée dernier dans la cause de la Bétique contre Massa Bebius ('). Depuis le règne de Trajan les diverses acclamations du sénat saluant l'avénement des Empereurs qui se succédèrent sur le trône des Césars, les cris de reconnaissance qui accompagnèrent les honneurs rendus à la mémoire de quelques uns d'eux furent recueillis dans les journaux non moins que les célèbres imprécations qui s'élevèrent contre l'indigne fils de Marc-Aurèle qui forment le morceau le plus important que Lampride ait conservé (5).
Leur corruption avait cependant diminué leur imDion Cassius. P. 708.
(2) Pline. Panég.C. 75.
(3) Pline. Ep. ix.15.
{*) Pline. Ep. vii.-33.
(5) Lampride, Commode. 7. 15. Jules Capiolin. Maximien. C. iti. Tacite. C. 4. Aurelius Victor. Epitom. C. 18.
portance. Dans leurs colonnes, la chronique et le scandale avaient fini par étouffer l'histoire. Aussi lit on dans Tacite, en parlant du second consulat de Néron, qu'il offre peu de matières à l'histoire, « à moins qu'on « ne veuille la remplir de ces choses indignes des » annales du peuple romain, res inlustres bonnes » tout au plus à être insérées dans les actes diurnaux » de la ville ('). »
Cette dégradation du journalisme à Rome n'avait point échappé à l'auteur du plus éloquent journal de la Révolution française, à Camille Desmoulins, Lorsque dans le Vieux Cordelier, qui fit élever pour lui l'échafaud sur lequel il avait fait monter tant de victimes, ce jeune et fougueux tribun dégoûté du sang qui coulait à flots, voulut emprunter à Tacite la peinture des atrocités dont Rome avait été témoin pour les appliquer à celles dont la France gémissait dans un morne silence, il n'eut garde d'oublier dans sa traduction libre ce qui concernait les journaux de Rome en faisant allusion à ceux de Paris « Crime de contre» révolution, dit-il, au journaliste Crementius Cordus » d'avoir appelé Brutus et Cassius les derniers des » Romains. Crime de contre révolution de se plain» dre des malheurs du temps. Crime de contre– ré–« volution de ne pas invoquer le génie de Caligula. » En un mot sous ces règnes la mort naturelle d'un » homme célèbre ou seulement en place était si rare » que cela était mis dans les gazettes comme un évé-(') Tacite. xvL-31.
» nement et transmis à la mémoire des siècles (').» Ces journaux, ces acta Diurna, ont été l'une des sources dans lesquelles les historiens romains ont puisé de nombreux documents (s). Tacite les consultait en écrivant ses Annales. Il en fait l'aveu dans plusieurs passages. On y lit, entr'autres, en parlant d'Antonia, la mère de Germanicus « Je ne trouve ni » dans les écrivains, ni dans les actes diurnaux du » temps qu'elle ait rempli aucune fonction insigne (3).» C'est par eux qu'on est parvenu souvent à obtenir la solution de faits ignorés ou incertains. Quoique Auguste fût né à Rome et qu'il fût le petit-neveu de César, ou ignora longtemps le lieu précis de sa naissance. Ce fut en consultant les journaux de Rome qu'on parvint à le connaître à l'occasion du crime d'un jeune praticien C. Hectorius, coupable d'adultère, et à qui la grâce fut accordée parce qu'il justifia qu'il était le possesseur du lieu où était né Auguste (*).
Le lieu et l'année précise de la naissance de Tibère, né le 16 des kalendes de décembre sur le mont Palatin, avaient été l'objet d'un doute. Il ne fut levé que par l'indication des journaux du temps H. Il en fut de même pour la naissance de Caligula. On avait longtemps pensé qu'il était né dans le camp (') Le vieux Cordeher, numéro 111.
(SJ Adam.-Antiquités romaines.
(3J Tacite. Annales. m.-3.
(*) Suétone.-Auguste. c. 5.
(5) Id.-Tibère. c. 5.
même, au milieu des soldats de Germanicus, son père. Telle semblait être l'opinion de Tacite. Suétone, réputé pour être le plus véridique des historiens et qui a mérité l'éloge d'être exact jusqu'au scrupule (') Suétone a recueilli dans les journaux du temps la preuve que cette opinion était une erreur, et que Caligula était né à Antium. Ego in ACTIS Antii invenio editum, etc. dit Suétone^).
Il faut tirer de ces expressions la conséquence que Rome n'était pas la seule ville de l'empire qui eût des journaux, mais que les villes voisines en avaient également, puisque Suétone a consulté ceux d'Antium. Cette ville, située dans le voisinage de Rome, sur un rocher au bord de la mer, avait une importance qui expliquerait ce fait c'était là, selon Strabon, que les Romains, occupés des affaires de l'état, venaient jouir des agréments de la campagne sans s'éloigner de leurs rapports avec la ville.
Malgré le titre de Diarium d' Acta diurna donnés à ces journaux il ne paraît pas qu'ils fussent publiés soit quotidiennement, soit à des époques périodiques. Ils formaient une sorte de cahier, de volume, étaient rédigés par ordre de date et de jour et publiés, selon toute apparence, soit lorsqu'il était nécessaire de porter les faits qu'ils contenaient à la connaissance publique, soit lorsqu'ils avaient acquis une certaine dimension. Ils n'étaient point écrits comme les nôtres en forme de colonnes, mais sur de larges (*) La Harpe.-Cours de littérature.
(2) Suétone.-Caligula. c. 8.
tablettes dont les lignes étaient de la largeur de la page et avaient une assez grande hauteur. C'est ce que l'on doit conclure de ce passage de Juvénal Longi relegit transversa diurni (').
Ce serait une étrange erreur de s'imaginer que quoiqu'il existât des journaux et par conséquent des journalistes, Diurnarii (*), ainsi que les nomme le code Théodosien, il dût y avoir des bureaux de rédaction, d'abonnement, des distributeurs quotidiens partant à heure fixe de l'atelier du copiste ou du fond du magasin du libraire. Non. Les procédés de l'écriture d'alors ne permettaient même pas que la distribution en fût considérable, et qu'ils pussent être répandus en aussi grand nombre que l'avide curiosité l'aurait désiré mais on en faisait faire des copies sur les exemplaires distribués dans la ville, et chacun les envoyait ou distribuait à ses parents, à ses amis (5). On se tromperait encore si l'on se figurait que ces publications ne furent jamais interrompues, et qu'elles se maintinrent avec la régularité de notre presse périodique. Instruments de publicité et de politique tout à la fois, elles subirent sans doute les exigences des pouvoirs dont elles favorisaient ou desservaicnt les intérêts mais ce qui résulte de l'histoire c'est que créées ou développées par César, suspendues par Auguste censurées par Tibère et par Domitien, ces publica(') Juvénal. -Satyres.
(•) Code Théodos. VIII.-4.-8.
(*) Cicérno. -Lettres familières.
lions continuèrent après les Antonins, jusques aux derniers temps de l'Empire. Toutefois elles ne devinrent jamais ce qu'elles sont aujourd'hui dans notre civilisation moderne, une tribune ouverte aux questions politiques et philosophiques. C'était plutôt un recueil de nouvelles avec quelques médiocres commentaires, une collection d'actes officiels, qu'une arène ouverte à la politique des partis, aux passions du forum aux systèmes et aux discussions de l'École.
La plupart de ces acta diurna ont subi le sort commun à toutes les œuvres légères. Ils ont à peu près disparu. C'est sans contredit une perte regrettable pour l'histoire des mœurs publiques et des mœurs intimes de la vieille société romaine, qu'on connaît encore assez imparfaitement malgré les peintures de Juvénal, de Pétrone et de Martial. Les amateurs de collections historiques, car il y en avait à Rome non moins qu'à Paris, les recherchaient avec empressement. Tacite, dialogue des orateurs ('), cite un certain Mucianus, trois fois consul, ami de Vespasien et de Pline l'Ancien, qui avait recueilli quatorze volumes très-curieux, dont trois de lettres et onze d'acta. Ces acta dit un écrivain moderne, qui auraient pu s'intituler Recueil des causes célèbres et curieuses se composaient de discours ou d'anciens plaidoyers extraits du journal de Rome et de documents empruntés, comme les lettres, soit aux bibliothèques, soit à (') Tacite.-De claris oratoribus.-37.
des collections particulières ('). Ce curieux recueil n'est point parvenu jusqu'à nous.
Plusieurs savants de France d'Angleterre et d'Italie ont cherché à remplir les lacunes de la littérature latine par des publications qui exercent encore et trompent souvent la sagacité des critiques. Dans ce nombre ont été remarquées et signalées plusieurs pages de journaux publiés avec un certain air d'antiquité. Richard Dodwel (a) savant anglais du xvu° siècle, professeur d'histoire à l'université d'Oxford, infatigable chronologiste réputé pour être l'homme de son temps qui connaissait le mieux les auteurs anciens, a publié dans l'appendice à ses prœlectiones Candemianœ f), quelques extraits de journaux de Rome. Quelques auteurs ont attaqué cette publication comme n'étant qu'un pastiche d'après l'antique, mais sans apporter aucune preuve bien satisfaisante de cette accusation contre laquelle proteste un grand nombre d'écrivains. Sous la foi de la plupart des auteurs qui l'ont accueillie comme vraie, et sous la réserve de quelques modernes qui l'ont contestée, nous en citerons ici de courts passages, en négligeant ceux qui se rattachent à des faits politiques. Ils pourront donner une idée de l'esprit de ces publications (*)
iv des calendes d'avril. Il a éclairé, tonné, et la foudre est tombée au haut de Vélia.
(') Feuillet de Conches.- Journal des Débats, 7 décembre 1847. (') V. ce mot Biographie universelle.
(3) Ed. d'Oxford, 1692.
{*) V. Rome au siècle d'Auguste, parCh. Désobry.-Notes.
« m des calendes d'avril. Il est tombé une pluie de pierres aux environs de Veïes.
« On a fait les funérailles de Marcia. Les images de ses ancêtres étaient plus nombreuses que les hommes qui assistaient au convoi.
» Aufidius banquier à l'enseigne du Bouclier cimbre, a disparu du forum avec beaucoup d'argent appartenant à autrui.
« h des ides de mars. Un incendie s'est déclaré sur le Céliolus. Deux islots de maisons ont été brûlés jusqu'au sol, et les cinq autres ont également éprouvés les dommages du feu.
« L'archi-pirate Démophon, pris par le légat Licinius Nerva, a été mis en croix.
« Silanus a plaidé devant Q. Cornificus pour Roscius, de la ville de Larinum, accusé de violence privée. L'accusateur était L. Torquatus le fils L'accusé a été absous par quarante voix, condamné par vingt.
iv des calendes de septembre. Funérailles de Metella Pia, vierge vestale, portée au tombeau de ses ancêtres sur la voie Aurelia.
« Le préteur Urbain, mariant sa fille ce jour même, a prévenu par un édit qu'il ne rendrait pas la justice aujourd'hui, et que toutes assignations seraient remises à cinq jours.
Il suffit de ces citations pour justifier la vérité de ce proverbe que rien n'est nouveau sous le soleil. Ne semble-t-il pas, en effet, qu'aux noms près on lit un article de la chronique de nos journaux modernes?
Serait-il donc vrai qu'il n'y a de neuf que ce qui a vieilli?.
Les journaux furent entraînés dans le grand cataclysme qui bouleversa l'empire romain. Ils disparurent avec lui. On n'en trouve déjà plus de traces dans les derniers écrivains de cette époque.
Avec la religion chrétienne ressuscita imparfaitement l'ancien mode de publicité des Annales des Pontifes dont il a été parlé plus haut. On peut leur comparer jusqu'à certain point les prédications des apôtres de l'Evangile, et les épîtres adressées aux peuples par les évêques dans lesquelles parmi des leçons de morale et de dogme on trouve la transmission de quelques faits publics, notamment l'exaltation des papes et l'ordination des évêques.
Mais l'instrument de publicité qui commença le plus utilement à faire sortir les nations de l'isolement où les plongea la barbarie de ces temps, fut la pérégrination des Trouvères et Troubadours qui portant d'un château à l'autre, d'une ville à une autre ville leurs chants et leurs poésies, y faisaient connaître les chroniques du temps les exploits des châtelains, et les guerres des rois. Cette publicité élait bien bornée sans doute, mais à cette époque d'ignorance universelle, elle s'adressait aux seuls hommes qui en dehors du clergé eussent un intérêt réel à s'occuper des affaires de leur pays.
Pour les masses abâtardies et ignorantes les jouissances réelles étaient tout de grossiers plaisirs ou d'affreuses misères absorbaient leur temps et leurs
pensées. Le clergé seul s'inquiétait du passé et se préoccupait de l'avenir. Lui seul pouvait songer à recueillir les souvenirs des âges passés et à transmettre aux races futures ceux des âges présents.
Intéressé à la marche des événements dont il avait presqu'uniquement la direction il faisait communiquer entr'eux ses membres par des moyens lents appropriés aux difficultés du temps mais efficaces. A des époques irrégulières, tous les ans, chaque monastère faisait circuler dans toute la chrétienté ce qu'on appelait un rouleau annuel destiné à être présenté à tous les évéques et dans toutes les communautés, pour annoncer la mort des principaux religieux décédés et pour lesquels des prières étaient sollicitées. Ce rouleau était remis à un messager qui allait d'église en église, de monastère en monastère, et parcourait ainsi toutes les provinces catholiques. On lui donnait le nom de Tomifer ou Rollifer.
Il séjournait dans toutes les communautés d'hommes et de femmes s'arrêtait près de tous les évêques, et formait ainsi un lien de communication aussi actif que sûr.
On conserve aux archives du royaume le rouleau qui annonçait la mort du bienheureux Vital, fondateur de l'abbaye de Savigny, près Mortain. C'est un des monuments paléographiques les plus curieux. II a été publié par M. Léop. Delisle, élève distingué de l'école des Chartres. Il contient 206 visas de chefs de communautés et d'évêques, et l'on y peut suivre jour par Jour l'itinéraire du messager qui parti de l'abbaye
Saint-Etienne de Caen, traversa toutes les provinces de France et parcourut vingt-cinq comtés de l'Angleterre (').
Dans certains monastères ce porte-rouleau, Rollirer ou Tomirer, partait à des jours fixes déterminés par les statuts des communautés, le lendemain, par exemple, de la fête du patron sous le vocable duquel l'église était placée ('J. Des actes de fondation, des réglements particuliers obligeaient les communautés à le bien recevoir, à le nourrir, quelques-uns même déterminaient la quotité de la somme que chaque abbé était tenu de lui fournir. Les évêques étaient également obligés de faire face à cette dépense. L'arrivée du messager était attendue dans les monastères avec autant d'impatience que de curiosité. On s'empressait autour de lui. On l'accablait de questions. D'où venait-il? Qui était-il? Que contenait son rouleau ? Pourquoi son arrivée ? Où allait-il ? Si le rolliger n'eût apporté que la nouvelle du décès de moines isolés inconnus les uns aux autres, morts au monde depuis longtemps pourquoi cette (') Des monuments paléographiques concernant l'usage de prier pour les morts.-Par Léop. Delisle.-Dans le rouleau de St-Vital on trouve ce jeu de mots écrit par un chanoine de Paris Vitam Vitalis Vitalem ViLa reliquii.
Un moine d'Orléans, piqué d'honneur sans doute, voulut prolonger ce jeu de mots en ces quatre vers
Dum Vixit, Vitâ Viïit Vitalis Iionestâ.
Nunc pussh Vita Vivere perpétua.
Non facit liœc Vita Vitalem sed moribundum;
Vitalem faciat Vita perennis eum.
(*) Gallia Christiana. T. 8.
impatience, pourquoi cette curiosité si bien exprimées par ces vers
Tomiferum fratres ut conspicient venientem
Qui vestros apices fert nimiùm lugubres '?
Undè domo quserunt? Tel qui gerus? Undè rotulus? Undè vel errantes proferat undè pedes (*) ? `!
C'est qu'évidemment outre le nom des religieux décédés, il était porteur d'autres nouvelles; c'est que sur sa route il recueillait les dépêches les correspondances des évèques, des chefs d'abbaye, et que tout à la fois qu'il venait réclamer des prières pour les morts, écho des bruits du monde, il informait les vivants des événements graves qu'il avait appris. L'envoi de ces messagers fut en usage depuis le ixe jusqu'au xrve siècle, c'est-à-dire pendant toute cette époque de barbarie où les monastères étaient des places de guerre, où la féodalité isolait les hommes où les anciennes voies étaient détruites, où partout il n'y avait que des sentiers étroits, où toutes les relations commerciales étaient cessées.
Quand l'Europe commença à sortir de cette barbarie, et qu'enfin la nécessité se fit plus vivement sentir de créer des correspondances entre les diverses parties du royaume, la poste fut établie. Cette institution ne reçut son développement que sous Louis XI par l'ordonnance du 19 juin 1464.
De ce moment la publicité, réduite jusque- la à de faibles et insuffisants moyens, commença à entrer dans ses voies de développement. Les nouvelles écrites à (') D. Martène.-Histoire de Marmoutier.
la main circulèrent dans toute l'Europe et répandirent la connaissance des plus graves événements. Envoyées à des époques irrégulières et d'ailleurs très-sommaires de leur nature, elles ne pouvaient satisfaire qu'imparfaitement la curiosité qui commençait à s'éveiller dans les masses.
Le règne de Louis XI s'était élevé entre le moyen âge expirant et la civilisation nouvelle, entre les débris de l'aristocratie féodale et le pouvoir naissant de la bourgeoisie. En révélant à celle-ci sa force et sa puissance, il l'appela à prendre une part active aux affaires publiques.
Cet essor des esprits fut secondé par la découverte de l'imprimerie(') qui, combattue par l'université et les parlements comme une innovation dangereuse et diabolique, fut prise par Louis XI sous sa haute protection. De l'Imprimerie au Journal il semble qu'il ne dût y avoir qu'un pas. II fut long cependant à franchir. Il paraît que ce fut à Venise que dans le xvf siècle seulement on vit paraître la première feuille imprimée contenant les nouvelles de la ville et du gouvernement. Elle fut d'abord écrite à la main et se vendait dans les rues, sur les places publiques pour une Gazetta, petite monnaie équivalant à un demi-sou. Son utilité et son bon marché en répandirent l'usage dans l'Italie et même dans l'Espagne.
(') Le Pseautier de Jlayence, qui passe pour le premier livre imprimé, remonte à 1457. Ce fut en 1470 que trois imprimeurs allemands, élèves de Jean Furst, fondèrent à Paris, dans la Sorbonne, la première imprimerie française sous la protection du roi.
Cette feuille prit le nom de la monnaie avec laquelle on la paya, une Gazetta. De là est venu l'origine du nom de Gazette quand ces feuilles, à l'imitation de Venise, furent répandues en France. On les appelait Nouvelles à la main.
La première publication, imprimée à Paris, parut en 1611 sous le nom de Mercure Français. Il ét?it plutôt littéraire que politique. S'il contenait quelques nouvelles, quelques bruits de la ville ou de la cour, il ne les accompagnait d'aucunes réflexions. Sa publication n'était point périodique. Il formait un volume chaque année.
Vingt ans après un homme actif, intelligent, plein de ressources et d'imagination, qui mêlait tout à la fois l'exercice de la médecine aux goûts du monde, aux occupations littéraires et à des spéculations commerciales, Théophraste Renaudot, conçut le projet de publier un journal périodique. Le célèbre généalogiste d'Hozier, le premier qui ait fait une science de l'histoire généalogique lui prêta son concours. Renaudot très-répandu à la ville et à la cour était à la source de toutes les nouvelles; le second ayant de nombreuses correspondances au dedans du royaume et dans les pays étrangers avec toutes les familles illustres, était parfaitement renseigné sur tous les grands événements. Leur journal parut d'abord sous le nom de Bureau d'adresse et prit bientôt celui de Gazette de France quand la vogue vint l'encourager. La protection du cardinal de Richelieu devint pour le journal naissant un puissant élément de succès. Il lui accorda, en 1631,
le privilége de paraître sous ce dernier nom, et ne tardant point à reconnaître l'utilité gouverncmentale de ce mode de publicité, il s'en servit pour publier les traités d'alliance les capitulations, les relations de sièges, de batailles, les dépêches des ambassadeurs, etc.
On assure que Louis XIII ne dédaigna pas luimême de composer quelques articles pour la Gazette ('). Quoiqu'il en soit de cette coopération royale dont il est permis de douter, la forme de la Gazette était sèche, peu attrayante. On n'y trouvait ni réflexions, ni commentaires; ce n'était qu'une simple nomenclature de faits dépourvue des ornements de l'imagination. Chose digne de remarque l'imprimerie fut protégée dans son berceau malgré lcs parlements et l'université par le plus tyrannique de nos rois et le premier journal politique parut sous la protection du ministre le plus entier dans ses volontés Peut-être Louis XI et Richelieu croyaient-ils donner un instrument de plus au despotisme, tandis qu'au contraire, tant la providence se joue des desseins des hommes! ils élevaient sans le savoir, sans le vouloir, la plus menaçante des souverainetés, celle devant laquelle tombent, comme si ce n'était pour elle qu'un jeu d'enfant, et les ministères et les gouvernements
Il.
ESQUISSE HISTORIQUE DE JEAN LORET, DE CARENTAN, POETE ET JOURNALISTE. Le caractère sérieux et officiel de la Gazette n'aurait pu longtemps satisfaire des lecteurs français; le journalisme eùt peut-être été mort-né, ou du moins son développement eût été reculé s'il ne s'était trouvé un homme destiné à donner de l'élan à cette invention par un recueil plus amusant, léger dans la forme, piquant au fonds, excitant la curiosité par l'intérêt de ses récits et flattant le goût du Français né malin par la causticité de ses épigrammes.
L'homme dont nous venons de parler se nommait Jean Loret.
Alors régnait en France le goût des vers burlesques que Scarron avait mis à la mode. Cette sorte de versification bourgeoise, qui n'a rien de lyrique, et qui tient le milieu entre la poésie élevée et le style naturel de la conversation, convenait parfaitement à la rédaction d'un journal destiné, par le récit des scandales et des anecdotes du jour, plus à l'amusement qu'à l'instruction des lecteurs.
Quel temps aussi convenait plus à la vogue d'un journal léger, plaisant et malin que celui où tant de scandales, les uns vrais, les autres supposés, faisaient l'aliment de tous les entretiens
S'il est vrai que les mœurs d'une époque déteignent sur sa littérature, il est certain qu'une gazette en vers burlesques ne pouvait plus heureusement paraître que pendant le cours de ce drame tragi-comique que l'histoire appelle LA. FRONDE, et que l'un de ses principaux chefs, le cardinal de Retz, nommait un galimathias politique. Là, dans les deux camps, car on n'oserait dire dans les deux partis, on s'attaquait avec des chansons et des pamphlets, on se battait presque sans cause, et souvent sans animosité, on se consolait d'une défaite par des bons mots et des épigrammes, on changeait d'opinion en changeant de maitresse, la gaieté et la folie se joignaient aux désordres de la guerre civile, l'amour faisait et défaisait les cabales, la sédition s'organisait dans les boudoirs, on se battait, on dansait, on conspirait tout à la fois. Quelle plus singulière complication d'événements et de contrastes
Le roi et sa mère deux fois obligés de fuir la capitale le parlement tour à tour vainqueur et exilant, vaincu et exilé; le prince de Condé offensant et la cour et la fronde, assiégeant Paris pour le roi, puis défendant Paris contre le roi Mazarin tombant du pouvoir et fuyant le royaume ramené triomphant par Condé, et jetant ensuite Condé dans les cachots de Vincennes le prince de Conti armé contre le cardinal et épousant sa nièce le duc d'Orléans flottant entre les partis, et les adoptant tour à tour; Mil6 de Montpensier, la petite fille d'Henri IV, faisant tirer le canon de la bastille sur les troupes du roi; un cardi-
nal et un archevêque à la tête de chacun des partis combattant pour des causes auxquelles la religion était étrangère la duchesse de Longueville, la sœur du Grand Condé, obligée de fuir de la Normandie, s'embarquant au milieu d'une bourrasque, jetée à la mer et risquant de se noyer dans les flots; la foule passant subitement de la tranquillité au tumulte, du calmc à la sédition cette longue tempête soulevée uniquement par des ambitions et où le triomphe de nulle idée, de nul principe n'était en jeu, s'éteignant soudainement au milieu des intrigues dans la lassitude des partis, toutes ces agitations et ces vicissitudes ne formaient-elles pas, comme le dit encore le cardinal de Retz, un spectacle qui se voit plus dans les romans qu'ailleurs ?
Dans cette guerre plus bizarre que meurtrière où les premiers rôles étaient joués par des femmes jeunes et belles, aux pieds desquelles les vainqueurs déposaient les trophées de la victoire, remarquons, en passant, un fait peut-être trop negligé par les historiens de ce temps, c'est que pour la première fois la bourgeoisie y occupa le premier plan que la magistrature traîna à sa suite les noms les plus illustres de la monarchie que les robins pour employer l'expression alors consacrée, si dédaignés par les gens d'épée, avaient derrière eux les princes, les ducs. la plus illustre noblesse compromise pour leur querelle. Ce fut dans ces circonstances si favorables pour l'esprit mordant et railleur d'un écrivain que le poète journaliste Jean Loret écrivit ses gazettes en vers.
Il était né à Carentan. C'est ce qui est attesté par tous les biographes; son portrait, gravé par Nanteuil, son contemporain, publié de son vivant est entoure d'un médaillon oval, portant ces mots qui ne laissent aucun doute Jean Loret, de Carentan, en BasseNormandie.
Les archives de la mairie de Carentan n'ont pu fournir de documents sur l'époque de sa naissance, puisque la tenue des actes de l'état civil n'a été régulièrement organisée, en Normandie, qu'après la publication de l'ordonnance de 1667; mais tout annonce qu'il était né au commencement du xvne siècle, vers les dernières années du règne de Louis XIII. Les premières poésies qu'il publia sous le titre de Poésies naturelles du S. Loret furent imprimées à Paris chez Jacques Dugard, sous la date de l'année 1633. Cette circonstance suffit pour faire connaître approximativement le temps de sa naissance.
Sa famille était peu riche on doit au moins le présumer ainsi car son éducation fut plus que médiocre dans un temps où cependant les écoles étaient assez répandues, et où l'éducation classique était facile à se procurer.
Il met ses lecteurs en plusieurs endroits de ses ouvrages, dans la confidence de son ignorance Je n'avais garde, dit-il, d'espérer
De si longtemps persévérer
En un métier si difficile.
Je me jugeais trop imbécile
N'ayant lu de mes jeunes ans
Nuls de ces livres instruisans
Le normand est là pourla rime; car Loret ne faisait pas sans doute au vieux jargon de nos campagnes l'honneur de le comparer au français et de croire qu'il ait jamais s été le langage dont les gens savants ont l'usage mais cet aveu de Loret prouve qu'il était né de parents peu aisés, et qu'il ne dut qu'à lui-même le développement du germe de talent que lui avait donné la nature. II revient plusieurs fois dans ses ouvrages sur cet aveu de son défaut d'instruction en annonçant qu'il ne savait ni ne comprenait le latin.
Il avoue même qu'il s'endormait à la représentation des pièces latines que les Jésuites composaient et faisaient chaque année réciter par leurs élèves. Voilà tout ce que j'en puis dire,
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Dont l'art et la philosophie
Les faibles esprits fortifie.
Madame l'Université
Ne m'a jamais de rien été
Et tout riche et docte langage
Dont les gens savants ont l'usage
Hors le français et le normand
Est pour moi du haut allemand.
Je n'affecte que peu la gloire
Que l'on acquiert par l'écritoire;
Quand il me faut versifier
C'est sans m'aller fortifier
Dans l'histoire des métamorphoses.
Car le poëme récité
En langue d'université
N'en comprenant ni mot ni phrase
Ne me ravit pas en extase
Et grâce à mon chien de destin
Je dormais pendant le latin.
Comment Loret dépourvu de richesse, d'instruction, né dans une condition intime parvint-il à quitter sa province et à aller chercher fortune à Paris? C'est ce qu'il n'explique pas. On peut supposer qu'écoutant les inspirations de sa muse, il aura composé quelque pièce de vers offerte en hommage à quelque seigneur bas-normand qui l'aura aidé de sa bourse et de son crédit.
Ce qui rend cette supposition vraisemblable c'est qu'il n'avait pas attendu à être dans la capitale pour donner l'essor à sa muse, et que Carentan avait vu naître et probablement mourir ses premières œuvres. Je verrai, dit-il, sans émotion
Chagrin ni perturbation
Quelles seront les destinées
De mes rimes nouvellement nées,
Car pour celles du temps passé
Ma foi requiescant in pace.
J'ai fait étant en Normandie
Panégyriques, comédie,
Sonnets, stances, satyres, mais
Je ne les publierai jamais.
Il conserva toujours un grand attachement à son pays, ainsi que l'annoncent plusieurs de ses poésies, et notamment une épître à l'évêque de Coutances, du 29 mars 1659.
Sous les auspices des vers déjà publiés par lui, et sous le patronage de quelques protecteurs inconnus, Loret parvint à s'attirer la bienveillance de S. A. R. Marie d'Orléans, PRINCESSE de Longueville. Il ne faut point confondre cette princesse avec la Duchesse de Longueville qui prit une part si active
aux troubles de la fronde. Cette dernière était la soeur du grand Condé, et avait épousé le duc de Longueville, arrière-neveu du fameux Dunois. Elle exerça la plus grande influence sur toutes les décisions qui furent prises contre la cour et contre Mazarin. On l'avait vue se mêlant de sa personne aux mouvements de la sédition, traverser à pied la place de Grève et monter les degrés de l'hôtel de ville ce théâtre de toutes les révolutions de Paris, aux acclamations du peuple ravi de son courage et de sa beauté. Elle avait fait des efforts inimaginables pour faire soulever, en faveur de la fronde, la Normandie dont son mari était gouverneur. Les événements de sa vie agitée, sa fuite en Hollande, le rôle qu'elle joua ensuite à Bordeaux, devenu un foyer de trouble et d'anarchie, en fit une sorte de coureuse d'aventures dont la vie fiévreuse et agitée contraste avec celle de la princesse qui honora Loret de sa protection.
Fille de Gaston, duc d'Orléans, celle-ci se nommait Marie. Elle était la troisième fille née du mariage du duc d'Orléans avec Marguerite sœur du duc de Lorraine. Le nom de princesse de Longueville lui avait été donné à cause de l'un des fiefs appartenant à la maison d'Orléans. Cette princesse ne pouvait sans doute rester étrangère aux événements politiques dans lesquels son père et sa sœur, Mlle de Montpensier, jouaient un rôle aussi actif que fâcheux; mais elle traversa cette époque de troubles sans rien perdre de sa dignité et de sa considération. Elle épousa vers la fin de la fronde un prince de la maison de Savoie, le due de
Nemours, frère de celui qui fut tué si malheureusement en duel par le duc de Beaufort, son beaufrère.
Si cette princesse ne prenait pas une part personnelle aux événements elle attachait nécessairement une grande importance et même plus que de la curiosité à être promptement instruite de tout ce qui concernait les luttes de cette époque et les intrigues de tout genre que chaque jour voyait naître.
Loret fut donc chargé par elle de lui adresser toutes les semaines une lettre en vers pour lui rendre compte de tous les événements importants. La tâche était d'autant plus délicate que la princesse était femme d'esprit et de mérite. Elle a elle-même composé des mémoires sur cette époque dans lesquels elle juge bien les faits et en présente clairement les causes. Son style est élégant quoique sans recherche et l'on y reconnaît la négligence d'une femme d'esprit écrivant pour son amusement (').
Si l'on en croit Loret la princesse Marie était d'une blancheur de teint et d'une beauté remarquables. Tantôt il l'appelle
Princesse blanche comme un lys
Au teint de lys, à blonde tresse,
Tantôt faisant allusion à une absence momentanée (') Ces Mémoires sont recueillis dans le 28 volume de la collection de Joly, conseiller au parlement. ANQUETIL. Écrits sur l a fronde.
qu'elle avait faite pour se retirer dans un couvent il lui adresse ces vers
MUe de Longueville n'était pas seulement belle elle était riche et possédait de nombreux et vastes domaines. Jean Loret a soin de le lui rappeler dans sa lettre du 26 juillet 1650
Au palais d'Orléans on gronde
De ce qu'une charmante blonde
Sans permission ni congé
A de chez elle délogé.
Cette illustre pucelle blonde
En qui tant de mérite abonde
Dont l'autre jour l'évasion
Causa de l'appréhension,
N'a plus de demeure secrète.
On sait maintenant sa retraite.
Votre altesse est de ces personnes
Aimables, puissantes et bonnes,
Qui mieux au monde qu'au couvent
Sont nécessaires bien souvent.
L'objet le plus brillant du monde,
phébus avec sa tresse blonde,
Selon les mois et les saisons
Change de gîte et de maisons.
C'est ainsi qu'en fait votre altesse
Comme riche et grande princesse
Ayant quantité de châteaux
Des plus plaisants et des plus beaux.
En mai vous demeurez en Brie,
En juin vous séjournez à Trie,
Et maintenant qu'il est juillet
Vous résidez à Bagnolet,
Que mainte agréable sculpture,
Maint rare ouvrage de peinture
Et mamt autre bel ornement
Enrichissent extrêmement.
Aux sommes annuelles dont la princesse promettait de gratifier son poète, elle joignit la générosité de lui donner un appartement dans son hôtel, ainsi qu'il nous l'apprend dans la lettre du 4 mai 1650 qui commence sa correspondance poétique.
Depuis le glorieux moment
Ou j'eus l'honneur et l'allégresse
D'être logé chez votre altesse
Pour complaire à vos volontés
Et mieux mériter vos bontés,
Puisque votre cœur le désire
Je fais dessein de vous écrire
Les bruits qui courent quelquefois
Parmi la cour et les bourgeois;
Mais honni soit qui mal y pense
Et voici par où je commence.
Les premières lettres que Loret écrivait étaient uniquement pour MIle de Longueville. La princesse les communiquait au cercle brillant qui remplissait ses salons. On les trouva dignes d'exciter la curiosité et l'intérêt. Des copies en étaient prises aussitôt qu'elles paraissaient. De cette manière elles circulèrent rapidement dans le public. Leur succès devint tel qu'avec la permission de sa bienfaitrice Loret se résolut à les livrer à l'impression à fur et à mesure qu'elles étaient écrites.
Il avait d'abord imposé à son imprimeur la loi De n'en tirer chaque semaine
Qu'une unique et seule douzaine;
mais leur vogue s'étendit tellement que cette publicité trop restreinte ne suffisait pas à l'empressement du public. Son éditeur nous apprend que les exemplaires en devinrent tellement multipliés qu'il n'y avait point de poste ou de messager qui n'en fût chargé ordinairement. A peine si on attendait qu'ils fussent sortis de sa plume pour mettre ses vers sous la presse Ils partent dès qu'ils sont rimés,
Sitôt faits, sitôt imprimés.
C'est donc de l'hôtel de Longueville que pendant quinze années consécutives, sans interruption, et avec une persévérance que rien ne fit varier Jean Loret adressait tous les samedis une lettre en vers à la princesse sur les événements de la semaine. Le recueil de ces lettres où toute l'histoire du temps est comprise jour par jour peut être considérée comme une collection de mémoires particuliers. Il est consulté avec fruit par tous ceux qui écrivent l'histoire, et ils y puisent des matériaux fidèles et exacts s'ils ne sont pas toujours exempts de prévention et d'esprit de parti.
Cette périodicité dans la publication garantit la précision des dates et l'exactitude des récits écrits sous l'inspiration de l'événement. Si cette forme spirituelle et piquante fit la popularité du poète elle contribua aussi puissamment à la popularité du journalisme.
On est effrayé à la pensée du nombre de vers qu'enfanta dans ce style coulant et naturel la muse féconde de Jean Loret. En 1663, c'est-à-dire treize ans après le commencement de sa correspondance, il était arrivé au chiffre de trois cents mille
Qui sont à dire vérité
Une étonnante quantité.
Cette extraordinaire abondance de vers n'est point à proprement parler une exception. En remontant aux premières époques de notre littérature, on remarque que lorsque le goût de la poésie ne faisait que commencer à se répandre, les poètes se dédommageaient par le nombre de leurs vers du peu de mérite de leurs œuvres. Nous en trouvons une preuve dans une publication récente que vient de faire le savant M. Bonnin, d'Evreux, de plusieurs poëmes trouvés à la bibliothèque de cette ville et qui ont un intérêt spécial pour les Bayeusains. Ces poëmes écrits en langue vulgaire de la première moitié du xive siècle sont l'œuvre d'un chanoine de Bayeux dont le nom s'est perdu. Le manuscrit écrit en gothique moyenne du xiv" siècle, provient de l'ancienne abbaye de Lyre. Il contient 29,825 vers, en langue franco-normande et renferme entr'autres, trois poëmes de styles différents.
L'un est la vie de St-Grégoire, en 2,357 vers! Le second est l'Advocacie de Notre-Dame et les résons pourquoi elle est appelée advocate de l'humain lignage, bizarre procès, plaidé avec toutes les formes de la procédure du temps, devant le Père Eternel entre Satan et la vierge Marie, en 2,247 vers.
Le troisième est intitulé la Chapelle de Bàiex. Le bon chanoine y peint, en 876 vers, toute son indignation de l'astucieuse entreprise soit des officiers du roi, soit de certains particuliers qui s'avisèrent de faire saisir, en vertu d'un mandement du vicomte de Coutances, le bénéfice attaché à la paroisse de St-Ouen du château de Bayeux ('). Cette chapelle bâtie dans l'enclave de l'ancien château avait été fondée vers l'an 950 par le duc Richard qui s'était réservé pour lui et pour ses successeurs le droit d'en nommer le chapelain, à l'exclusion des évêques. Ce droit cédé plus tard à Robert des Ablèges évêque de Bayeux par Philippe-Auguste, après la réunion de la Normandie à la France donna lieu à un procès que l'évêque Guillaume de Trye gagna aux assises de Bayeux (*) et qui inspira les 876 vers de ce long poëme où l'on retrouve comme dans l'Advocacie de Notre-Dame l'alliance de la verve gauloise et de l'esprit normand.
Chacune des lettres de Loret, auquel il faut revenir après cette digression en faveur d'un autre poète bas-normand, portait un titre plus ou moins bizarre faisant allusion à l'objet qu'elle traite. La première est intitulée Fondamentale, les autres Mystique Champêtre, Mélancolique Innocente Sincère, Travestie, Niaise Enjolivée Radoucie, etc., etc. Il épuisa tous les adjectifs de la langue française et toujours assez heureusement pour que chacun de ceux (') Mémoires de la Société d'Evreux.-T. vii.-p. 126. (*) Histoire de Bayeux, par Beziers, p. 113.
qu'il emploie puisse s'appliquer à son sujet. Elles sont presque toutes terminées par une péroraison ou par une date exprimée d'une manière plus ou moins prétentieuse, sorte d'inspiration soudaine souvent de mauvais goùt, mais qui n'est point sans originalité. Aucune action remarquable ne se passe soit à Paris, soit dans les provinces, aucune anecdote ne circule soit à la ville, soit à la cour, qu'elle ne soit recueillie par lui. II entretenait des correspondances sur plusieurs points du royaume dans lesquelles il puisait ses informations; d'autres fois il les empruntait aux bruits populaires, aux commérages qu'il recueillait, Tant dans les ruelles qu'au Cours
tantôt il ne faisait que mettre en vers les faits que la Gazette de France publiait dans le style sec de Renaudot.
C'est par lui que nous savons que dès le temps du cardinal Mazarin on s'occupait déjà du problème resté insoluble depuis tant de temps de l'achèvement du Louvre, projet souvent tenté et toujours abandonné. Il l'annonçait en ces termes le 16 juillet 1659 Par ordre de son [Emmenée
On va, dit-on, en diligence
(Et tel dessein sent bien la paix)
Continuer mieux que jamais
Par une belle architecture
Du Louvre la grande structure
Et c'est à présent tout de bon
Que le seigneur Ratabon
Comme ayant la survivance
Et il ne faut jurer de rien. Car depuis ce temps combien de seigneurs Ratabon se sont vainement succédé Combien de projets présentés, rejetés, admis, combien le seront encore avant que la grande structure du Louvre ait été menée à fin!
On conçoit qu'il dut arriver plus d'une fois à Jean Loret de rester à sec de nouvelles sérieuses dignes d'être transmises. Il lui fallait cependant fournir sa tâche hebdomadaire, et c'était quelquefois chose fort difficile. Voici comment il peignait un jour cette tribulation d'un gazetier sans nouvelles
Des bâtiments royaux de France
Va de bon cœur s'employer là
Et je jurerais de cela.
Agréable Prim-esse notre,
Moi qui suis le serviteur votre
Et de plus votre historien
Certe ne sachant presque rien
Pour débiter à votre altesse
J'ai violenté ma paresse
Et tournoyé partout Paris
Sans avoir nulle chose appris.
J'ai parcouru les nouvellistes,
Les hableurs, les méchants copistes,
Mais leurs contes sont si douteux
Que je n'ai rien emprunté d'eux.
J'ai visité quelques notables,
J'ai fréquenté de bonnes tables
Moins pour le plaisir de Gustus
Que pour celui de l'auditus.
J'ai même été dans les ruelles
Pour ramasser plus de nouvelles,
Mais les drôles tant là qu'ailleurs
M'ont dit avec des tons railleurs
Charles de Bourbon a pris Rome,
M. Bayard fut un brave homme,
Pépin-le-Bref fut un ragot
Defunt Gustave un grand roi Got,
La reine Marguerite est morte -P
Moi j'ai dit Diantre vous emporte
Vous et vos contes surannés;
Eux me faisant un pied de nez
M'ont répondu les bons apôtres
Pardi nous n'en savons pas d'autres.
Quelquefois il s'inquiète de la frivolité de ses nouvelles. Il s'en excuse en faisant remarquer que celles transmises par les gazettes sérieuses n'ont pas plus d'importance
Ceci n'est pas grande nouvelle,
Mais Théophraste Renaudot.
Que l'on sait bien qui n'est pas sot,
Le plus souvent dans ses gazettes
Met de moindres historiettes.
L'Annonce et la Réclame qui font vivre aujourd'hui tant de journaux n'étaient pas inconnues dès ce temps. Elles sont nées avec le journalisme mais il faut reconnaître que notre siècle les a bien perfectionnées. Cependant étaient-elles bien inférieures à la quatrième page de nos journaux, ces annonces chèrement payées sans doute à la plume de Loret ?. On en va juger. Une collection de livres nombreuse et intéressante est à vendre. Vite Loret annonce qu'
On vendra soirs et matins
Sur le quai des grands Augustins
En la boutique d'un libraire
Imprimeur ou non ordinaire,
Et si le lecteur demande où?
C'est justement chez Jean Ribou.
Est-il chargé de faire connaître l'établissement d'un nouveau bottier, il annonce
Des bottes faites sans couture,
Bottes d'hyver ou bien d'été.
L'industrie invente-t-elle de nouveaux produits Loret proclame en vers le fabricant qui les doit vendre. C'est ainsi qu'annonçant l'application de l'étain aux ustensiles de ménage, il assure
Que les plus fins et les plus sages
Prendraient d'abord ces beaux ouvrages
Tant l'éclat en paraît joli
Pour un bel argent bien poli.
A l'occasion des Annonces des journaux dont nous parlons ici il n'est pas superflu de faire remarquer qu'il est étonnant qu'on n'ait pas perfectionné plus tôt ce moyen de communication qui dut se présenter à tous les esprits dès que le commerce eut établi des relations un peu multipliées. Montaigne assure que dès la fin du xve siècle la pensée en avait été exprimée par son père. «Feu mon père, dit-il, homme » pour n'être aydé que de l'expérience et du naturel, » d'un jugement bien net, m'a dit autrefois qu'il » avait désiré mettre en train qu'il y eust, ès villes, h certain lieu désigné auquel ceuk qui auraient beM seing de quelque chose se pussent rendre et faire » enregistrer leurs affaires à un officier establi pour » cet effet, comme je cherche à vendre des perles; » tel veult compaignie pour aller à Paris tel s'en» quiert d'un serviteur de telle qualité tel d'un » maistre; tel demande un ouvrier; qui ceci, qui
» cela, chacun selon son besoing. Et semble que ce » moyen de nous entr'advertir apporterait une légère » commodité au commerce public; car à tous coups » il y a des conditions qui s'entre cherchent, et pour » ne pas s'entr'entendre laissent les hommes en ex» trême nécessité ('). » II a fallu, malgré ce besoin généralement senti, près de 200 ans avant que ce vœu ait été réalisé d'une manière convenable. Plusieurs des portraits tracés par Loret sont remarquables par la finesse du trait et la ressemblance que leur a conservé l'histoire. Nous n'en citerons qu'un qui n'a point de nom propre, et qui est le véritable type des irrésolus dans les troubles civils Lysis ne sait quel parti prendre
Tant il a peur de se méprendre.
Madame la Fronde et la Cour
Attirent son cœur tour à tour.
Aujourd'hui l'une le possède,
Une heure après l'autre l'obsède,
Il est entre deux suspendu,
Et n'étant gagné ni perdu
Il dit à l'une allez au peautre,
Puis il en dit autant à l'autre
A l'une il dit je suis à vous
A l'autre il dit unissons-nous.
On lui fait harangue il écoute,
Il conteste, il balance, il doute,
Il voit le mal, il voit le bien,
Mais enfin il ne résout rien.
Quelques partisans de Corinthe (•)
(') Montaigne. – Essais. L. lar ch. 34. D'un défault de nos polices.
(1) Le coadjuteur de Retz, archevêque de Corinthe, in partibus.
Comme ce genre de poésie admettait facilement les jeux de mots et les calembourgs, Loret ne s'en faisait pas faute. Nous citerons entr'autres celui-ci qui fait allusion à l'un des chefs de la fronde. Parmi les mécontents qui s'étaient attachés au prince de Condé, le duc de Bouillon figurait aux premiers rangs. C'était le discoureur du parti. Sa femme non moins ardente dans sa haine contre la Cour était l'une des héroïnes qui distribuaient à l'hôtel de ville aux jeunes officiers du parlement les écharpes et les marques de leurs dignités. Le cardinal de Retz l'ayant conduite à l'hôtel de ville tenant ses enfants dans ses bras, la présenta au peuple sur le perron. «La grève, dit-il dans ses Mémoires, « était pleine jusqu'au haut des toits; tous )) les hommes jetaient des cris de joie toutes les » femmes pleuraient de tendresse. » Ces élans popu-
Qui pour la Cour sont pleins d'absinthe
Et tout plein de petits frondeurs
Jusque même à des ravaudeurs
Avec une ardeur sans seconde
Lui parlent pour la dame Fronde;
D'autres vrais serviteurs du roi,
Gens de probité gens de foi
Le sollicitent pour la reine
Qui de nous tous est souveraine.
Comment se démêlera-t-il
D'un labyrinthe si subtil?
Et que faudra-t-il qu'il réponde?
Sera-t-il Cour, sera-t-il Fronde?
Je n'en sais rien foi de normand
Et si je disais autrement
Mon audace serait extrême,
Car il ne le sait pas lui-même.
laires irritèrent Anne d'Autriche jusqu'à l'exaspération aussi Loret écrivait-il
Sa Majesté pour être saine
Prend assez souvent medeceine
Mais on la fàche tout de bon
Quand on lui parle de Bouillon.
II est à remarquer que malgré le genre burlesque adopté par Loret, il ne se laissa point aller sur la pente si facile des peintures licencieuses ou graveleuses. Généralement sa muse est chaste, et si quelques expressions libres ou hasardées se rencontrent sous sa plume il faut les attribuer à la crudité du langage d'alors qui s'exprimait avec une sorte de liberté que la délicatesse de nos mœurs n'admettrait pas aujourd'hui.
Cette réserve était d'autant plus honorable que la guerre de la Fronde signalée par tant d'amoureuses intrigues, avait fait éclore les poésies les plus cyniques. On imprimait et on rimait tour dans ce tems là dit Tallemant des Réaux. Les Mazarinades offrent ce que la licence la plus déhontée peut enfanter de peintures lubriques. Ce n'est qu'avec le plus extrême dégoût qu'on peut parcourir dans les mémoires secrets du temps ces obscénités qui se lisaient cependant alors dans les salons et se chantaient dans les rues. Vaudevilles, pamphlets, épigrammes, tricotets libelles infâmes, chansons, où la nudité des images le disputait seule à la grossièreté des expressions tels étaient les armes avec lesquels se combattaient le parlement et la cour. Il faut savoir gré à Loret de
n'avoir pas pollué sa plume dans ces obscènes poésies, auxquelles ni le temps ni la mort des principaux champions de la guerre civile n'imposèrent silence. On ne se bornait point au surplus à cette guerre de plume. Des gravures satiriques des placards injurieux affichés sur les murs offraient un autre aliment à la malignité publique. A l'occaston d'une de ces illustrations qui avait représenté le cardinal Mazarin en rochet et en camail, la corde au cou, Loret faisait la réflexion suivante
Les opinions politiques de Loret étaient toutes dévouées au jeune roi. Même avant d'être pensionné par Mazarin il exprimait constamment ses sympathies pour la cour et pour le cardinal. Ce n'est pas cependant qu'il approuve indistinctement toutes les mesures adoptées par eux. Rarement il les combat, mais souvent il les blâme avec une sorte d'indépendance. L'un des événements les plus graves de la Fronde a été l'arrestation du prince de Condé le 18 janvier 1650. Attirés au Louvre, sous prétexte d'assister à un conseil Condé, son frère le prince de Conti et son beau-frère le duc de Longueville, fusent tous les trois, sans égard pour leurs rangs et leurs dignités, livrés à des gendarmes et à des chevau-légers et con-
Jeudi la nuit plusieurs badauds
Attachèrent à six poteaux
En assez indigne posture
Du Cardinal la pourtraiture.
Cet acte et son impunité
Témoignent bien en vérité
Un règne impuissant et débile.
duits en secret à Vincennes. Cet attentat à la liberté du vainqueur de Lenz et de Rocroi répandit une vive agitation dans les esprits. Quels que fussent ses torts son nom et sa gloire semblaient devoir l'absoudre. Déplorable arrestation puisqu'allumant dans le cœur du grand homme des désirs de vengeance, elle arma son bras contre son roi et son pays, le jeta dans les rangs des armées étrangères, et procura à Turenne l'immortel honneur de le combattre et de le vaincre Quoique dans les troubles civils la pitié soit quelquefois imputée à crime, Loret n'hésita pas à exprimer des vœux en faveur des prisonniers, dans ces vers où l'on aime à retrouver les sentiments d'un bon français
La princesse de Longueville
Autre requête fort civile
Audit Parlement présenta
Qu'avec respect on écouta
Touchant la prison et misère
De son illustre et sage frère.
Plaise à Dieu d'inspirer si bien
Les vrais français et gens de bien
Qu'ils fassent cesser la souffrance
Des trois Princes et de la France,
Et que les Espagnols maudits
Que nos maux rendent ébaudits
Et contre nous bien plus alertes
Ne triomphent plus de nos pertes
Ces gens-là n'ont barre sur nous
Que d'autant que nous sommes fous.
Accordons-nous, demeurons sages,
Apaisons nos civiles rages,
On les verra bien ébahis
Retourner vite en leur pays,
Plus tard le Cardinal ayant craint ou plutôt feignant de craindre que les Espagnols ne vinssent à Vincennes enlever les Princes les fit transférer au château de Marcoussis qu'il considérait comme plus à l'abri de toute invasion. Cette translation est annoncée en ces termes
Les rigueurs de la cour ne s'étaient pas adressées seulement au prince de Condé et à ses frères. La duchesse douairière, leur mère, fut reléguée à Chantilly, malgré l'attachement personnel que lui avait voué la reine en échange des témoignages multipliés de respect et d'amitié qu'elle en avait reçus mais la raison d'état impose silence aux affections du cœur. Cette mère désolée succomba pendant la captivité de ses fils. Loret en rendant compte de ses funérailles, trouve encore l'occasion de faire preuve de coeur et de sensibilité.
De crainte que sur nos frontières
On ne leur taille des croupières.
Ce jour on a pris l'occasion
De faire la translation
Mais très cachée et très soudaine
Des trois prisonniers de Vincenne.
Plaise à la divine bonté
Que la dure captivité
Par eux constamment endurée
Ne soit pas de longue durée
Je viens d'apprendre en ce moment
( Dont je suis triste infiniment)
Qu'enfin Madame la Douairière
Du jour a perdu la lumière,
( C'est la Douairière de Condé )
Et qu'à la Reine on l'a mandé.
Sans doute que cette nouvelle
Vous semblera dure et cruelle.
Jeudi le soir dans une bière
Le corps de l'illustre Douairière
D'un deuil lugubre accompagné
Où l'on n'avait rien épargné
Fut transporté des Jésuites
Au grand couvent des Carmélites.
En ce convoi sombre et fatal
Plus de cent flambeaux à cheval
Eclairaient la pompe funèbre
De cette dame très-célèbre
Qui tous les cœurs attendrissait
Par où le triste char passait.
Les Grands et Grandes de la ville
Au nombre de deux ou trois mille
Avaient été vêtus en deuil
Rendre visite à son cercueil.
Le peuple avec un zèle extrême
En avait aussi fait de même
Et moi qui ne suis presque rien
Mais toutes fois un peu chrétien,
J'allai dire comme les autres
En ce saint lieu mes patenôtres,
Et là tel deuil vint m'assaillir
Que mon cœur pensa défaillir,
Car j'honorais cette princesse
Puis je suis sujet à tendresse
Et j'en ai toute ma vie eu
Pour les personnes de vertu.
La citation de ces vers trouvera dans cet événement, l'un des faits les plus graves de la Fronde, l'excuse de sa longueur. D'ailleurs il est si rare dans les troubles civils que le vaincu rencontre compassion et gé-
nérosité dans les rangs des vainqueurs que l'esprit se repose avec joie sur un acte de justice et de loyauté. Loret, du reste, a raison de le dire, il était sujet à tendresse, et sa sensibilité s'exprime souvent d'une manière touchante. Ces vers sur la mort prétendue de Marion de Lorme, cette célèbre courtisanne dont le malheureux Cinq-Mars avait été l'un des premiers amants, en fournissent la preuve
Le poëte n'était point dans la confidence de la courtisanne. Sa mort était feinte Effrayée des nombreuses arrestations de chaque jour, elle était partie le jour même de son prétendu convoi pour l'Angleterre, y épousa un riche seigneur, devint veuve et revint plus tard en France avec une belle fortune. Après mille aventures, elle expira dans l'indigence, à un âge fort avancé que quelques écrivains portent jusqu'à 134 ans.
Malgré le ton généralement respectueux de ses lettres, Loret affecte quelquefois des formes libres et dégagées. Est-ce une licence que le style burlesque excusait? Est-ce une variété à laquelle il avait recours pour jeter quelque diversité dans les nombreuses épitres auxquelles sa muse était obligée? Quel-
La pauvre Marion de Lorme
De si rare et plaisante forme
A laissé ravir au tombeau
Son corps si charmant et si beau.
Quand la mort avec sa faucille
Assassine une belle fille,
J'en ai toujours de la douleur
Et tiens cela pour grand malheur.
ques-unes se font remarquer par une certaine finesse dans la louange. Nous n'en citerons qu'un exemple pour ne pas trop prolonger nos citations.
La petite vérole,
Ce fâcheux mal
Qui court de l'un à l'autre pôle
Et qui des teints les plus jolis
Gâte les roses et les lys
sévissait cruellement dans Paris.
Il s'en inquiète pour la princesse de Longueville et lui écrit en ces termes
Dieu veuille aussi, sage princesse
Vous garder de telle détresse,
Et que ce mal contagieux
Qui respecte à peine les yeux
Ne gâte point votre visage
Car certes ce serait dommage
S'il avait tant soit peu gâté
Sa blancheur et sa pureté.
Les graces et vertus ensemble
Paraissent bien mieux, ce me semble.
Ce sont d'agréables trésors
Que ceux de l'esprit et du corps.
Ceux de fortune et de naissance
Sont aussi de grande importance.
Par un rare bienfait des cieux
Ces quatre trésors précieux
Sont compris dans votre héritage,
Et vous sont échus en partage.
Pour rendre vos désirs contents
Les puissiez-vous garder longtemps
Avec une santé parfaite!
C'est ce qu'il faut que je souhaite
Et ce d'autant plus ardemment
Que je suis effectivement
De votre altesse débonnaire
Le très-humble pensionnaire.
Chacune des lettres de Loret porte une date exprimée par une formule en vers. Cette formule ne contient jamais plus de deux vers et elle est presque toujours triviale et de mauvais goût. Nous en citerons quelques-uns
Les diverses citations qui précèdent suffisent pour bien faire connaître le genre de poésies de cet auteur. Il ne faut point les juger du point de vue scrupuleusement littéraire. N'oublions pas que Loret écrivait au commencement du règne de Louis XIV, avant que la langue française ne fût encore bien formée. Il avait devancé Racine et Boileau. Sans être élevé son style est généralement correct, et d'ailleurs le but qu'il se proposait et le genre qu'il avait adopté n'exigeaient pas de la haute poésie. Du naturel, de la simplicité, de la variété, le tout rehaussé par quelques rimes heureuses, voilà ce qu'il fallait pour donner à ses vers l'empreinte des sujets qu'il traitait. On trouve tout cela dans ses lettres tout à la fois piquantes et véridiques. Les grands mariages, les enterrements, les intrigues de ruelle et de salon les événements politiques, les nouvelles étrangères, les propos de la ville, les mille accidents dont se composait la lutte animée des partis, y sont racontés avec un ton de
J'ai fait ces vers tout d'une haleine
Le jour d'après la Madeleine.
Fait à dix heures du matin
Le quatrième du mois de juin.
Par moi Normand et non Lorrain
Le jour de St-Jean mon parrain.
vérité qui fait encore aujourd'hui de la chronique en vers de Loret l'un des monuments les pins utiles à consulter sur cette curieuse période du xvne siècle. La vogue qui s'attacha à ces lettres engendra des faussaires. On vit paraître sous son nom des gazettes burlesques qui lui étaient étrangères. Il prit alors la résolution de réunir les siennes en un seul volume qu'il publia sous le titre un peu ambitieux de La muse historique, ou recueil de lettres écrites en vers à S. A. R. M"" la princesse de Longueville, par Loret. Il dédia ce recueil au roi, et cette dédicace n'est pas ce qu'il y a de moins curieux dans ses œuvres. Elle justifie trop bien ce mot de l'auteur du roman bourgeois, le premier inventeur des dédicaces était un mendiant, pour que l'on n'en donne point ici un extrait, ne fût-ce que pour faire connaître à quel degré d'exagération peut conduire le besoin d'aduler la puissance.
c( Je ne prétends point Sire, composer ici votre » panégyrique. Ce dessein serait trop au-dessus de J) mes forces, et quatre cents esprits faits comme le » mien n'y réussiraient qu'à peine. Je ne saurais M m'empêcher toutes fois de dire en passant 'un peu » de bien de V. M., mais, Sire, quand je dirai que » vous avez de la piété pour les autels de l'amour » pour la vertu, de l'inclination aux armes, une proJ) pension naturelle à la justice, et de la tendresse » pour votre état; quand je dirais que vous êtes ad» mirablement bien fait, galant, adroit, bon, civil, J) prudent, généreux et modeste, il me semble, Sire,
» que tous ces attributs ne sont encore qu'une im» parfaite peinture de votre personne Royale, et cer» tes je ne serais pas satisfait quand même j'y ajou» terais que vous êtes le bonheur de la France, la » merveille des rois, le favori du ciel et l'admiration » des peuples.» Et cependant Louis XIV, quand on lui adressait de pareilles louanges avait à peine dix-huit ans ('), et était loin d'avoir encore ébloui le monde par la gloire de ses armes et la magnitlcence de sa cour!
Loret avait, malheureusement pour lui, la passion ruineuse du jeu. Il en fait l'aveu dans plusieurs de ses lettres
Cette passion qui souvent le laissait sans ressources rendait nécessaire qu'il demandât à sa muse l'argent dont ses goûts de dissipation lui faisaient un besoin. De là l'exagération de quelques-uns de ses éloges, le soin avec lequel il dissimule ou explique certaines fautes, le grand nombre de récits indifférents ou sans portée qu'il se donne la peine de versifier les mariages qu'il annonce les épitaphes qu'il ^compose. Tout cela était un moyen de battre monnaie. Aussi (*) Lel" volume des oeuvres de Loret fut imprimé en 1656. Louis XIV naquit le 16 septembre 1638.
Hier par une male chance
Je perdis au jeu ma finance.
Et ailleurs
J'ai joué durant deux nuitées
Jusques à quatre heures comptées.
Ah! j'avoue ici que j'ai tort.
Scarron disait en parlant de lui
Loret écrit pour qui lui donne.
S'il recevait un salaire pour distribuer la louange on n'accusera point cependant sa plume de se vendre à la haine ou à la méchanceté. Quelquefois caustiques, ses personnalités sont rarement insultantes, et on lui trouve en le lisant un fonds de bonté plutôt que de malice.
Sans doute il blessa plus d'un amour-propre. Il n'attribua point à certains personnages toute l'importance qu'ils auraient voulu avoir. Il reçut plus d'une fois des réprimandes et des leçons. Il ne s'en vengea point par des épigrammes. On croirait même qu'il en profitait pour être plus réservé.
Des âmes du suprême étage
Ont désapprouvé mon langage,
Dorénavant je me résous
Touchant les matières gaillardes
De me tenir plus sur mes gardes.
La fortune l'avait rencontré d'assez bonne heure. La princesse de Longueville lui faisait une pension de 350 livres, outre le logement qu'elle lui avait accordé. Le cardinal Mazarin, voulant récompenser la fidélité qu'il avait montrée à la cause royale pendant la Fronde, lui avait fait une pension de 200 écus. Il craignit de l'avoir perdue par la mort du cardinal, et s'en plaint en ces termes
Par cette mort que je lamente
Je perds 200 écus de rente
Qui furent pour mon entretien
Mon plus clair et solide bien,
Heureusement pour Loret ses craintes étaient imaginaires. Mazarin protecteur généreux des lettres audelà même du tombeau, avait par son testament converti cette pension en une rente viagère qui fut continuée à Loret jusqu'à sa mort.
Le sur-intendant Fouquet lui fit aussi une pension de 200 écus. Ce millionnaire aimable et scandaleux qui exerçait la royauté de l'or, rehaussée par le prestige du talent, qui rival insensé de son roi voulait l'éclipser par son luxe et sa dépense, fut à son tour et malgré sa superbe devise quô non ascendam renversé du faîte du pouvoir. La disgrâce du ministre entraîna la suppression de la pension de Loret; mais elle ne fit point un ingrat. Loret exprima publiquement ses regrets sur le sort de son bienfaiteur dans la lettre qu'il publia le 10 septembre 1661 et cet acte de courage lui valut un témoignage de gratitude qui honore non moins le ministre disgracié que le poëte reconnaissant. Ménage nous apprend que Fouquet fut vivement touché de la conduite de Loret, et que quoique privé de toutes choses, il fit prier Mlle de Scudéry d'envoyer secrètement à Loret 1,500 livres. Celui-ci ne voulut point les recevoir; l'intermédiaire choisi pour cet acte de générosité fut obligé de recourir à une sorte de fraude en laissant la bourse qui contenait cette somme dans l'appartement de Lo-
Et que cette sage Eminence
M'avait donné pour récompense
D'avoir constamment persisté
D'être toujours du bon côté.
ret, et sans que celui-ci s'en aperçût.
A ces pensions Loret joignait les rétributions particulières qui lui étaient faites en récompense de ses vers, et quelquefois pour prix de son silence. La nièce du cardinal, Marie de Mancini, lui avait envoyé de beaux louis d'or qu'il a l'air de se défendre d'accepter: Puisque votre oncle débonnaire
Dont je suis le pensionnaire
Depuis quatre ou cinq ans passés
M'a déjà fait du bien assez.
Malgré ces pensions et le prix qu'il retirait de ses vers, il paraît que Loret était devenu pauvre pendant les dernières années de sa vie. Il éprouva une grande douleur, qu'il exhale souvent dans ses dernières lettres, de n'avoir point été compris sur la liste des gens de lettres pensionnés par le roi. Colbert avait oublié son nom; Loret s'en plaint amèrement, et s'étonne que d'autres auteurs qui n'avaient point fait autant que lui pour la gloire de Louis XIV eussent obtenu la préférence
Car si c'était pour à jamais
Faire éterniser de beaux faits
J'en connais tel qui, ce me semble,
A plus écrit qu'eux tous ensemble
De ses augustes actions.
Frappé d'appoplexie dans le cours de l'année 1663, Loret ne fit plus que décliner. Cependant il ne cessa pas d'écrire
Je me sens dans le coeur frappé
Me voilà sans doute attrapé,
Ecrivait-il le 20 décembre 1664.
Mais en général il fut aimé de ses contemporains, malgré sa verve souvent piquante.
Quelques biographes ont pensé qu'il n'avait point publié de vers depuis cette époque. Mais on lit entr'autres dans les notes de l'intéressant ouvrage de M. le comte Delaborde sur le palais de Mazarin, une lettre qui prouve que Loret écrivit encore le 28 mars 1665.
Le vingt-huit mars j'ai fait ces vers
Souffrant cinq ou six maux divers.
Et quand dans peu l'on devrait dire
Loret est mort pour trop écrire,
Les vers l'ont mis au trébuchet,
Je vais hasarder le paquet.
Dans cette lettre mélancolique, Loret fait appel aux personnes de qui il recevait une pension
La somme que je vous demande
Comme vous savez n'est pas grande
Et pouvez bien me l'envoyer
Jusques au coin de mon foyer.
Mes maux ne me permettent pas
De quitter mes tisons d'un pas.
Il survécut peu de jours à cette lettre, et mourut dans le mois de mai suivant.
Il ne paraît point que Loret eût suscité contre lui aucuns ennemis parmi les poëtes ses rivaux. Cependant Saint-Germain, auteur de poésies du même genre le plaint de ce qu'
II est vrai qu'un auteur de Bâle
L'ait voulu noircir de son encre.
ScarrorT dont il obscurcissait la renommée et qui avait fait aussi paraître des publications périodiques en vers loin de s'en trouver blessé lui rend hommage en ces termes
Pour moi je serai ponctuel
En ce commerce mutuel
Comme est Loret dans ses gazettes
Plaisantes autant que bien faites
Dont l'aimable diversité
Témoigne la fécondité.
Il est vrai que Loret ne restait point en retard de politesse envers Scarron car dans la préface de la muse historique, il le cite comme un agréable et divertissant génie qui certainement mérile d'être appelé l'Apollon des français dans ce genre d'écrire. Le poëte Colletet, si maltraité par Boileau avec tant de justice et si peu de générosité, avait adressé à Loret ce sonnet louangeur
Grâce à ta muse estimée
Des peuples de tout l'univers,
Les ailes de la renommée
Ne volent pas si loin que celles de tes vers.
Poussant plus loin la fadeur des louanges, un autre poëte le comparait à l'auteur de l'Art d'aimer, et dans ce parallèle il allait jusqu'à dire
Le premier fut lascif, débitant la science,
L'autre est sage et discret,
Et je crois que voilà toute la différence
D'entre Ovide et Loret.
On trouve plus de sévérité dans le jugement qu'en porte l'historien Anquetil tout en rendant hommage à la sùreté de ses dates et à ses historiettes passable~ment rimées (').
(') Anquetil.-Iotti* XIV, sa cour et le Régent.-Notes.
M. le comte de Laborde, l'un de nos historiens les plus consciencieux lui rend justice. « Sous » le rapport des informations et de la peinture des » mœurs, dit-il, le mérite de Loret est incontestable. » Le mérite littéraire ne lui sera pas aussi facilement » concédé, mais je crois que personne ne lui refu» sera au moins la facilité, la fécondité et le na» turel (s).
Le portrait de Loret a été gravé par Nanteuil et par Michel Lasne, un de ses compatriotes, né à Caen l'un des graveurs habiles de son temps, mais auquel on reproche un peu de sécheresse. Ce portrait orne le premier volume des œuvres de Loret. Audessous on lit cette épigraphe
C'est ici de Loret la belle ou laide image,
Bien ou mal dans la France il eut quelque renom
Et lecteur et lectrice en lisant son ouvrage
Jugeront s'il avait un peu d'esprit ou non.
Loret à son heure dernière s'était choisi un successeur auquel il voulait léguer son héritage littéraire. Ce successeur désigné, Ch. Robinet, nous l'annonce ainsi D'ailleurs avant son heure extrême
Par un soin digne de lui-même
Voulant avoir un successeur
Qui pût lui faire quelqne honneur
Il en fit avec diligence
Recevoir un en survivance.
Cet héritage fut disputé à Robinet par de nombreux imitateurs tentés par l'apparente facilité de ce genre de poésie.
(') Le comte de Laborde.-Palais Mazarin.-fio\es.
Mais chaque chose n'a qu'un temps. Les vers burlesques avaient fait le leur. Les successeurs de Loret ne conservèrent pas longtemps la vogue dont avait joui leur devancier. Malgré les efforts non-seulement de Robinet, mais de Subligny et de quelques autres, la lacune que laissa Loret dans ce genre de journalisme politique et littéraire ne fut pas comblée. Cette esquisse biographique sur un poëte presqu'ignoré paraitra sans doute bien longue mais d'un côté, il y avait nécessité de le faire connaître par d'assez nombreuses citations, puisque ce n'est que par ses vers qu'un poëte peut être apprécié; et d'un autre, quelque modeste que soit la part qui puisse lui revenir dans la gloire littéraire du siècle de LouisXIV, le nom d'un des premiers journalistes et d'un journaliste en vers devait être à notre époque surtout, relevé de l'oubli où le temps l'avait fait tomber. Il y avait, ce nous semble, tout à la fois justice et patriotisme à revendiquer pour notre Basse-Normandie pour la ville de Carentan, l'honneur d'avoir donné le jour à l'un des rimeurs les plus féconds et les plus originaux de son époque, à l'auteur de la Gazette en vers, sœur contemporaine de la Gazette de France cette mère de tous les journaux français, mère Gigogne, dit un auteur spirituel (') digne par sa persévérance d'avoir enfanté une si nombreuse postérité. (') Le comte de Laborde.-Palais Mazarin.-îioles.
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ÉTUDE
BIBLIOGRAPHIQUE ET LITTERAIRE SUR ALAIN CHARTIER,
PIE
M. 6. JUAHTCEIi,
Conservateur de la Bibliothèque de Caen, membre correspondant de la Société.
« Le sujet de ce chapitre sera de maistre Alain » Chartier, autheur non de petite marque; soit que » nous considérions en luy la bonne raison de paroles » et de mots exquis, soit que nous nous arrestions à » la gravité des sentences. Grand poëte de son temps, » et encore plus grand orateur.»
C'est ainsi qu'Etienne Pasquier commence dans son cinquième livre des Recherches sur la France le dixhuitième chapitre qu'il a consacré en' entier à Alain Chartier. Plus loin il déclare « qu'il ne le peut mieux comparer qu'à l'ancien Sénèque romain.»
Avant Pasquier, Octavien de Saint-Gelais avait dit dans le Séjour d'honneur
< C'estait feu maistre Alain Chartier
Doux en ses faicts, et plain de rhetorique
Clerc excellent, orateur magnifique
,là A
Comme l'on peut par ses dicts tesmoigner,
Art si tres bien l'apprint à besongner,
Qu'oncques Vulcan mieux n'ouvra sur l'enclume,
Que cestuy fist de papier et de plume.» 8
Clément Marot lui avait aussi consacré quelques vers fort élogieux, dans son épigramme ccxxiti, adressée à Salel sur les poëtes français.
< En maistre Alain Normendie prend gloire. >
Dans sa xvie élégie
J'ai leu Alain le très-noble orateur,
Et ailleurs
Le bien dysant en rime et prose Alain.
Pierre Fabri, dans le second livre du Vrai art de pleine rhétorique, fait à son égard ce que Quintilien a fait à l'égard de Virgile et des autres grands poëtes du siècle d'Auguste, qu'il proposait pour modèle. Il le cite pour exemple à la jeunesse u curieuse de la poésie française.»
Il reçut encore de ses contemporains les titres « d'excellent orateur, de noble poëte, de renommé rhétoricien, et de père de l'éloquence française.» On raconte même que la reine Marguerite d'Ecosse quelque temps après son mariage avec Louis XI, alors dauphin de France, traversant une salle où dormait Alain, s'approcha de lui et lui donna un baiser; les personnes de sa suite, composée de dames et de grands seigneurs, s'étonnaient que la princesse accordât une pareille faveur à l'homme le plus laid de son siècle, car « pour dire le vray, nature avait enchassé en lui
un bel esprit dans un corps de mauvaise grace et mal proportionné dans ses membres » elle leur répondit cc je n'ai pas baisé l'homme, mais la bouche de laquelle sont issuz tant de mots dorés d'excellents propos, de matières graves et paroles élégantes (') ». Cette anecdote répétée dans toutes les chroniques, reproduite par la poésie et la peinture () choisie par (') Jean Bouchet, Annales d'Aquitaine. – Pasquier.– Goujet, biblioth. fr. T. 9. p. 155.-Auguis, Poètes fr. T. 2, p. 177. (*) La poésie s'est surtout emparée de ce thème; il est naturel qu'un tel hommage ayant été rendu à un poëte, tous les autres poëtes en aient été flattés. A l'occasion du soufflet donné à Santeuil par la duchesse de Bourbon pour le punir de ne pas avoir fait de vers à sa louange, une foule de pièces latines furent écrites par le chanoine de St-Victor, par ses amis et ses ennemis; et dans toutes Santeuil fut comparé à Chartier. Au xvme siècle d'autres écrivains prirent aussi pour sujet le baiser de Marguerite. Nos contemporains ne l'ont pas non plus dédaigné. Nous sommes heureux de pouvoir citer ici un délicieux sonnet inédit de notre collègue et ami Alph. Le Flaguais
Poëte dont la bouche obtint un prix si doux,
Heureux Alain Chartier, lauréat que j'envie,
Ah combien ton destin dut faire de jaloux?
Combien pour un tel prix auraient donné leur vie ? 1
Quand des grands de sa cour une reine suivie
Te donnait un baiser, le donnait devant tous,
Dans un rêve charmant Ion âme fut ravie.
Ce souvenir encore est glorieux pour nous.
Noble et chaste faveur, baiser de l'âme à l'âme,
Sublime expression d'une céleste flamme,
Plus pénétrante au cœur qu'une autre volupté
Alain, tu fus heureux mais aussi Marguerite
Possède un nom vivant que ta mémoire abrite y
Et vons été» unis dans la postérité.
Fontenelle pour sujet du dialogue dans lequel il a le plus mis, peut-être de son esprit sceptique et railleur, fait seule, a présent, tonte la réputation de maître Alain Chartier; sans elle il serait complétement ignoré. Dès la fin du xvi" siècle, on semblait avoir perdu jusqu'au souvenir de ses œuvres; et l'édition qu'en donna André Duchesne en 1617, ainsi que les opinions émises par quelques hommes distingués (') le remirent si peu en lumière que Boileau ne l'a pas même nommé dans son Art poétique, publié à peine cinquante ans après. Le dédaigneux critique a réservé à Villon l'honneur
D'avoir su le premier dans ces siècles grossiers
Débrouiller l'art confus de nos vieux romanciers.
Il est vrai qu'il a confondu dans le même oubli injurieux le gracieux et original Charles d'Orléans c'est laisser notre auteur en assez bonne compagnie. Aujourd'hui, au moment où nos philologues viennent de ressusciter tant d'écrivains moins méritants que lui qui connaît Alain Chartier? Qui pourrait en citer une strophe ou un passage? Nous nous trompons, tous les écoliers savent par cœur un quatrain qu'on lui attribue et qui suffirait avec une ou deux autres pièces (') Moisant de Brieux, recueil de pièces en prose et en vers, Caen, J. Cavelier, 1671, p. 116, 117. – Moisant préférait Alain Chartier à Ronsard; il dit dans sa troisième lettre à mademoiselle de la Luzerne ( Antiquaille pour antiquaille, et fadaises pour fa> daises j'aymerais mieux les fadaises plaisantes de maitre Alain, queles doctes fadaises de Ronsard, et je m'accommoderois mieux i de la toque, du pantalon et du tambour de basque du poëte > Normand, que je ne ferais pas du heaume, de la brigandine, du > gorgeris, et delà bussine du poëte Yandomois.» »
pour le rendre ridicule, s'il n'était prouvé qu'il faut reléguer ces quatre vers parmi les morceaux que Clément Marot a signalés comme indignes de lui, comme évidemment supposés.
Quand un cordier cordant veut corder une corde,
Pour sa corde corder trois cordons il accorde;
Mais si l'un des cordons de la corde décorde,
Le cordon décordant fait'décorder la corde (').
(') Epitre à Estienne Dolet, en date du 31 juillet, 1538.-Duchesne qui a donné le recueil le plus complet des œuvres de Chartier, et qui y a même admis celles qui lui sont faussement attribuées, en a repoussé ce pitoyable jeu de mots. On ne le trouve que dans les éditions du xvie siècle, où on le donne pour un rondeau et sous cette forme
Quant ung cordier cordant
Veult corder une corde,
En cordant trois cordons
En une corde acorde .1
Et se l'ung des cordons
De la corde descorde
Le cordon descordant
Fait descorder la corde.
C'est au reste un fait digne de remarque que les vieux auteurs français en recherchant l'allitération n'aient fait qu'imiter en cela les vieux auteurs latins. Nous pourrions en citer mille exemples. Sans descendre jusqu'à Plaute, on se souvient de ces vers attribués à Ennius, par Aulu-Gelle
Nam quei lepide postulat alterum frustra™
Quem frustratur; frustra eum dicit, frustra esse
Nam sese frustrari, quem frustra sentit,
Qui frustratur, is frustra est, si non ille est frustra.
c Celui qui en riant cherche à tromper quelqu'un, se trompe en » > disant qu'il l'a trompé; car si celui-ci s'aperçoit qu'on le trompe, il trompe à son tour le trompeur, à moins qu'il ne soit dupe de » la tromperie.»
La littératuregrecque n'offre guère d'exemples d'allitération qu'à
D'où vient donc qu'un écrivain aussi vanté pas ses contemporains, d'un talent aussi incontestable à leurs yeux, s'est tout à coup effacé, et, en mourant, a emporté sa renommée tout entière avec lui ? Ce problême est difficile à résoudre; nous croyons cependant en entrevoir la solution. Au moyen âge ce n'est pas le génie lyrique qui domine dans les lettres. Dans les vieux romans, c'est la satire, c'est l'esprit naïf qui nous font tant nous complaire, nous autres modernes, à la lecture de Guillaume de Lorris et de Jean de Meung; dans les livres en prose, c'est une science que nous trouvons pédantesque et guindée, mais qui chez nos aïeux remplaçait la profondeur et le goût. Ils n'auraient pas admis un raisonnement qui ne se fût appuyé de quelque souvenir antique ou tout au moins de quelque citation. Alain Chartier possédait ce genre de science à un haut degré. Dans ses ouvrages, s'il ne fournit pas d'exemples tirés de l'un ou de l'autre des deux Testaments, il en va chercher chez les Grecs ou les Romains; si les préceptes de la Bible viennent à lui faire défaut il a recours à Aristote ou à Cicéron. Sous ce rapport il dut plaire à la grande majorité de ses lecteurs. Pour ceux qui étaient doués d'un meilleur sens -probablement il s'en trouva bien peu, -ils durent lui savoir gré d'apporter dans sa prose plus de délicatesse plus d'harmonie que ne l'avaient fait ses dévanciers, et surtout l'époque de sa décadence. Les latins et les français imitaient, et les littérateurs d'imitation commencent toujours par s'exercer sur les puérilités.
un langage plus épuré, des sons plus adoucis, des constructions plus régulières dans sa poésie plus de régularité aussi de la facilité, une certaine verve et plusieurs formes nouvelles. On croit, en effet communément qu'il inventa les vers à rimes redoublées, faussement attribués à Chapelle et le rondeau à petit refrain de mots ou déclinatif.
Mais ce qui, nous le pensons du moins, aida le plus à la célébrité d'Alain Chartier, ce fut son patriotisme. Il était venu au monde dans des temps désastreux, à l'époque même des luttes de l'Angleterre contre la France. A l'instant où il commença à écrire notre malheureux pays n'avait plus de gouvernement; le roi Charles VI était fou le clergé et les grands seigneurs, mus par de criminelles espérances favorisaient [l'invasion de Henri V. La partie saine de la nation, c'està-dire le peuple et la bourgeoisie, était seule restée fidèle aux anciennes traditions; elle ne pouvait voir un Anglais trôner dans Paris et y déployer les signes de la souveraine puissance. Chez elle seule, on trouvait encore des hommes qui exposaient leur fortune et leur vie, et qui préféraient les souffranccs inouïes d'une lutte inégale à l'humiliation du joug de l'étranger. L'arrogance excessive du vainqueur maintenait d'ailleuljt! cet état des esprits; et la Normandie, la première province envahie, avait aussi été la première à subir les exactions de ceux qui s'appelaient insolemment les souverains dominateurs du pays. Maître Alain, en sa triple qualité de bourgeois, de Normand et de poëte, supporta plus impatiemment que tout
autre les malheurs de la patrie. Ces malheurs furent la source de ses meilleures inspirations. M. Michelet, dans son admirable livre, a comparé Charles d'Orléans à Béranger ('); Alain Chartier mériterait peut-êlre à plus juste titre, quoique de fort loin assurément, d'être mis en parallèle avec l'auteur des Messéniennes. Il n'a pas son mérite, il n'a pas su pureté; mais il a le même enthousiasme, la même foi dans l'avenir, la mémehaîne des discordes civiles. Comme lui il répète sans cesse
Nous devons tous nos maux à ces divisions
Que nourrit notre intolérance,
Il est temps d'immoler au bonheur de la France
Cet orgueil ombrageux de nos opinions
Etouffons le flambeau des guerres intestines (*)
Dieux quelz maux et quelz dommages
Quelz meschiefz et quelz oultrages,
Quelz pillages
Sont venuz par vos debatz (!).
A l'expression près c'est la même idée.
Et il ne se contente pas de manifester sa pensée en vers; il la-dit encore en prose il gourmande la noblesse sur son peu de courage, le clergé sur son ambition, le peuple sur sa défiance; et quand la France s'est relevée,, il reprend la plume pour prêcher la paix à tous ou pour leur tracer des règles de conduite. Commencée avec de semblables éléments, la répu(<) Histoire de France, t. IV, p. 322.
(J) Première Messénienne.
(') Lay de paix.
tation d'Alain Chartier s'accrut en même temps que la fortune de Charles VII. Les Anglais allaient être expulsés, et conséquement elle parvenait à son apogée quand Marguerite Stuart, la belle-fille du roi vint y mettre le comble en lui donnant le baiser fameux qui fait actuellement son unique titre au souvenir de la postérité.
Maintenant il est facile de retrouver les causes de la décadence de cette réputation. La langue d'Alain Chartier, la langue qu'il avait contribué à former, devint bientôt celle de Marot et d'Amyot, celle de Rabelais et de Montaigne rudes jouteurs les deux derniers principalement, comme lui pleins d'érudition, qui aimèrent comme lui les exemples et les citations, mais qui, de plus que lui, surent s'approprier leurs sujets, être neufs et inventifs, tout en empruntant à l'antiquité. Il faut joindre à cela la découverte de l'imprimerie et la Renaissance. En ravivant l'étude des classiques latins et grecs, elles firent prendre en mépris tous nos vieux écrivains on confondit dès-lors ceux-ci sous l'outrageante dénomination de Gaulois. Quant à ces sentiments de bon citoyen dont avait fait preuve Alain Chartier, bien que formulés en maximes, ils n'étaient pas de nature à être longtemps appréciés. Que pouvaient signifier ses tirades craintives contre l'orgueil des grands, lorsque Louis XI l'abaissait par tant de moyens violents, les cachots, les cages de fer, l'échafaud? Plus tard quel fut le poids de ses satires sans fiel contre le clergé, auprès des prédications de Luther, de Calvin, de Théodore de Bèze?
Qu'eussent fait son Lay de paix et toutes ses belles phrases contre les dissensions intestines perdus au milieu des guerres de religion, devant les massacres des catholiques par les protestants en 1562, devant l'atroce revanche prise par les catholiques à la SaintBarthélemy?
Alain Chartier, Charretier ou Carretier, dont on a ainsi latinisé le nom Aurigâ, comme il se nomme lui-même, ou quadrigarius, naquit à Bayeux vers la fin du xive siècle, dans une maison qui subsiste encore à l'angle des rues St-André et du Goulet ('). La plupart des biographes, se fondant sur une histoire du roi Charles VII, que plusieurs manuscrits presque contemporains lui attribuaient (') et dont l'auteur annonce à son début qu'il la commença en 1402, à l'âge de seize ans, ont fixé la date de sa naissance à l'année 1386. Mais rien n'est moins prouvé que cette date. Le père Lelong et Duchesne lui-même, qui avait fait figurer cette histoire en tête des œuvres de Chartier, ont reconnu qu'elle était de Gilles Bouvier dit Berry, premier hérault d'armes de Charles VII (3). Comment maitre Alain arriva-t-il à la cour? on l'ignore. Tout ce qu'on sait c'est qu'il était fils de Jehan Chartier, qu'il fit ses études à l'Université de Paris, (•) Une inscription constatant qu'Alain Chartier et ses deux frères sont nés dans cette maison y a été placée en 1842, par les soins de la Société académique de Bayeux et aux frais de l'estimable M. Lair, conseiller de préfecture.
(*) Entr'autres un manuscrit de la bibliothèque du président de Thou, dont Duchesne s'est servi pour son édition.
(") Bibliothèque française, n°_ 17270.
fut clerc, notaire et secrétaire des deux rois sous lesquels il vécut, fut chargé par le premier de plusieurs ambassades auprès des souverains du Nord ('), ce qui le fait supposer moins jeune qu'on ne l'a cru, et qu'il fut honoré des titres d'archidiacre de Paris (s) et de conseiller au parlement.
Ce fut par des poésies légères qu'il commença à se faire connaître; il le dit positivement dans un de ses écrits sérieux (').
Je souloye ma jeunesse acquitter
A joyeuses écritures dicter.
Au nombre de ces joyeuses écritures se trouvaient à n'en pas douter, le débat du réveille matin, de deux compagnons couchez en ung lict dont lung estait amoureulx et l'autre voulait dormir, dialogue qui ne se distingue que par la grande quantité de maximes proverbiales qu'il renferme, telles que
(') Le Curial, éd. 1529, f. 63 au recto.
(*) « Cette qualification d'archidiacre pourrait faire supposer > qu'Alain Chartier était engagé dans les ordres, mais il faut rej marquer, d'après les auteurs canoniques, que la qualité d'archi» diacre n'a pas toujours exigé la prêtrise, ni le diaconat tant • l'ordre, disent-ils, était peu considéré en raison de l'office; il » paraît que ce ne fut que par les articles 1 et 31 de l'édit de 1606 » qui exigèrent la prêtrise pour toutes les dignités des églises ca» thédrales que les archidiacresfurent assujétis d'une manière ab» solue aux ordres majeurs. Peut-étre aussi ce titre n'était-il > dans certains cas, qu'un titre honorifique qui pouvait être con> féré à des laïques, i (M. Pezet, Rech. hist. sur la naissance d'Al. Chartier. Mémoires de la Société académique de Bayeux, t. 1 p. 249).
(»)Ed. 1617, p. 262.
Et moult souvent le dit on bien
Que l'un ami pour l'autre veille
Au gré d'autrui non pas au sien.
Car il languit qui ne repose.
Qui bien a commencé parfasse,
Qui bien a choisi ne se meuve
Car à la fin quoiqu'on pourchasse,
Qui dessert le bien il le treuve.
En général Alain Chartier doit-être d'un grand secours pour les parémiographes, !soit qu'il ait fait entrer dans ses écrits des adages déjà connus soit que ses maximes le soient devenues, ce qui serait plus honorable pour lui.
On doit croire aussi du même temps le débat des deux fortunes d'amour, qu'on appelle encore le débat du gras et du maigre, à cause de la condition physique des deux principaux interlocuteurs dont l'un est gras et bien portant, l'autre maigre, pâle et décharné. Le premier prétend qu'en amour, où il est heureux, la somme des biens dépasse la somme des maux; le second, qui est malheureux, soutient l'opinion contraire. L'auteur et plusieurs dames, mêlés à la discussion comme témoins, la terminent en la renvoyant à la décision arbitrale du
.bon comte de Foix,
Sage et entier,
Très noble Jean de Phébus héritier,
Qui en haulx faictz se sciét bien deliter
Et par honneur loyauté acquitter
Et à Phébus des vertus héritier,
Qui tant fat preux
Et tant hay chetifs faitz et honteux
Et tant ama delictz delicteux
Très-dur aux fiers et aux faibles piteux.
Jean ne fut pas, comme paraît l'indiquer Alain l'héritier immédiat de Gaston il ne prît la couronne comtale que vingt-un ans après la mort de celui-ci et mourut en 1436.
Le rhythme du débat des deux fortunes 'd'amour est d'une grâce infinie; c'est celui qui a été si souvent et si heureusement employé depuis par Clement Marot et auquel la prosodie de l'école moderne par Wilhem Ténint, donne le nom de Terza-rima-ternaire. On pourrait tirer de ce livre d'assez nombreuses citations. Nous prendrons au hasard le portrait suivant de l'homme amoureux
Se une dame monstre à ung qui luy plaise,
Il est ce jour et plus riche et plus ayse
Que s'il gaignoit tout l'or d'Affrique ou d'Aise
Le cueur luy volle,
Et de ioye perd maintien et parolle,
Et s'aucun scet son secret, il l'acolle.
En ce plaisir se meurdrist et s'affolle
Plus que douant
Et se remet en penser plus auant.
Voue et iure d'estre loyal servant
A tousiours mais tant qu'il sera viuant.
Mais peu luy dure,
Il oit apres quelque response dure,
Et veoit aucun qui quiert son aduenture,
Ou l'en luy dit quelque parolle obscure
Dont il se doubte
Si pert à coup celle grant ioye toute,
Se deult et plaint plus que s'il eust la goutte.
Il va, il vient, il se couche, il s'accoute
II fuyl les gens
Il vient à l'huys, et puis rentre dedans.
Il dit qu'il a mal de teste ou de dens,
Au lict se met, puis cnuers, puis à dens.
Si se tempeste
Et de veiller rompt son corps et sa teste,
Ne n'a plaisir de joye ne de feste,
Et tout seul fait sa plainte et sa requeste
Pensif et morne.
S'il est couché d'ung lez, de l'autre torne
Puis se lièue, puis coucher s'en retorne.
Si le parlement d'amour qu'on conteste à Alain Chartier était de lui il devrait être encore un de ses premiers essais, puisque l'auteur y dit en commençant oncques n'apprins le mestier
De rimer en aucune affaire.
Ce serait alors la seule pièce où maître Alain aurait suivi le goût de son temps pour certains personnages allégoriques. L'Amour tient les grands jours entouré de douze conseillers dont le président est Franc-Vouloir. Espoir et Désir sont procureur et avocat des cas. Souvenir est greffier. La dame Sans-Mercy est citée devant le tribunal ainsi constituée par l'huissier Doulx-Pensier. Deux complices viennent s'asseoir à côté de la principale accusée ce sont les éternels Faux-Semblant et Bel-Accueil du roman de la Rose et de Charles d'Orléans.
Cette profusion de personnages allégoriques, de ceux de ce genre bien entendu, n'est pas dans les habitudes d'Alain Chartier. De plus, il est question dans
le Parlement d'amour de la belle dame Sans-Mercy qui doit être un poëme émané d'une époque assez avancée de sa vie.
Il y fait effectivement allusion à la mort d'une femme aimée et nous ne pourrions classer ce morceau parmi ses joyeuses écritures qu'en admettant, ainsi que l'a fait M. Nisard, au livre premier de son Histoire de la littérature française, l'opinion controversable que tous les poëtes du xv° siècle avaient une espèce d'Iris en l'air, comme eût dit Boileau, qu'ils faisaient morte par métaphore, tout exprès pour avoir à verser des larmes sur une tombe de convention. Au reste, la dame Sans-Mercy, bien qu'elle ait eu un grand retentissement lorsqu'elle parut, et qu'elle ait donné lieu à une espèce de polémique vraie ou supposée, entre le poëte les dames de la cour et « les attendans de leur très-douce grace » Polémique consignée dans tous les manuscrits et toutes les éditions, ne mériterait guère qu'on y fit attention si elle ne paraissait pas être comme le point de départ des complaintes dans lesquelles le génie de maitre Alain s'est essentiellement exercé. Sa plume a reproduit ces sortes d'élégies sous toutes les formes.
La dame Sans-Mercy n'est encore qu'un dialogue entre un amant et sa maîtresse qui lui refuse ses faveurs et cependant notre auteur l'a commencé ainsi Naguères chevauchant pensoye
Comme homme triste et douloureux,
Au dueil où il faut que je soye,
Le plus dolent des amoureux,
Puisque par son dart rigoreux
La mort m'a tollu ma maistresse,
Et m'a laissé seul langoureux
En la conduite de tristesse.
Si, disoie, il faut que je cesse
De dicter et de rimoyer,
Et que j'abandonne et délaisse
Le rire pour le larmoyer;
Là me faut le temps employer,
Car plus n'ay sentiment ne aise
Soit d'escrire soit d'envoyer
Chose qu'à moy n'a aultruy plaise.
Qui vouldroit mon vouloir contraindre
A joyeuses choses écrire,
Ma plume n'y saurait attaindre
Non feroit ma langue à le dire;
Je n'ay bouche qui puisse rire,
Que les yeulx ne la démentissent,
Car le cœur s'en vouldroit desdire
Par les larmes qui des yeulx issent.
Je laisse aux amoureux malades,
Qui ont espoir d'allégement
Faire chansons, dits et ballades,
Chascun en son entendement;
Car ma dame en son testament
Prise à la mort; Dieux en ait l'âme
Et emporta mon sentiment
Qui gist o elle soubs la lame.
Désormais est temps de moy taire,
Car de dire suis-je lassé
Je veuil laisser aux aultres faire
Leur temps, car le mien est passé.
Il règne un sentiment moins vrai dans les complaintes proprement dites sur la mort de sa dame; le
ton y est presque toujours guindé l'amant en appelle du jugement de la mort, la mort est déloyale, son procédé n'est pas beau, etc. Quant on a tant d'esprit on n'est pas bien triste.
Ne pensez pas non plus qu'Alain se croie inconsolable il termine par ce souhait formant envoi une ballade sur le même propos, c'est-à-dire sur la mort de sa dame
Le dieu d'amours par son plaisir m'otroye
Dame trouver par qui soye remis
En bon espoir de recouvrer ma joye
En tout honneur, et en faits et en dicts.
Il paraît même à la fin avoir tout à fait oublié ses chagrins dans un joli rondeau qui rappelle les plus délicieuses ballades de Charles d'Orléans sur la vieillesse
La mercy Dieu, je vis tousjours,
Quelque desplaisir que je porte
Bon vouloir ma douleur suporte,
Mais j'ay passé tous mes bons jours.
Sans avoir aide ne secours,
Doulcement mon temps je deporte,
La mercy Dieu.
Je n'ai plus que faire d'Amours
Desormais ne m'en plaist la sorte,
Aux aultres du tout m'en rapporte,
Car quant à moy, j'ay fait mon cours
La mercy Dieu. ·
Nous pourrions continuer à citer plusieurs autres debats, ballades et rondeaux mais il est temps d'arriver aux œuvres capitales rlo l'écrivain dont nous 12
nous occupons; et nous nous abstiendrons même de parler d'un catéchisme galant en prose, connu sous le nom de demandes et responces d'amour. C'est bien là une joyeuse écriture s'il en fut jamais La déplorable bataille d'Azincourt, qui, en octobre 1415, mit la France à deux doigts de sa perte, vint faire vibrer chez Alain Chartier une nouvelle corde. Inspirés par les malheurs du pays ses chants prirent plus d'élévation. II n'est pas jusqu'à la partie légère, par laquelle il a cru nécessaire de faire son exposition du livre des quatre dames, qui ne s'en ressente. Ce livre est un véritable poëme conçu avec esprit, conduit avec art, écrit avec passion l'idylle qui le commence est fraîche et naïve, excellente en un mot. Pour oublier mérencolye
Et pour faire chère plus lie
Ung doulx matin aux champs issy.
Au premier jour qu'amour rallie,
Le cœur, en la saison jolie
Fait cesser ennuy et soucy
Si allay tout seulet ainsy
Que j'ay de coutume et aussy
Marchay l'erbe poignant menue
Qui mist mon coeur hors de soucy
Lequel avait été trausy
Longtemps par liesse perdue.
Tout autour oiseaux voletoient
Et si très doulcement chantaient
Qu'il n'est cœur qui n'en fut joyeux
Et en chantant en l'air montoient
A l'estrivée à qui mieulx mieulx
Le temps n'estoit mie nueux;
De bleu estoient vestus les cieulx,
Et le beau soleil cler luisoit;
Violettes croissoient par lieux, Et tout faisoit ses devoirs tieux Comme nature le duisoit.
En buissons oiseaux s'assembloient L'un chantoit les autres doubloient En un chemin retentissant
De doux accords, allay pensant A ma malheurée fortune,
En moi-mêmes m'esbahissant Comme amour qui est si puissant, Est large de joie, fors d'une, Que je ne puis par voie aucune Recouvrer, combien que nésune Autre grâce à Amours neveuil. Les arbres regarday fleurir,
Et lièvres et connils courir;
Du printemps tout s'esjouissoit Là sembloit amours seignorer. Là venaient petits oisillons
Après que de maints grésillons Des mouschettes et papillons
Ils y avaient pris leur posture. Tout au plus près sur le pendant De la montaingne en descendant 1 Fut assis ung joyeux bocage, Qui au ruissel s'allait rendant; Et vertes courtines tendant
De ses branches sur le rivage
Ainsi un pou m'esjouissoye
Quand à celle douleur pensoye, Et hors de la tristour issoye,
Que je porte célèement
Et puis à moy mesme tansoye,
Et de chanter je m'efforçoie,
Mais ce bien dont je jouissoie,
Il ne duroit pas longuement
Ains rentroie soudainement
Au penser où premièrement
J'estoye, dont si durement
Suis et de long-temps assailly;
Ce bien accroissoit mon tourment
En voyant l'esjouissement
Dont il m'estoit tout autrement,
Car espoir m'estoit défailly.
Si disoye à Amours Amours,
Pourquoi me fais-tu vivre en plours
Et passer tristement mes jours?
Et tu donnes partout plaisance
Tiens suis, à durer à toujours
Et je trouve toute rigours,
Plus de durtez, moins de secours
Que ceux qui aiment décevance.
Ainsy mon cueur se guermentoit
De la grant douleur qu'il portoit
En ce plaisant lieu solitaire,
Où ung doulx ventelet ventait,
Si séri qu'on ne le sentoit,
Fors que violette mieux enflaire
Là fut le gracieux repaire
De ce que nature a peu faire
De bel et joyeux en esté;
Là n'avait eu rien à reffaire
De tout ce qui me pourroit plaire
Mais que ma dame y eust esté.
Le poëte fait alors la rencontre de quatre dames attachées de cœur à quatre guerriers et qui les ont perdus par suite de la journée d'Azincourt. Chacune
d'elles prétend être la plus malheureuse elles se disputent le prix de la douleur.
La première a eu son amant tué glorieusement sur le champ de bataille; elle apostrophe la mort qui le lui a enlevé; elle maudit jusqu'à son courage Ha pourquoy fut-il si avant?
Elle maudit bien plus encore les lâches qui n'ont pas osé combattre comme lui, et Font laissé seul au milieu des ennemis
Ne pourquoy alla-t-il deuant
En ses ennemis receuant?
Tant de vaillance
II flst et de hache et de lance,
Que chacun doubtoit sa puissance,
Dont il fit grand honneur en France
Et se fortune
Eust voulu que par voye aucune
Fust prisonnier, je fusse l'une
Des plus aizes.
Ha peu loyaulx
Fuitifs lasches et desloyaulx
Qui n'aimez qu'estais et joyaulx
Vous laissastes tous les royaulx
Et leur tournastes
Le dos et vous en retournastes
Tels gens deussent estre porçhez,
Ou faisans viles
Euvres par citez et par villes,
Quant aux armes sont inutilles,
Et veulent avoir cents et milles
Pour leur bobant
Et vont les pauvres gens robant
Décevant le monde et lobant
II ne sont bons qu'à seoir au banc
Soubz cheminée.
Quant leurs bouches sont avinées, 1
Et ils ont les bonnes vinées,
Lors content de leurs destinées,
Les coquars fous
Alors se ventent de grans coups
Et font grans dépens et grans (toutz
Et, quoiqu'il soit prins ou rescous
Nul d'eux n'y pense.
Pretz ils seraient à la despence, J
Mais tardis sont à la deffence
Leur fuyte est cause à leur grand blâme,
De ma perte et de leur diffàme!
L'eussè-je fait moy qui suy femme!
Il y a de la sublimité dans ce dernier cri de la passion, et la diffusion fatigante parfois des autres poésies d'Alain, ajoute encore ici à l'énergie du discours. Il est naturel que la douleur revienne sans cesse sur le même objet, le présente sous toutes ses faces ('). L'amant de la seconde dame a été fait prisonnier avant l'âge de vingt ans; il a été pris
en soy deffendant,
Des adversaires
Qui sont à ses princes contraires.
Il souffre sur la terre étrangère et au lieu de le plaindre on le calomnie, on l'accuse de faiblesse. Celle qui l'aime est obligée de se cacher pour pleurer. De nuit, s'écrie-t-elle,
De nuict mes yeulx n'ont reposé
Car de jour monstrer n'ai osé
CI Viollet le Duc, Bibliothèque poët., p. 69 et suiv.
Cueur triste en corps mal disposé,
Foible et tremblant.
J'ay fait mes regrets en emblant
Et pour estre aux gens ressemblant
De cueur courcée joyeux semblant,
Et se je danse,
Ce ne fait pas faire habondance
De joye ne oultrecuidance
Mais n'y a en toute la danse
J'en suis certaine,
Pensée de douleur plus pleine
Ce me fust plaisir or m'est paine
N'il n'est harpe, orgue, ne doulçaine,
Lus, n'eschiquier,
N'instrument qu'on sçeust appliquer,
Que désormais ouyr requier,
Puisque je n'ay ce que ja quier 1
Hélas amour, pourqu'oy m'aportes*
En foible cueur mil douleurs fortes,
Dont cent en devroient être mortes?
Neantmoins je vis
Trop pis que morte, à mon advis.
Toute cette douleur de jeune fille n'est-elle pas pleine de vérité, et il n'y a-t-il pas une naïveté charmante dans cette prière qu'elle fait aux dames d'Angleterre ? '?
Voulsisse aux dames d'Angleterre,
Que pour loz de pitié acquerre,
Pour moy de luy veulent en guerre,
Et demander,
Et son estat recommander 1
Car aucune pcult commander
A tel qui le penlt amender.
La troisième dame « se complaint de son amy qui
» estoit allé en la bataille duquel elle ne peut ouyr » nouvelles et ne sçet s'il est mort ou prins. Il Lors dist la tierce, or m'entendez,
Pour les plus tristes vous rendez
Et vos partis bien deffendez,
Je ne me plain
De ce, je ne l'ay en desdain,
Chascun blessé plaint son méhain
Et connoist son fait et son soin.
Mais d'autruy faicts
Ne scet nul le poids ne le faix,
Ne n'a jugemens si parfaicts
Comme celluy qui les a faicts,
Trop bien povez
Parler, ou plaindre, ou louez
Du mal que pour vostre advouez;
Mais à aultruy ne vous jouez.
Vous recevez
Vos maulx, les miens n'appercevez
Dont comparer ne les devez,
Et en ce faisant me grevez.
Mais puis que sommes
A comparer les dures sommes
Dont nous perdons repos et sommes
Pour quatre amans et pour quatre hommes.
Je ne reffuse
Point et n'est droit que je m'excuse
De dire la douleur qui use
Mon cueur que vain espoir abuse.
J'ose bien dire, en maintenant
Ma part, et raison soustenant,
Que le mal qui me va tenant
Et qui n'est qu'un
Et aux vostres deux seul commun,
Pire qu'eux deux, ne que chascun,
J'ai les vostre deux, non pas un.
L'incertitude la tue
Je ne scay quel nom je m'appelle
Ou d'amours veuve
Ou prisonnière; et si ne treuve,
De ce que j'aim tesmoing ne preuve,
Où vive ou non, c'est douleur neuve,
Tant me doubtoie,
Quant la bataille redoubtoie
Or suis moins sure que n'estoye
Et moins certaine.
Se j'ay l'espérance, elle est vaine,
Et ne puis perdre espoir ne peine.
Tout ce discours est plus raisonné peut-être que les précédents, et pourtant la tristesse y est aussi grande; la plainte y coule sans effort, sans affectation. L'amant de la quatrième dame n'est ni mort ni prisonnier elle n'ignore malheureusement pas ce qu'il est devenu. Le misérable a pris la fuite; elle a honte de lui:
Or a fuy
Laschement et s'est enfuy,
Dont il a honneur deffuy
Et, dit-on, pour quoy y fu y.
Et ses semblables,
Quant leurs laschetez dommageables
Et leurs fuytes deshonnorables
Ont fait mourir tant de notables
Jusqu'à milliers,
Et fait perdre les chevaliers
Qui de France estaient les piliers 1
Ses compagnes elles-mêmes l'ont maudit tour à tour; n'est-elle pas la plus malheureuse; elle le demande à chacune; elle le demande surtout au poëte.
Celui-ci se récuse et renvoie les quatre belles affligées à sa propre maîtresse pour décider d'une question aussi ardue
Aux dames dame en son endroit
Trop mieux jugement en rendroit
Certes qu'un homme.
Le Livre des quatre dames n'a pas moins de deux mille vers. On y trouve de l'énergie de ,1a couleur, de la poésie pour tout dire. La preuve la plus convaincante, c'est qu'il a servi de modèle à trois grands maîtres à Marguerite de Navarre dans le poëme de la Coche, où elle rend pleine justice à maître Alain Pensai en moi que c'étoit un sujet
Digne d'avoir un Alain Charretier.
A la fausse Clotilde de Surville dans les Trois plaids d'or; et à Voltaire dans le conte des Trois manières. Mais il a en outre un mérite auquel nous n'attachons pas une moindre importance. Il nous fait connaître sous un nouvel aspect un côté des mœurs du xv. siècle. Le poëte n'a été que l'écho fidèle des lamentations des femmes, de ces femmes restées françaises lorsque les hommes ne savaient plus à qu'elle nation ils appartenaient ('). Après avoir lu Alain Chartier on comprend mieux aussi l'ascendant, l'influence d'Agnès Sorel sur Charles VII, et l'on ne peut plus mettre en doute l'anecdote qui fit du mol et efféminé roi de Bourges, le noble et vaillant roi de France. Le traité de l'Espérance ou consolation des trois vertus suivit de près le, Livre des quatre dames; il (1) Michelet, Hist. de France, t. V.
date évidemment de la fin du règne de Charles VI ou du commencement de celui de Charles VII de nombreuses allusions à l'inertie du monarque en font foi. Ce traité en prose mêlée de vers est une imitation de la Consolation philosophique de [Boè'ce, avec cette différence que les personnages y sont plus multipliés que dans le modèle. Comme dans celui-ci l'Acteur –tel est le nom que l'écrivain se donne à lui-même –l'Acteur, disons-nous, s'est endormi, accablé sous les réflexions tristes qui l'assiégent. Bientôt lui apparaissent trois hideuses femmes Deffiance, Indignation et Désespérance. Deffiance lui parle des abus qui règnent dans les cours et l'engage à trahir son prince Indignation lui fait envisager l'affliction du pauvre peuple français, et cherche à lui persuader que Dieu l'a abandonné à toujours; Désespérance l'engage, en lui citant les exemples de Didon, d'Annibal, de Caton, à prévenir la captivité qui le menace, par un suicide prompt et glorieux. Il va céder à leurs suggestions lorsque surviennent les vertus théologales elles le réconfortent. La Foi l'invite à vaincre ses passions, à avoir confiance en un Dieu plus miséricordieux, plus juste que sévère, et qui n'envoie aux hommes les tribulations que pour punir leurs fautes et refréner leurs péchés. L'Espérance prend ensuite la parole pour confirmer ce que vient de dire sa soeur lui prouve par les exemples du passé qu'il ne faut jamais perdre courage dans l'infortune, et lui « donne à congnoistre qu'il est nécessaire mettre la main à l'oeuvre qui veut avoir profit, u
La Consolation des trois vertus est écrite avec une liberté de pensée à laquelle on ne s'attend pas dans un homme de cour. Les chapitres « sur la prééminence de l'ung sur l'autre » contre l'ambition du clergé contre le célibat des prêtres, ont parfois "une concision et une netteté que ne renieraient ni Calvin;, ni La Boétie. Ce dernier surtout n'aurait pas mis d'autres paroles que ne l'a fait Alain Chartier, dans la bouche d'Indignation dès son entrée en scène. « Maleureux, et mal né, vile et reboutée personne, » desnué de biens et délaissié d'amis bersault de » toutes parts des adverdités de fortune. Quel conseil » penses-tu prendre à conduire désormais ton estat » et ta vie ? Ou quelle follie te meu d'approuchier de» sormais court ne palais royal, ne de plus servir à « office publicque? Quant sans exaulcement, et sans » prouffit tu y as perdu le temps de ta plus vertueuse » jeunesse et ton labour en vain degasté? et main» tenant la chose est à ce venue, qu'il n'y a plus » pour toy d'attente, fors povreté et péril. Se tu n'as » peu en temps d'abondance toy garnir et pourveoir » contre les necessitez humaines comment le feras» tu en temps maigre, souffreteux, et contrainct de » indigence? Se la cour a mescogneu tes services, et » les ingras oublié tes bienfais; que penses-tu de» sormais prouffiter à la chose publique ne a toy » mesmes ? Quant bienfait et malléfice sont tous en » un compte, si non en tant que par long usaige ma» lice a plus de hardement, et d'entrée? Mescognois»tu -court, et si l'as tant essayée, au moins ce fruit
» en deusscs-tu avoir rapporté que pour la congnois» tre tu la sceusse fouir et eschever. Ne scèt tu que » dissimulation a de si longtemps occupé les portes » et les entrées des cours des princes, que vérité, qui » a tant hurté à l'huis et se fait ouir dehors par pu» blicques euvres, ne peut avoir dedans entrée?.)) Arrêtons-nous, pour ne pas céder à la tentation de copier tout le discours.
La même énergie règne dans le Quadrilogue invectif, libelle qui, scion nous, parut vers 1427, et dont le premier chapitre a été qualifié admirable par le savant M. Paulin Paris. Voici le commencement de ce premier chapitre
« Environ l'aube du jour lors que la première » clarté du soleil et nature contente du repos de la » nuit, nous rappellent aux mondains labeurs n'a» gaires me trouvay souldainement esveillé. Et ainsi » que à l'entendement apres repos se presente ce que » l'en a plus à cueur me vint en ymagination la dou» loureuse fortune et le piteux estat de la haulte sei» gneurie et glorieuse maison de France qui entre « destruction et ressource chancelle doloreusement » soubz la main de Dieu, ainsi que la divine puis» sance l'a souffert. Et comme je recueillisse en ma » souvenance la puissance et diligence des œuvres des » ennemis, la desloyaulté de plusieurs subjets et la » perte des princes et chevallerie, dont Dieu par ma» leureuse bataille a laissié ce royaulme desgarni, qui » me fait durement ressongnier l'issue de ceste infor» tune je contrepensoye et accomparoye à l'encon-
» tre la grandeur et distance des parties de cedit ro» yaulme de France, dont les ennemys ne suffi» roicnt garder le quart, le merveilleux nombre des M nobles et gens deffensables, qui trouver se pour» roient, les haultes richesses qui encores y habon» dent en plusieurs lieux, les subtils engins, prudence » et industrie de gens de divers estats qui y ont nais» sance et vie. Après lesquelz partis ainsi débatus à » par moy, sembloit que par faulte de donner et de » recevoir, ordre, discipline et reigle à mettre en « euvre le povoir que Dieu nous a laissié, est cause de « la longue durée de notre persécution. Çi est à doubM ter que la verge de punition divine soit sur nous » pour nos péchiez et que l'oscurté de nos vices et » meurs corrumpues aveugle en nous le jugement de » raison et nos partiaulx desirs refroidissent l'affec» tion publique. Ainsi demeurons-nous en la descon» gnoissance de nostre infortune advenir, et à noz en» nemis, par pusillanimité et failly courage donnons » sur nous victoire, plus que leur prouesse ne leur » en acquiert.
» Tandis que en ce debat entre Espoir et Deses» perance mon entendement travailloit, ung legier )) somme me raprint, comme apres la pesanteur du » premier repos il advient souvent vers le matin. Or » me fut advis en sommeillant, que je veisse en ung » pays en friche une dame dont le hault port et sei» gnori maintieng signifioit sa tres-excellente extrac)1 tion. Mais tant fut dolente et esplourée, que bien » sembloit dame deschue de plus hault honneur que
« pour lors son estat ne demonstroit. Et bien apparois)) soit à son semblant, que forment fust espoventée et » doubteuse de plus grant douleur et maleurtéadvenir. » Et en signe de ce, ses blons cheveux, qui à fin or » estrivoient de couleur, veissicz respandus et deget» tez sans aournemement au travers de ses espaules » et une couronne sur son chief portoit, qui par di« vers hurs si fort estoit esbranlée, que jà panchoit » de costé enclinée moult durement. J)
Cette dame est la France. Le portrait qu'il en fait ensuite est réellement fort beau au reste une miniature du manuscrit n° 6796 de la Bibliothèque nationale indique assez le sujet du quadrilogue. Devant un château aux fenêtres duquel sont appendues les bannières du roi et des princes du sang, Noblesse Clergie et Chevalerie disputent devant la France, qui soutient de son bras droit l'un des murs du château qui semble tomber en ruines. A côté de France sont les figures du peuple terrassé, de Chevalerie indolemment appuyée sur sa hache enfin de Clergie qui semble ne vouloir rien empêcher ni réprimer (').
On conçoit aisément que France terminera la querelle en invitant ses enfants à oublier leurs torts pour ne se souvenir que de leurs devoirs et à s'unir contre l'ennemi commun, à l'exemple des petites mouches à miel.
Un dialogue d'un latin très-pur, Super deploratione gallicœ calamitatis, est rempli d'invectives san(') Paulin Paris, Manuscrits de la Bibliothèque du roi, tome I, p. 232.
glantes contre les anglais, et contient les mêmes sentiments d'exaltation patriotique que ceux qui sont exprimés dans les divers ouvrages dont nous venons de donner l'analyse. cc Plût au ciel, y répète Alain sous toutes les formes que je mourusse non avec l'état, mais pour lui Que tous les maux retombent sur ma famille et sur moi, mais que Dieu sauve la France.» Alain Chartier employa les années qui suivirent le martyre de Jeanne d'Arc, a écrire une Généalogie des rois de France depuis Saint-Louis jusques à Charles VII en réponse aux fausses interprétations données par les Etats-généraux au traité de Calais, et quelques livres de morale, dans lesquels il prêche comme toujours la paix et l'union. De ce nombre sont trois épîtres De detestatione belli Gallici et suasione pacis le Lai de paix; le Curial (le Courtisan) par lequel il engage son frère à ne pas venir à la cour (') le Régime de fortune et le Bréviaire des nobles, recueils de ballades qui eurent un grand succès, même après leur apparition. Le premier, le Régime de fortune, a été souvent réimprimé et toutes les collections de vieux poëtes en ont d'ailleurs reproduit la sixième ballade « 0 folz des folz, et les folz mortels hommes,
Qui vous fiez tant es biens de fortune
En celle terre és pais où nous sommes,
Y avez vous de chose propre aucune?
Vous n'y avez chose vostre n'es une
Fors les beaulx dons de grace et de nature
(') Le Curial a été traduit en anglais par le célèbre William Caxton, qui apporta l'imprimerie en Angleterre, vers l'année 1471.
Se fortune doncq par cas d'aventure
Vous tolst les biens que vostre vous tenez
Tort ne vous fait, ainçois vous fait droicture
Car vous n'aviez riens quant vous fustes nez.
Ne laissez plus le dormir à grans sommes
En vostre lict par nuict obscure et brune,
Pour acquester richesses à grans sommes
Ne convoitez chose dessoubz la lune,
Ne de Paris jusques à Pampelune,
Fors ce qui fault sans plus à creature,
Pour recouvrer sa simple nourreture
Souffise vous d'estre bien renommez
Et d'emporter bon loz en sepulture
Car vous n'aviez riens quant vous fustes nez.
Les joyeulx fruitz des arbres et les pommes
Au temps que fut toute chose commune,
Le beau miel, les glandes et les gommes
Souffisoient bien à chascun et chascune,
Et pour ce fut sans noise et sans rancune
Soyez contens des chaulx et des froidures,
Et me prenez fortune doulce et seure,
Pour vos pertes griefve dueil en menez,
Fors à raison, à point, et à mesure.
Car vous n'aviez riens quant vous fustes nez.
Se fortune vous fait aucune injure
C'est de son droit, ja ne l'en reprenez,
Et perdissiez jusques à la vesture,
Car vous n'aviez riens quant vous fustes nez.
Quant au Bréviaire, il devint une espèce de manuel pour les jeunes gentilshommes. L'auteur du Champion des dames, Martin Franc, en recommande la lecture i lisez, dit-il
Lisez souvent au breviaire
Du doux pofte Alain ChaHier
Et Jean Le Masle, qui cent ans plus tard publiait un commentaire sur ce poëme, atteste que de son temps encore on forçait les pages à l'apprendre par eceur et à en réciter chaque jour quelques morceaux ('). Suivant Alain, les qualités qui doivent distinguer la noblesse sont Foi, Honneur, Droiture, Prouesse, Amour, Courtoisie, Diligence, Netteté, Largesse, Sobriété, Persévérance. Une ballade est consacrée à chacune de ces vertus. Les refrains de ces pièces auraient pu au besoin être adoptés comme devises par les chevaliers tel est celui de la ballade de Prouesse
Honneste mort plus que vivre en vergogne.
Celui de la ballade d'Amour
Qui n'a amours et amis il n'a rien.
Nous choisissons parmi ces ballades celle qui est consacrée à l'honneur
Haut trésor est l'onneur de noblesse,
Son espargne, sa première richesse,
Et ce qu'un cueur noble doit desirer,
Son seur conduit, sa guide, son adresse,
Son reconfort, son plaisir, sa liesse
Et le miroour là où il se doit mirer.
Rien ne pourroit ung bon cueur empirer
S'il aime honneur, jamais il n'aura honte,
Car c'est le bien qui les aultres surmonte.
Qui n'a honneur, tost dechiet sa haultesse,
Son loz perist, renommée ne laisse,
Et mespris fait son pouvoir deffiner.
Où honneur fault, perd son nom gentillesse.
(') De La Rue, Essais sur les Trouvères, t. 3, p. 243.
Car vergoigne, vilennie, et rudesse,
Font cueur gentil fremir et souspirer.
On ne peut plus ung bon cueur agreer,
Que faindre honneur, qui l'homme a vertu dompte Car c'est le bien qui les aultres surmonte.
Ou honneur est, tort et injure cesse
C'est le chemin pour venir à prouesse,
Qui fait les bons à bault estat tirer,
Et met en eulx attrempée liesse,
Courtois parler et loyale promesse
Sans varier, chanceler, ne virer.
Trop mieulx vauldroit soy souffrir martirer,
Qu'avarice sur l'honneur d'omme monte
Car c'est le bien qui les aultres surmonte.
Qui garde honneur on le doit honnorer,
Nobles hommes tenez en plus grant compte
Que de thresor que puissez procurer
Car c'est le bien qui les aultres surmonte.
Cependant la verve patriotique de Chartier était en apparence endormie. Elle se réveilla à la nouvelle de la violation de la trêve de Tours et du sac de Fougères. Le pillage des églises, le massacre des bourgeois, le viol des femmes commis en pleine paix par les soldats du roi d'Angleterre exaltèrent une dernière fois l'imagination du poëte. Sous le titre de Ballade de Fougères, il composa une sorte de vaudeville en vingt et un couplets. Chacun de ces couplets se termine par un proverbe menaçant, par lequel il annonce aux ennemis de la France leur perte et leur expulsion prochaine.
Qui trop embrasse mal étraint.
Tant gratte chievre que mai gist.
II n'est chance qui ne retourne.
Tel cuide vivre qui se meurt.
Grand orgueil est tantôt mué.
A la parfin vainct vérité.
La fin de guerre est à doubter.
leur répète – t' – il
Ces prédictions en effet devaient incessamment s'accomplir, mais il ne fut pas donné à l'écrivain patriote de jouir du succès des armes de son roi. Il avait pleuré sur le désastre d'Azincourt, il ne put chanter la victoire de Formigny. Il mourut en 1449 un an au plus avant cette bataille, qui réintégra la Normandie dans l'unité française.
Le lieu et l'époque de la mort d'Alain étaient restés inconnus jusqu'au xvme siècle lorsqu'un antiquaire, nommé de Saint-Quentin de Remerville, découvrit son tombeau dans l'église de Saint-Antoine d'Avignon. L'inscription qui avait disparu sous le badigeon dès 1762, lorsque d'Expilly donna son premier volume du Dictionnaire géographique de la France, a été recueillie par ce géographe (')
(') M. de Puibusque, dans un article récemment publié par le Plularque français, semble ignorer l'existence de cette inscription, ce qui lui a fait commettre plusieurs erreurs graves. Il a gratuitement supposé qu'Alain avait vécu sous Louis XI il avance encore que les poésies amoureuses de cet écrivain n'ont été composées qu'après les dernières conquêtes de Charles VII, c'est-àdire quand le poëte aurait eu plus de soixante et dix ans. M. de Puibesque commet une autre erreuren faisant assister à l'entrée de Charles VII dans Paris, le A novembre 1437, Jeanne d'Arc, dont, au su de tout le monde, le supplice eut lieu le 31 mai 1431.
Du vivant même de maître Alain et après sa mort on lui attribua une foule d'ouvrages l'Hôpital d'amour, la Plainte de Saint-Valentin, la Pastourelle de Granson, la Contre-Dame S ans-Mer ci le Psautier des vilains le Débat du cœur et de l'œil la Destruction de Troye le Miroir de mort, etc. Nous n'avons à nous occuper d'aucun d'eux. Il serait encore inutile de chercher à prouver que la traduction des Nuits attiques d'Aulu-Gelle la Fleur de Belle Rhétorique, et les traités sur le Feu d'Enfer et sur les Ailes des Chérubins, sur lesquels la pseudoClotilde de Surville déverse le fiel de ses épigrammes, ne sont jamais sortis de sa plume. Ces écrits ou plutôt ces titres, sont tout aussi apocryphes que les vers qui les attaquent (').
(') A propos de ces épigrammes de la prétendue Clotilde de Surville, l'éditeur du Jardin Salutaire de Jean Joret, a cru devoir dans sa préface leur donner les qualifications de plates et ridicules boutades. c Nous sommes bien aise, continue-t-il dfi trouver ici
HIC JACET,
Virtutibus insignis
Scientiâ et eloquentia clarus,
Alanus Chartier.
Ex Bajocis in Normaniâ natus,
Parisiensis arehi-diaconus et consiliarius,
Regio jussu
Ad imperatorem multosque reges
Ambasciator saepius transmissus
Qui libros varios stylo elcgantissimo
Composuit
Et tandem obdormivit in domino
In hac Avenoniensi civitate,
Anno Domini M. CCCC. XLIX.
Alain Chartier laissa un fils nommé Simon. Ce fils fut avocat au parlement de Paris et eut. une nombreuse postérité qui ne s'est pas encore éteinte. L'ancien président du conseil des ministres, M. Mole, » l'occasion de le dire, ne fut-ce que pour l'acquit de notre cons» cience, Non il est impossible de réunir plus de fatras et d'ab» surdités de toute nature, en deux volumes, et nous ne croyons » pas qu'il soit possible d'abuser de la bonne foi publique avec » plus d'impudence. Pour nous, cette œuvre, ou plutôt cet amal• game de mots incohérents et discordants, est une platitude littéraire sans exemple, un mensonge tellement colossal, que qui) conque aura la moindre habitude des manuscrits de cette épo» que, ne sera pas un seul instant dupe de cette grossière super» cherie, qui n'a d'autre caractère à nos yeux que celui d'une » spéculation diabolique.»
Tout en rendant justice au patriotisme de M. Luthereau, qui lui fait défendre avec tant d'énergie le poëte bayeusain, Alain Chartier, nous ne partageons pas son indignation.
Les éditeurs des poésies de Clotilde de Surville Vanderbourg et Charles Nodier, étaient des hommes simples et bons. En se permettant un pastiche que nous regardons comme fort innocent, nous voulons bien croire qu'ils n'ont point fait une spéculation diabolique. Tous les hommes de goût ont lu et relisent Clotilde. M. Villemain déclare que ses poésies sont charmantes (Tableau de la littérature du moyen âge. t. 2, p. 239), et M. Sainte Beuve ne trouve que celles d'André Chénier à qui les comparer. (Revue des Deux-Mondes, 1er novembre 1841).
< Peu m'importe de savoir l'auteur des vers de Clotilde de » Surville, dit M. Michelet ( P. 324, t. 1" de son Histoire de > France ), il me suffit pour les croire admirables de savoir que » Lamartine, très-jeune les avait retenus par cœur. > Après ces grands noms qu'il nous soit permis de citer celui de notre savant et modeste professeur caennais, M. Frédéric Vaultier il était aussi bon antiquaire qu'excellent littérateur; un des premiers il avait reconnu les anachronismes et les erreurs du livre publié par M. Vanderbourg, pourtant il avait fait de Clotilde
est le descendant de Marie Chartier, mère de l'illustre Mathieu Molé.
BIBLIOGRAPHIE.
Manuscrits
Il existe un très-grand nombre de manuscrits des œuvres d'Alain Chartier. Nous signalerons seulement ceux que nous avons pu étudier et qui appartiennent à la Bibliothèque nationale, ce sont 1° Un magnifique volume in-f° raaxirao vélin, deux colonnes, miniatures, vignettes et initiales. xvc siècle, n° 6796, ancien n° 355 du fonds Colbert.
2° Un vol. in-f° parvovélin, n° 7215 2 livre de l'espérance, xv* siècle. S" Un vol. in- magno vélin, n° 721S ss, fonds Colbert, n° 2258 xvi" siècle.
La Bibliothèque nationale possède encore un autre manuscrit avec des notes que l'on croit être de la main même d'Alain Chartier. On cite aussi un in-40 vélin, de la Bibliothèque Méjanes, à Aix. Imprimés.
I. LES FAITS MAISTRE Alain CiiAretier, notaire et secrétaire du roi Charles VI*. Paris, Pierre Le Caron, t48g, 2 tomes 1 vol. in-f" goth. à deux colonnes.
II LES FAIS maistre ALAIN Chartiek. Paris Pierre Le Caron (sans date), 2 tomes 1 vol. in-f° goth. à deux col.
III. S'ensutueut LES FAITZ DE MAISTRE ALAIN Chartier, CONTENANT ENSOY DOUZE LIVRES. Paris, Michel Le Noir, iAi4, petit in-4" goth. à deux colonnes.
IV. Shnsuyvent LES paistz, etc. Paris, Michel Le Noir, i5i4, in-4°. un de ses livres favoris. Dans ses cours il en tirait de fréquentes citations; il le citait plus souvent encore dans ses causeries avec nous, ses élèves.
Quand bien même les poésies de Clotilde ne seraient pas l'œuvre d'un homme de talent, nous les aimerions par les souvenirs qu'elles nous rappellent; nous les aimerions par reconnaissance our l'un des hommes auxquels nous devons le plus.
V. SeXSUïUENT LES FAITZ etc. Paris veufve Jehan Trepprrel et Jehan Jehannot (sans date); in-4° goth. à deux eolonnes. VI. LES FAITZ ET DITZ MAISTRE ALAIN CHARTIER. Paris, Philippe Le Noir (sans date) i in-e goth. à deux colonnes.
VII. Semsuyuekt LES FAITZ ET DICTZ MAISTRE ALAIN Chartier. Paris, Philippe Le Noir, i525, in-4" gotli. à deux colonnes. VIII. LES FAICTZ ET DICTZ DE feitmaistre ALAIN CHARTIER, nouvellement reveu et corrigé oultre les précédentes impressions. Paris, Galliot du Pré, l526, petit in-f' goth.
IX. LES OEUVRES FEU MAISTRE ALAIN Charger, etc. Paris, Galliot du Pré, 1529, petit in -8".
X. LES OEvvres de maistre ALAIN Chartiir toutes nouuKllement reveues, etc par André Dvchesne, tovrangeav. Paris, S. Thibout, 1617, in-4».
XI. LA BELLE DAME SANS MERCY (sans lieu ni date), in-4°. – On connaît trois autres éditions în-4° et une édition in- 16 de cette pièce. XII. LE bréviaire DES NOBLES, petit in-4" goth. ( sans date ). Le même poëme a été imprimé par Robin Foucquet, en iy-84, in-4o.-Une autre édition in-4° en caractères gothiques, dont le titre porte la marque de Pierre Mareschal et de Barnabé Chaussart, imprimeurs à Lyon, de l4g4à iiïi5, est à la Bibliothèque nationale. – en existe encore une édition in-8° (sans date).
XIII. SENSUYT LE DÉBAT DE REVEILLE MATIN, fait et compose par maistre Alain Chartier ( sans lieu ni date ), petit in-8° goth. XIV. LES DEMANDES d'amouks avecqve LES réponses, petit in-4» goth. ( sans lieu ni date). – On connaît encore une édition in-4° de cet opuscule, avec la marque de Michel Le Noir, libraire de Paris, mort en ibio; et trois autres éditions in-8", dont l'une impriméeaLyon, vers l55o. XV. LE quadrilogue par ALAIN CHARTIER, in-fo à deux colonnes (sans lieu ni date). ).
XVI. LE QUADRILOGUE MAISTRE ALAIN CHARTIER, in-f goth. impress. Brugis, per Colardum Mansion, 1477.
XVII. RONDEAVX ET BALLADES INÉDITS D'ALAIN CHARTIER, publiés d'après un manuscrit de la bibliothèque Mcjancs à Aix (par Ph. de Chcnnevière). Caen, Poisson. i846, in-16 goth. L'exécution' typograiphique de ce joli petit volume a été dirigée par M. G.-S. Trebutien.
IiÉraOSISUES
DE
L'ARRONDISSEMENT DE BAYEUX, PAR
M. Yietor-Evremont PILÏiET,
Régent de Rhétorique au Collége de Bayeux membre titulaire de la Société.
INTRODUCTION.
On croit communément que ce sont les croisades qui ont apporté la lèpre en Europe dans tous les temps, effectivement elle est venue des contrées orientales. Mais cette opinion me paraît mal fondée car avant les croisades, on trouve la lèpre en Europe. Au vine siècle saint Nicolas fonda des léproseries en France. Pépin et Charlemagne réglèrent les mariages des lépreux. Un capitulaire fait à Compiègne en 757 regarde la lèpre comme une cause de divorce Si conjugum alter sit leprosus, potest alter, cum illius consensu, aliud inire conjugium.-Un autre de 789 veut qu'on sépare les lépreux du reste des hommes De leprosis, ut se se non intermisccant alio populo.-
Mais s'iPest incontestable que la lèpre existait en Enrope, avant le temps des croisades d'un autre côté, il y aurait plus que du scepticisme à nier que ces gigantesques expéditions ont singulièrement contribué à la propager, en multipliant les relations entre l'Orient et l'Occident. L'histoire le prouve d'une manière évidente. Les premiers croisés revinrent de la Palestine vers le commencement du xne siècle, et c'est aussi à dater de cette époque, et surtout dans les deux siècles suivants qu'on élève des léproseries pour mettre la société à l'abri de la fureur avec laquelle elle sévissait. Et elles se multiplièrent à un tel point que Mathieu Pâris en comptait dix-neuf mille dans toute la chrétienté. Sous le règne de Louis VIII la France en possédait deux mille que ce prince dota dans son testament.
Ces établissements portaient alors le nom de Misellaria, Mezelleries, Ladreries, Maladeries, Lazaretti, de Lazare le lépreux parce que les lépreux s'appelaient Miselli ou Lazari, mezeaux, Mezel, au singulier, et aussi mezeau, témoin les vers suivants, extraits d'un manuscrit du xve siècle. Je donne cette chanson avec l'orthographe du temps
Et qui vous passera le boys
Dicest ma doulce amye?
Nous le passeron ceste foys,
Sans point de villennye.
Quant elle fust au boys si beau,
D'aymer il a requise
Je suis la fille d'ung meseau,
De cella vous advise.
En tous pays et en tous temps on a séquestré les lépreux; mais on ne s'y est pas pris toujours et partout de la même manière, et les formalités observées dans cette opération importante ont varié suivant la manière de penser des peuples et le régime particulier de chaque siècle.
Lorsque les croisés revinrent en Europe ceux d'entre eux qui étaient atteints de la lèpre, et il devait y en avoir un grand nombre furent considérés non-seulement comme des objets dignes de la commisération publique mais encore comme participant en quelque sorte à la sainteté de Lazare que JésusChrist avait guéri. On se faisait un devoir de fréquenter, de soigner ces malades, de leur rendre les plus dégoûtants services.
De Dieu soit mauldict le merdier
Qui la fille a nourrie
Quant il ne la mect à mestier,
Ou qu'il ne la marie,
Ou ne la faut en lieu bouter
Que homme n'en ait envye.
Quand elle fust dehors du boys,
Elle se print à soubz rire.
Belle qui menez telle degoys
Dictez moy qu'esse à dire?
Et respondit a basse voix
Lon doibt couart mauldire;
Je suis la fille d'ung borgeoys,
Le plus grant de la ville.
Fame je ne croyray d'ung mois
Tant soit belle ou habille.
C'est dans ces préjugés religieux alors si puis-
sanls, qu'il faut chercher la source des riches dotations faites par les souverains et les particuliers aux maisons de réclusion pour les lépreux et de toutes les cérémonies qui se pratiquaient lorsqu'on séquestrait ces infortunés du restant de la société. On les traitait absolument comme des morts, et on les conduisait à la léproserie avec tout l'appareil usité dans les enterrements. Voici une manière de séparer les lépreux ( modus separandi leprosos ) que nous puisons dans un Manuale ad usum sagiensem imprimé à Rouen en 1515.
Un prêtre, revêtu d'un surplis et d'une étole va avec la croix chez le lépreux qui l'attend dans sa maison avec un vêtement noir préparé exprès pour la cérémonie. Le ministre sacré commence par l'exhorter à souffrir patiemment et en esprit de pénitence la plaie incurable dont Dieu l'a frappé. Il l'arrose ensuite d'eau bénite, et le conduit à l'église en chantant les mêmes versets qu'aux funérailles. Là, devantl'autel, on étend un drap mortuaire sur des tréteaux entre lesquels le lépreux se tient à genoux, comme un mort, et, dans cette posture, entend dévotement la messe. L'Introït commence par ces mots Circumdederunt me gemitus mortis, etc. Puis le prêtre dit l'oraison Omnipotens sempiterne Deus salus œterna credentium, exaudi, etc. Ensuite l'épître de Saint -Jacques Fratres > contristatur aliquis, etc. On récite l'évangile de SaintMathieu Cùm introîsset Jesus Capharnaum etc. Après la messe, le prêtre sort de l'église, s'arrête à la porte, et arrose encore le lépreux d'eau bénite on
chante le Libera et on conduit le malade à la maison qui lui est destinée. Lorsqu'il y est arrivé, le prêtre récite quelques versets de l'Ecriture-Sainte, comme Memorare novissima, etc., le recommande au peuple, et lui jette une pellée de terre sur les pieds, en disant l'oraison Si mortuus, etc. Avant de le quitter, le prêtre lui fait les défenses suivantes Defendo tibi nunquam intrare in ecclesiis, in foro, in molendino, in furno et in societatibus populorum. Item defendo tibi nunquam lavare manustuas, nec etiam alia tuî necessaria in fontibus neque in rivulis cnjuscumque aquarum et si vis bibere haurias aquam cum tuo busillo, vel aliquo vase. Item defendo tibi ne de ccetero vadas sine habitu leprosali ut cognoscaris ab aliis, et noli decalceatus esse extra domum tuam. Item defendo tibi ne tangas aliquam rem quam volueris emere in quocumque loco fueris, nisi cum quâdam virgâ, vel quodam baculo, ut cognoscatur quod quaeris. Item defendo tibi ne de cœtero intres tabernas, vel alias domos, si velis vinum emere, vel quod tibi datur, fac illud ponere in tuo barillo. Item defendo tibi ne commiscearis alicui mulieri nisi tuae conjugi. Item praecipio tibi, eundo per itinera, alicui te interroganti ne respondeas nisi prius fueris extra iter sub vento, ut non de te male habeat, etiam que non de cœtero vadas per strictum vicum ne obvies alicui. Item prsecipio tibi si necessitas urget te per quoddam pedagium 'supra apra vel alibi ut non tangas stipes vel instrumenta mediantibus quibus transieris nisi prius posueris tuas ryrothecas. Item defendo
tibi ut non tangas infantulos neque juvenes, quicumque sint, neque eis vel aliis aliquem des de tuis bonis. Item praecipio tibi ne de cœtero comedas neque bibas in societatibus nisi cum leprosis, et scias quando morieris in domo tuâ sepultus eris nisi fuerit de gratia praecedente petita in ecclesiâ.
Sed nota que, antequam intret domum suam, debet habere tunicam et caligas de griseo sotulares proprios videlicet simplices et suum signum clamitellas ( cliquettes ), unum caputium et unam togam scilicet housse duplicia lintheamina unum busillum unum intrusorium (entonnoir), unam corrigiam, unum cultellum et unam scutellam. Domus enim debet esse parva unus puteus unum cubile ornatum lintheaminibus, auricale, unam arcam, unam mensam, unam sedem, unum luminare, unam ollam unum potum et alia necessaria.
Fournel, dans son Traité du voisinage ( tome 2, pag. 225 et suiv., ) cite un très-ancien rituel de 1430 qui donne les détails suivants sur la manière de mettre un lépreux ou ladre hors dit siècle
Le jour où le malade devait entrer dans sa loge de réclusion, il allait à l'église et entendait la messe des morts.
A cette messe, il était séparé des assistants, et devait avoir son visage couvert et embrunchè comme le jour des trépassés.
A l'issue de la messe, le patient allait dans le cimetière où il trouvait les prêtres rassemblés comme il se pratiquait pour le cas de sépulture.
Le curé devait avoir une pelle en sa main, et avec cette pelle prendre de la terre du cimetière et trois fois en mettre sur la tête du lépreux, en lui disant « Mon ami, c'est signe que tu es mort au monde, et pour ce, aies patience à toi.»
Item. La messe chantée, le curé avec la croix et l'eau bénite, le doit mener en sa borde, comme par manière de procession.
Item. Quand il est à l'entrée de la dite borde, le curé lui doit faire faire les sermens et instructions ci-après écrites, en disant en cette manière « Ami, je te défends que tu ne offence les articles ci-après écrits
»Primo. Que tant que tu seras malade, tu n'entreras en maison nulle autre que ta borde ne te coucheras de nuit, ne en moulin tu n'entreras. » Iterr Que en puits ne en fontaine tu ne regarderas, et que tu ne mangeras que tout par toi. » Item. Que tu n'entreras plus en nul jugement. nltem. Que tu n'entreras plus en l'église tout comme on fera le service.
» Item. Quand tu parleras à aucune personne, vas au-dessous du vent.
» Item. Quand tu demanderas l'aumône, que tu sonnes de la tarterelle. Que tu ne voises (n'iras) pas loin de la borde sans avoir vêtu ta housse et qu'elle soit de quameli, sans avoir couleur aucune. » Item. Que tu ne boives en autre vaisseau que le tien.
» Item. Que tu aies ton puits ou ta fontaine devant
ta borde, et que tu ne puises à autre.
» Item. Que tu aies devant ta borde une escuelle fichée sur un droit baston.
» Item. Que tu ne passes pont ni planche sans avoir mis tes gants.
» Item. Que tu ne voises nulle part hors que tu ne puisses retourner pour coucher le soir en ta borde sans congié ou licence de ton curé du lieu ou de monseigneur l'official.
» Item. Si tu vas loin dehors par licence, comme dit est, que tu ne voises point sans avoir lettres de ton dit curé et approbation du dit monseigneur l'official. » Ainsi comme on vient de le voir les lépreux étaient regardés comme des morts parmi les vivants. Leurs enfants n'étaient point baptisés sur les fonts, et l'eau qui servait à leur baptême était jetée dans des lieux retirés. Lorsqu'un lépreux tombait malade, le prêtre lui donnait la communiou et l'extrême-onction, et, après sa mort, on l'enterrait dans sa maison, qui n'était souvent qu'un abri bâti sur quatre pieux, ou dans un cimetière destiné aux lépreux. Puis on brûlait son toît chétif et tout ce qui lui appartenait. Les lépreux subsistaient du produit des biens assignés à leur établissement, ou des fonds que la commune était obligée de faire pour leur entretien ou enfin des aumônes que les gens pieux leur distribuaient. Ces malheureux ne possédaient rien au monde. Les époux se séparaient parce que le malade était réputé mort civilement, et on devait payer les droits auxquels son décès eût donné ouverture. Cependant
les décrélales de saint Grégoire permettaient aux lépreux de se marier, quand ils trouvaient une femme qui consentait à partager leur sort affreux. Séparés du monde par la loi, ils ne pouvaient rien aliéner ni donner on leur laissait l'usufruit de leurs biens, s'ils en possédaient; mais ils ne pouvaient ni vendre ni contracter d'engagements ni tester ni hériter. Par la même raison aussi ils ne pouvaient ni citer personne en justice ni y être appelés; car ils étaient déclarés hors de la loi mondaine.
D'après ce qu'on vient de dire, on peut juger combien la lèpre était redoutée dans le moyen âge. Aussi les historiens n'avaient pas de termes assez énergiques, de couleurs assez sombres pour peindre cette hideuse maladie qui, par son extension, sa violence sa longue durée et sa puissante influence occupe, sans contredit, la première place parmi toutes celles qui ont désolé l'espèce humaine, et ravagé l'Europe pendant toute la longue période du moyen âge. Non-seulement on fuyait avec horreur le moindre contact avec les lépreux, mais on défendait même d'acheter et de tuer, pour les vendre, les bestiaux qu'ils nourrissaient. C'est ce que nous lisons dans un des articles des statuts de la Confrérie des francs-bouchers de Bayeux, publiés le 19 novembre 1431 a Item. Nul ne doit achater ne mettre à machacre pour exposer en vente nulle beste nourrie en hostel de barbier ne de seigneur, ne en maladerie de lèpre.»
Mais à quelle époque cessa ce redoutable mal ? C'est une question assez [difficile à résoudre. La lèpre 14
ne s'éteignit pas tout à coup, mais peu à peu, mais lentement, à mesure que les précautions mieux entendues de l'hygiène l'exilaient. Il y avait encore des lépreux à la fin du xive siècle; mais déjà ils étaient rares; comme l'indique une inscription gravée sur une petite pierre en gothique carré, sous le porche de l'église Saint-Georges-de-Montcoq, à Saint-Lo t Jouhan Jouet et L. Vincent
trésoriers pour le temps firent
faire ceste portal l'an de grâce
mil ccc mi" et xix et fut mis
Guillot de Saint-Lo à la maladerie.
Dans le cartulaire de Saint-Nicolas-de-la-Maladerie, près Baveux, il résulte d'une enquête faite le 18 mars 1419, que depuis plusieurs années la Maladerie de Sain-Nicolas était vuide de ladres.
Un arrêt, prononcé à Bayeux le pénultième jour de décembre 1540, dit qu'il n'y avait alors que quatre malades lépreux à la léproserie de Caen, nommée Notre-Dame-de-Beaulieu.
Ainsi l'on peut dire que vers le milieu du xvi" siècle la lèpre disparut à peu près en France. Néanmoins il resta quelques hôpitaux particuliers pour les lépreux jusqu'au xvnB siècle. Leur histoire inspire à la fois de l'horreur et du dégoût. Une foule de vagabonds paresseux simulaient la lèpre pour s'y faire admettre. Aussi une déclaration du 25 octobre 1612 ordonna qu'il serait pourvu aux vrais lépreux, et qu'après avoir été visités et séparés comme tels du reste du peuple avec les cérémonies
ecclésiastiques accoutumées, ils seraient reçus dans les léproseries sur les bulletins du grand aumônier de France. Plus tard on les réunit toutes à l'ordre de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, par édit du mois d'avril 1664, qui n'eut son effet qu'en 1669. Enfin, par un autre édit de 1672, Louis XIV confirma l'union et l'administration des maladeries à l'ordre du Mont-Carmel et de Saint-Lazare mais elles furent désunies en 1693, et leurs biens ̃ passèrent définitivement aux hôpitaux. Cependant il dut y avoir quelques exceptions; car, dans les archives de la fabrique de l'église Notre-Dame de Saint-Lo se trouve un arrêt du conseil privé du roi du 30 juillet 1694, qui « maintient les sieurs curé, prêtres et paroissiens de Notre-Dame de Saint-Lo, en possession et jouissance des biens et revenus de la chapelle et maladerie de la Magdeleine le tout pour être employé à l'entretien des ecclésiastiques afin de pouvoir mieux continuer la célébration du service divin, à charge de nourrir les pauvres lépreux de la ville faire le service suivant l'intention du fondateur, entretenir les bâtiments et rendre compte par la fabrique du maniement des deniers, sans que les revenus de ladite chapelle et maladerie puissent être ailleurs divertis, nonobstant la réclamation des administrateurs de l'hôpital de SaintLo. )j
Tcl est le résumé de l'histoire des lépreux et des léproseries. Comme aujourd'hui un travail de reconstruction de la France ancienne domine toutes les études historiques je me suis mis aussi à l'œuvre pour
offrir mon faible contingent, et je donne la fondation ou j'indique l'existence de quelques léproseries de l'arrondissement de Bayeux.
Tous les documents que je produis, sont inédits ou peu connus.
LEPROSERIES
DE L'ARRONDISSEMENT DE BAYEUX.
I.
Léproserie DE Nihault.
A l'entrée du village de Nihault près Bayeux, on trouve une pointe de lerre appelée communément, dit l'abbé Beziers, la mare de Saint-Etase, et où a été bâtie une chaumière depuis peu. Ce mot, substitué par corruption à celui de Saint-Eustache, est venu d'une léproserie qu'il y avait autrefois en cet endroit sous le nom de ce saint. Son existence ne peut être sérieusement contestée Jouxte la mare aux lépreux, à Nihault. dit une charte de 1301. La visite de ce petit hôpital fut confirmée en 1390 au chanoine de Saint-Germain.
II y a quelques années, en remuant le terrain qui avait servi de cimetière à cette léproserie, on trouva une médaille romaine dans une tête de mort. II.
Léproserie DE SAINT-JULIEN, PRÈS BAYEUX. Au penchant du côteau qui forme le val de SaintJulien, il y avait une léproserie sous l'invocation de Saint-Julien-l'Hospitalier. De la chapelle il reste encore quelques vestiges, une fenêtre, un pignon un
contre-fort. Agréablement située dans un vallon, appelé vallée de Saint-Julien, est une fontaine trèslimpide, dont la renommée s'est perpétuée. Son eau est efficace pour la guérison des yeux.
III.
LÉPROSERIE DE CUSSY.
La Madeleine.
A mi-côte, sur la route de Vaucelles à Tour, on remarque un petit édifice qui était autrefois une chapelle dédiée à Sainte-Madeleine. Quelques restes de porte et une très-faible partie du bâtiment accusent une construction du xine siècle. C'était une léproserie, ainsi que l'atteste un aveu du 10 octobre 1651. « De Jean de Grimouville, escuier, sieur Daigneaux de Cussy et du Couldrey, maistre Raphaël Raould, sieur des Perrelles, licentié aux lois, advocat au siège présidial de Caen, pour luy et Thomas Raould, son frère, sieur du Clos, filz ethéritiers de feu M'Michel Raould, vivant sieur des Perrelles conseiller du Roy, président au grenier et magasin à sel de Baïeux, et commissaire examinateur audit Baïeux, confesse et advoue tenir dudit de Grimouville à cause de demy acre de terre assize en la dite paroisse de Cussy, delle de la Magdelaine, jouxte la terre aux Malades d'une part et la ruette de la Magdelaine de Vaucelles d'autre, butte sur le chemin des Vez.» n
IV.
SAINTE-ANNE DE TOUR.
Ce qui restait de la chapelle Sainte-Anne, près de
Tour, a été converti en maison d'exploitation. Mais là était une léproserie; on n'en peut douter, en lisant le passage suivant dans le 1er volume des Olim « Proponebat Ballivus Cadomi contra leprosos de Tour, bajocensis diocesis, quod, eùm dominus rex dedisset ipsis leprosis, ad ipsorum sustentationem, de bosco mortuo in nemore de Tronqueto ( Tronquay ), in posterum capiendo quantum asinus poterit portare per diem, ipsi leprosi per ipsum boscum vendebant, quod facere non poterant nec debebant, ut dicebat idem Ballivus, propter quod debebant amittere ipsum usagium.» (Olim, page 566.)
V.
Léproserie DE MOSLES.
JNulle construction ne trahit l'existence d'une maladerie à Mosles ( canton de Trévières); il y en avait une cependant. La lèpre avait cessé ses ravages; mais elle avait laissé le nom de léproserie ou de maladerie aux lieux où elle avait sévi. En voici une preuve « Aveu du 12 juillet 1547, rendu à noble homme Thomas de la Haulle seigneur du fief terre et seigneurie de Sorteval, assis en la paroisse de Mosles, et illec environ par Guillaume Vymart pour une pièce de terre contenant une acre ou environ, assise audit lieu de Mosles en la delle de la Maladerye, jouxte Guillaume Aubraye aisney d'une part et Guillaume Eustace d'aultre bute d'un but sur le chemyn des grandz Vez et d'autre sur le chemyn tendant à Trevières.» ))
VI.
MALADERIE DE Port-en-Bessin.
A peu de distance de l'église de Port-en-Bessin, on voit encore quelques maisonnettes; ce sont les derniers restes d'une léproserie qui s'y trouvait. En cet endroit, Cassini indique encore sur sa carte la maladerie de Port-en-Bessin.
VII.
LÉPROSERIE DE JUAYE.
Les archives de l'abbaye de Mondaye témoignent de l'existence d'une léproserie à Juaye. Elles renferment une charte d'Eudes de Vassy, chevalier de 1213, par laquelle il consent que le chapelain de la chapelle de la léproserie de Juaye prélève tous les ans huit septiers d'orge dans son moulin de Juaye, qui seraient uniquement affectés à l'usage et aux besoins desdits lépreux; mais que dans le cas seulement où cette maladie cesserait, et que la chapelle serait vide de lépreux la dite redevance serait perçue par le dit chapelain pour son usage personnel.
Mais de quelle chapelle est-il ici question ? Est-ce la chapelle de Saint-Barthélemy, ou celle de SaintAndré, ou celle de Sainte-Marie de la Haye d'Aiguillon ? Aucun document ne nous a permis d'éclaircir ce doute. Cependant nous inclinons à penser qu'il s'agit de Saint-Barthélemy.
VIH.
LÉPROSERIE d'Etréham.
Dame Jehanne Le Hot, veuve de Richard Le Moi-
gne, écuyer, donne en fief hérédital, en 1396, à Jehan Couvert, écuyer de la paroisse d'Oystreham Leproux, un fief assis à Tournières.
IX.
LÉPROSERIE DE MAISY.
On ne voit plus de traces de la léproserie de Maisy. Cependant je ne crois pas qu'on puisse élever des doutes sérieux sur son existence. En effet, de l'église part un chemin qui aboutit à un ancien hameau, qui n'existe plus. Ce chemin s'appelle encore aujourd'hui la voie aux malades. Près de ce hameau, connu autrefois sous le nom de Gasseries, est une fontaine dont les eaux limpides sont en grande réputation pour les maux d'yeux. On y vient puiser de toutes parts, avant le lever et le coucher du soleil. Il y a quelques années, cette fontaine était couverte d'une large pierre sur laquelle était gravé le nom de la supérieure d'un hôpital qui devait être situé à côté.
X.
PIERRE SOLAIN.
Pierre Solain avait une léproserie dès les premiers temps de l'invasion de la lèpre. Une charte de 1286 relate en ces termes une vente qui fut faite à cet hôpital Sciant omnes presentes et futuri quod ego Johannes dictus leprosus vendidi et concessi et omnino dimisi presbitero et leprosis de Petra Sollanna procentum et decem solidis turon. duas pecias terre sitas in territorio de Maronna, tencndas et habcndas et jure hcreditario possidendas predicto pres-
bitero et dictis leprosis et suis successoribus de me et meis heredibus libere et quiete salvo jure Dni capitalis. Et ego Johannes et heredes mei tenemus et debemus predictas pecias terre predictis presbitero et leprosis garantizare et defendere contra omnes vel alibi in nostro proprio hereditagio valore ad valorem si necesse fuerit excambiare competenter. Et ut hoc sit firmum et stabile in tempore futuro, ego Johannes hanc presentem cartam sigilli mei testimonio confirmavi predictis presbitero et leprosis. Actum anno Domini M0 CC° octogesimo sexto die lune ( lundi ) in festo beatorum Symonis et Jude apostolorum.»
Il reste encore de la léproserie de Pierre Solain la chapelle qui, par son architecture, appartient au xvr* siècle. Mais à sa partie extérieure, à l'ouest, j'ai remarqué des colonnettes qui sont du xme siècle. Dans le jardin, attenant à cette chapelle qui maintenant sert de grange, on trouve encore aujourd'hui beaucoup d'ossements, lorsqu'on remue la terre. Il n'y a pas bien longtemps qu'est mort le prêtre qui desservait cette chapelle, lors de la révolution de 1789. Cette léproserie était agréablement située au penchant d'un côteau; elle était alimentée par un petit ruisseau qui descend du haut de la colline et dont les eaux ont la vertu de pétrifier les objets qui y séjournent longtemps. Au sommet du côteau sont encore les restes d'un moulin à vent.
XI.
SAINT-NICOLAS DE LA Maladerie, près BAYEUX. La léproserie la plus considérable du Bessin était
celle de Saint-Nicolas, fondée dès le x" siècle, protégée et aumônée par Guillaume-le-Conquérant et quelques-uns de ses successeurs au trône d'Angleterre. Je vais transcrire une charte de Henri II qui est très-intéressante sous plusieurs rapports elle est tirée du cartulaire du prieuré de Saint-Nicolas, que possède la Bibliothèque de la ville de Bayeux. J'ai supprimé la plupart des abréviations pour en rendre l'intelligence plus facile.
(1151-1188. )
Henricus dei gracia Rex Anglorum et dux Normannorum Comes Aquit' Archiepiscopo Rothonj et omnihus episcopis comitibus baronibus vicecomitibus et omnibus ministris et fidelibus ling' de Normannia salutem. Sciatis me concessisse et dedisse et presenti carta confirmasse in perpetuam ellemosinam xx prebendas quas Willelmus illustris rex Anglorum proavus meus stabiluit de redditibus suis in civitate baioc' confratribus leprosis in monasterio sancti Nicolai Bajoc' sub religione viventibus. Sunt autem de prebendis istis iiijor in molendinis baioc' videlicet iiijor modij ordei et nichil amplius. in ppositura ville sunt vx prebende ad quas pertinent singulis septimanis ix sol. et vi denarii de liberacione stabilita ad vestimenta vero et calceamenta prebendariorum vi liba iii sol. per annum in natâl Dni; ad carnem quoque xv bacones de lardario meo vel xlv sol. de redditibus porcariorum de magna foresta in festo sancti Andree apostoli, ad salem autem xv sol. in propositnra ville et ad coquenda
eorum cibaria xv quareate ( charretées ) lignorum de consuetudine illa que vocatur leignagium et ad necessaria sepulture unius cujusque fratrum quando moritur iii sol. in prepositura predicta. Ad capellam vero sancti Audoeni de ponte Isberti qui est vigesima prebenda pertinet parum terre et parum decime ibi prope. Et apud Mathonem (Mathieu) decima de dominico Sellonis Surdi et participis sui cum omni jure parrochiali. Et apud Lion supra mare terra que fuit Roberti presbiteri de sancto Audoeno et decima terre quae dicitur terra monialis quam Yaûl de clinconia de ea habuit. Ad hoc concedimus eisdem leprosis quandam feriam vij dierum cum omni jure ad nos pertinente in prepositura Baioc' in festo sancti Nicholai nec minus quandam quadraginteam quadrigatarii (charretée à quatre chevaux) de mortuo bosco et de sicco in silva mea Verneii (Le Vernay) singulis diebus et quietanciam et libertatem auimalium suorum de porcagio et herbagio in forestiis nostris Normannie. Preterea totam terram Ric' filii Sansonis baioc' et terrain Benedicti filii Riquefemme que duo tenementa veneruntin dominicum nostrum judicio curie nostre pro defectu heredum. Dedimus eciam duas garbas ad sustentamentum eorum decimarum illarum apud Aldreum (Audrieu) quarum donacio ad nos pertinebat cum illa parte ecclesie quam Radulphus Osberti habuit de dono Henrici regis avi mei, similiter et decimam cum illâ parte ecclesie de Maduno (Moon) quam Arianus presbiter tenuit de Rogerio Salebiensi episcopo et Thomas filius ejus de me ipso. Dedimus utique ad usus eorum duas garbas
totius decime cum terra elemosine ecclesie de Burgesbu et capellam de Iloga ( La chapelle de la Hogue est à Bourguébu) cum omnibus pertinenciis et mansuram Viret in parrochia sancti Lupi quam Maltidis regina eis dedit pro inhumandis leprosis et mansuras ibi prope ubi leprosi manserunt. Hec omnia supra dicta de donis ancessorum nostrorum et nostris predictis leprosis concedimus et confirmamus pro salute animarum predecessorum nostrorum et pro remissione peccatorum nostrorum libera et quieta ab omni servicio et auxilio et omni terreni juris potestate et omni seculari exactione nisi in sola truncacione membrorum et morte dampnatorum. Concessimus eciam eis fundari ecclesiam in via regia (le chemin du Roi ) liberam et quietam sicut dominica capella nostra de castello baioc' et capella sancti Audoeni habetur et tenetur. Et quum ad nostram pertinet potestatem pauperibus miseris jus suum integrum et inconculsum conservare et tenere quacumque eis collata et concessa sunt libera et quieta sicut prescriptum est. Similiter concedimus et confirmamus maxime ea que Philippus baioc' episcopus donavit videlicet quandam prebendam de L. sol. (50 sols) per annum in prepositura de ponte Isbesti et duas prebendas in duobus archidiaconatibus inter Auream (Aure) fiuvium et Olnam (Orne) utrumque similiter de L. sol. per annum et vi acras terre in parochia sancti Vigoris que fuit dispensariorum de dono Henrici baioc' episcopi unum sextarium frumenti et iiii capones et xl ova de reditu que Vincencius de sancto Vigore reddebat ei pro servicio
vii acrarum terre et dimid. quas tcnebat jure hereditario in cultura que dicitur Bercharia quam terram Rogerius de Arreio (Arry) emit a predicto Vincencio concessione et assensu ejusdem episcopi de dono utique ejusdem episcopi reliquum predicte culture usque ad veterem fossatum quo terminatur a parte que est versus sanctum Martinum videlicet vacras terre que appellantur curcerie et quandam acram terre que est contigua eidem culture in capite ex parte orientali. De dono Rogerii de Arreio iiii acras terre apud Anerias (Asnières) supra mare quas Philippus episcopus dedit ei pro servicio suo et x solidos andegavenses per annum et iiii capones in terrâ canonicatus de Crisetot et ii sextarios ordei in eadem terra de decima ejusdem terre cum minutis decimis et apud baiocas ad crucem cornu ii acras terre et v virgatas in cardinieto ( chardonnet ou gardinet?) quas emit de Symeone et cecilia uxore ejus et quartarium frumenti in terra quam ipse emit de Johanne fillio Conani. De dono Eudonis filii Gonboldii duas mansuras juxta burgum Toroldi et in poteria (la Poterie de Bayeux) iiii mansuras infra fossatum cingule (sangle), et apud Karpiket unam mansuram citra villam. De dono Gaulterii Mabilie duas garbas decime de Vacris terre in territorio de Brunvilla ( Brunville, hameau de St-Loup), et dimidiam virgatam terre super vinarium episcopi. De dono Rogeri archidiaconi ii sextarios frumenti in cultura super le Vallet apud Karqneignem (Carcagny). De dono Cecilie uxoris Gueroldi i mansuram in mercato. De donc Philipi de Deserto i mansuram ibidem.
De dono Radulphi filii Riculfi unam mansuram ante castellum et v virgas in parrochia sancti Lupi. De dono Luce filiastri (gendre) hugonis cum barba ii solidos de redditu in sua mansura. De dono Ranulphi Cachastre v mansuras in parrochia sancti Vigoris et campum trianguli in via de Croileio (Creully) et dimidiam acram terre in mara (mare). De dono Galerani de sancto Vigore dimidiam acram terre in Longua Reia (longue raie). De dono Ricardi de Anglia i mansuram apud. ( Laissé en blanc dans le Cartulaire). De dono Rogeri Frigain iii mansuras apud novam Cromellam. De dono Clari canonici unam acram ante clausum leprosorum. De dono Henrici calvi ii acras in clauso cebelirie. De dono Willelmi Poignant terram in qua manet Ortholanus. De dono Thome de blarreio (Thomas de Blary) cimterii leprosorum. De dono Ranulfi bornic duas garbas decime sue terre de tanies. De dono Sansonis de crepon i peciam terre apud marronam. De dono hugonis de Vauseio (Vaussieu) unam peciam terre super seullam. De dono Mathei filii hugonis ii mansuras ante domum caffrai. De dono Luce filii Philippi i mansuram prope domum Vigh. De dono Willelmi Gervasii i mansuram ubi cecilia de Veterna mansit. De dono Juliane de Vaceio (Vassy) i sextarium ordei in molendino de Jueto (Juaye). De dono Alveredi de Soleigneio i mansuram apud Vausum (peut-être Vaux) cum terra in campis. De dono hamonis pincerne (échanson) i peciam terre apud Russemum (peut-être Russy). De dono Roberti de sancto Remigio insulas apud Normanvillam et i
mansuram ibidem. De dono Ricardi de crisetot i acram terre apud Aldreum (Audrieu). De dono Robcrti Caffrai i mansuram ante domum Willelmi surdi. De dono Ade Diere i mansuram ibidem. De dono Radulphi de dovra (Douvres) ii mansuras versus cromellam (Cremelle). De dono Vincencii sancti Vigoris et Georgii fratris sui ii acras terre juxta curtillagium leprosorum. De dono Radulphi de Caron (Cairon) i acram terre apud Caron. De dono Willelmi Duffort i acram terre apud sanctum Laurencium super mare, de emptione Rogeri de Arreio, et ejusdem Willelmi iiii mansuras in nova cromella super vinarium episcopi et ante illas alias ii et duas alias ante domum Sellonis de Cromella De dono Warini de Baiocis iiii acras terre in qua Gaulterius filius Eme militis manet. Emit eciam Rogerus de Arreio i mansuram ubi Johannes Rufus manet et i mansuram ante fossatum regis de heredibus Roberti de Asneriis (Asnières) et Willelmi fratris ejus et i mansuram que fuit Roberti Bochet apud sanctum lupum et xx pedes terre de thoma Joseph. De dono Willelmi forestarii i mansuram in campo florido (Champ ileuri). Emit eciam idem Rogerus vi mansuras in veleri cromella et iii mansuras in parrochia sancte Marie Magdalene ( la Madeleine de Bayeux), et iii alias in campo florido et duas in parrochia sancti Johannis. De dono Lescie de campeigneio (Campigny) i mansuram apud Montmirel. Concedimus demum et confirmamus quod homines in terris dictorum leprosorum manentes sint omnino liberi et quieti ab omni servicio et auxilio et ab omni exactione callagii
focagii monetagii thelonii et ab omni consuetudine et seculari potestate ad nostrum jus pertinente nisi in sola truncatione membrorum et morte dampnatorum que ad leprosos pertinere non debent. Propter lias autem libertates et immunitates predicti leprosi habeant partes mortuorum manencium in terris eorum salvo jure parrochiali ecclesiarum et presbiterorum in quorum parrochiis manebunt. Et ad hoc facere heredes mortuorum per leprosos possunt compelli. Prohibemus eciam ne aliquis super predictis eis aliquam injuriam vel contumeliam facere presumat. Immo precipimus et volumus ipsi leprosi et omnes res eorum sicut res nostre proprie in pace conserventur et ab omnibus tueantur. Testibus his henrico baiocensi episcopo Roberto de Estouteville, Rogero Bacon Alveredo de Vauceio, Willelmo de Soliers, Philipo de Columberiis, Willelmo Mallet, Johanne de Soleigneio, Rogero Wac, hamone pincerna (échanson). Apud Burum.
Cette charte de Henri II, duc de Normandie et roi d'Angleterre attestée par Henri II évêque de Bayeux, en 1165, et vidimée par Henri V, roi d'Angleterre, par deux chartes confirmatives, la première, in obsidione villœ de Louviers 20 juin 1418, la seconde, au château de Rouen, 4 avril 1420, donne et confirme aux lépreux de Saint-Nicolas la jouissance de tous les biens, franchises et priviléges quelconques qui leur avaient été aumônes par les rois d'Angleterre et ducs de Normandie, ses prédécesseurs.
Dans cette léproserie les malades étaient soignés par des frères ou chanoines réguliers de Saint-Augustin, dont Guillaume-le-Conquérant paraît avoir confirmé les prébendes.
On a plusieurs bulles pour l'établissement du prieuré et couvent de Saint-Nicolas, prèsBayeux, ordre de Saint-Augustin; la 1", est du pape Alexandre la 2e, d'Honorius, du 13 des calendes de mars, 1227 la 3% de Grégoire, donnée à Viterbe, le 6 des ides de mars, 1 Ie année de son pontificat la 4e, du pape Innocent, du 7 des calendes de février, 6e année de son pontificat.
Philippe-le-Bel fit quelques donations à'^ cette léproserie mais sa charte a péri.
Un acte du mois de janvier 1317 fait mention du prieuré de Saint-Nicolas de la Chesnaye; c'est un contrat de vente par lequel Barnabé Langlois, fils de Flessel ou Floxel Langlois, bourgeois de Bayeux, cède aux prieur et frères de la léproserie de Saint-Nicolas une pièce de terre à Saint-Vigor, sous la seule condition de jouir tant qu'il vivrait dans le prieuré « de tous ses nécessaires, tant en boire, en mangier, en couchier, en vestir, en maindie, en lict, que en toutes autres choses qui seraient nécessaires pour son vivre, comme à un des frères dudit hospital. » Une enquête fut faite en 1337; on voulait savoir l'état et le nombre des frères de la maison et léproserie de Saint-Nicolas. Il y avait alors en ladite maison quatre frères ou religieux prêtres avec un prieur pour célébrer le service divin. Il fut aussi reconnu qu'il y avait
dans ledit monastère un endroit où l'on renfermait les lépreux natifs de Bayeux et un autre où l'on devait renfermer séparément certains lépreux vivant comme religieux, qui devaient demeurer sous l'obéissance du prieur.
Les évêques de Bayeux ont longtemps joui du droit de présenter au priorat de Saint-Nicolas de la Chesnaye, bien que ce droit leur fùt souvent contesté par les gens du Roi; néanmoins il leur fut définitivement confirmé par une sentence du bailli de Caen du 17 7 septembre 1363, ainsi que par une enquête du vicomte de Bayeux, du 18 mars 1419; et enfin par un arrêt du Grand-Conseil, en date du 19 septembre 1612. L'extinction de la lèpre et les dilapidations auxquelles cet établissement se trouvait exposé déterminèrent M. de Nesmond évêque de Bayeux, à affecter en 1670 les revenus de la manse priorale de Saint-Nicolas, ainsi que ses dépendances, à l'entretien du séminaire qu'il venait de fonder à Bayeux après toutefois avoir reçu la démission du titulaire de ce prieuré mais cette mesure ne fut pas approuvée par la Cour; elle donna lieu à un long procès qui fut porté au conseil privé du Roi, et depuis ce jugement, nos rois ont nommé par commende à ce prieuré. Quand un édit du mois de décembre 1672 unit les biens des maladeries à l'ordre du Mont-Carmel et de Saint-Lazare, M. de Marcilly, chevalier de l'ordre, partagea pour un quart les revenus avec les religieux et le prieur. Puis, en 1693, les biens des maladeries ayant été désunis de l'ordre du Mont-Carmel, le
prieur et les religieux de St-Nicolas, par un arrêt dn conseil du 26 mars 1695 furent réintégrés dans la jouissance des biens dont les avait privés l'édit de 1672. M. de Rochechouard, évêque de Bayeux, accorda un quart de ces biens à l'hôpital.
Le roi par un brevet, en date du 4 juin 1769, permit à l'évêque de Bayeux de procéder à l'extinction de la manse conventuelle dudit prieuré et de réunir les revenus qui en dépendent à la fabrique et sacristie de l'église Cathédrale de Bayeux; l'administration des hospices sollicita en faveur des pauvres, et demanda la préférence de ce bienfait. Un procès s'éleva entre les officiers municipaux et l' évêque mais la Révolution y vint mettre un terme. Le prieuré de Saint-Nicolas de la Chesnaye fut vendu comme bien national. Saint-Nicolas de la Maladerie près Bayeux, avait une haute-justice dont un sénéchal tenait les plaids. On en a encore le sceau.
XII.
Léproserie DE BAUGY.
Non loin de la Commanderie de Baugy, commune de Planquery, sur les bords de la route de Caen, existait une léproserie, vers le milieu du xive siècle. Le souvenir de son emplacement s'est conservé jusqu'à nos jours par le nom qui est demeuré attaché au champ sur lequel elle était située. On l'appelle indistinctement le parc de la Commanderie ou de la Maladerie.
XIII.
Léproserie DE HOTTOT-LES-BAGUES.
II y avait une léproserie à Hottot-les-Bagues. On n'en peut douter; on la voit mentionnée dans le testament de Henri de Tilly, seigneur de FontaineHenry, au xme siècle. Ce testament fut fait en présence de Robert, abbé d'Ardennes de Guillaume Bacon du Molay, de Gilbert d'Audrieu, de son épouse, de son chapelain, etc. Dans ce testament, le seigneur de Fontaine-Henry donne xx solidi unicuique leprosorum de Hotot.
Les plans parcellaires du cadastre nous ont encore révélé l'existence de léproseries à Littry, à Bricqueville, à Cartigny, à Cahagnolles, 'à Isigny ( la Madelaine), à Graye, à Castillon.
SUR UN TALISMAN DU XVIe SIÈCLE, Découvert près cie Bajettx
Par M. Ed. LAMBERT, Bibliothécaire de Bayeux, membre titulaire de la Société.
Dans un de ses écrits le chancelier Bacon (') dit à ses contemporains « Les connaissances que possède aujourd'hui le genre humain ne peuvent lui donner un sens intime de la réalité ni de la grandeur des choses; car nous entendons les médecins déclarer beaucoup de maladies incurables, et dans le traitement des autres ils commettent généralement des erreurs et finissent par renoncer, faute dt moyens. Nous voyons les alchimistes vieillir et se tuer pour obtenir les résultats de leurs spéculations; ceux qui s'occupent de la magie naturelle ne font aucune découverte solide ni fructueuse; les arts mécaniques tirent peu de lumière de la philosophie, et l'on continue seulement à tisser les toiles de l'expérience, travail qui promet aussi peu d'honneur que de profit; système qui, je le sais, produit d'excellentes choses, mais dont les hommes cependant ne peuvent recueillir les fruits qu'à travers mille entraves et mille circuits.» » « Ce qu'it y a de plus déplorable pour le présent, ajoute-t-il, et de plus triste pour l'avenir, c'est que les hommes pour leur malheur, s'efforcent de ca(') Pensées et vues sur l'interprétation de la Nature. (Cogitata et visa de interpréta tione rwturœ).
cher sous un voile la turpitude de l'ignorance et de se montrer contents dans un tel état de misère.» Un savant de nos jours (') dit encore « Les préjugés et la superstition ont fait, de temps immémorial, concevoir à l'homme l'espoir d'arracher à la nature ses secrets, d'en intervertir les lois, de connaître les arrêts du destin, et d'en diriger le cours enfin ce penchant de l'esprit à adopter aveuglément tout ce qui tient du merveilleux ou du surnaturel, joint au charlatanisme, fruit de l'ignorance ou de la mauvaise foi, ont donné naissance à la magie ou aux sciences occultes. n
Mais, dans le principe, la magie ne fut que l'étude des rudiments des sciences et des arts, et la pratique des devoirs religieux. Les mages de la Chaldée et de l'Orient la cultivèrent d'abord ainsi mais bientôt à l'étude des productions de la nature et de l'astrologie on allia les divinations les enchantements les maléfices, les sortiléges, etc.; dès-lors la magie prend le caractère du charlatanisme, de la mauvaise foi, et même quelquefois de celui du crime.
Les annales des peuples témoignent que, dès la plus haute antiquité, ils ont été imbus de préjugés et de superstitions, de là la magie en devient le fruit inévitable. Les Chaldéens, les Hébreux, les Egyptiens, les Grecs, les Romains et nos pères eurent cette croyance, qui continua à se propager jusque vers lc milieu du dix-septième siècle.
On sait que Catherine de Médicis et les personnes (') Jutia de Fontenelle, Manuel des Sorciers.
de sa suite contribuèrenl puissamment a développer en France le goût de la magie ('). Le journal de Henri III nous apprend que, sous Charles IX, un des principaux magiciens attesta qu'il y en avait trente mille dans Paris. C'était alors l'époque brillante des divinations et des enchantements.
Depuis Charles IX, la magie où la sorcellerie trouva constamment plus ou moins d'adeptes, qui eurent recours soit aux anneaux constellés soit aux opérations magiques les plus bizarres, soit aux maléfices soit aux empoisonnements, soit à des préservatifs superstitieux et imaginaires.
Malgré les peines les plus sévères portées par la jurisprudence ancienne et moderne contre les magiciens, ils n'ont jamais cessé de trouver des fauteurs, plus ou moins nombreux, mais toujours subsistants la crédulité et la superstition sont de tous les temps et de tous les âges.
L'une des branches des sciences occultes qui nous intéresse en ee moment est celle que l'on a désignée sous le nom d'astrologie Judiciaire, art trompeur et mensonger, qui prétend établir un rapport entre la diversité des tempéraments des hommes et les influ(') Dans ces additions aux Mémoires de Castelnau, le Laboureur dit que la reine Catherine de Médicis ajoutait quelque foi aux Magiciens plutôt par superstition que par malice, et qu'un d'entre eux lui composa, pour porter sur son estomach, pour la sureté de sa personne, une peau de vélin semée de plusieurs figures et caractères tirés de toutes les langues et diversement enluminés, qui composaient des mots moitié latins, moitié grecs et moitié barbares, et que l'original en est entre les mains de M. de Vion d'Herowal.
ences célestes qui leur correspondent. Dès le principe l'astrologie judiciaire fut, pour ainsi dire une superstition médicale. Mais c'est particulièrement aux Arabes qu'on doit le tableau d'assimilation et de correspondance de ces influences célestes sur les différentes parties du corps humain pour en tirer les prédictions générales sur tous les sujets.
De là est née l'origine des talismans ou préservatifs. On connaît plusieurs sortes de talismans, cependant on donnait principalement ce nom à des pièces de métal fondues ou gravées sous certains aspects de planètes. L'invention en est attribuée à un Egyptien, connu sous le nom de Jacchis qui, selon Suidas, vivait sous le règne de Sennyès. D'autres en font honneur à Néchepsos () roi d'Egypte, de la dynastie des Saïtes, fils de Stéphinatis et postérieur à Sennyès. Il régna i9 ans, vivait 1455 ans avant J.-C., subjugua par la force de ses armes la Lybie, l'Ethiopie, l'Arabie et l'Asie.
Suivant les astrologues, les talismans avaientun grand nombre de vertus les principales étaient de donner la connaissance de l'avenir, de guérir ou de garantir des maladies, de préserver du mauvais air, des in(') Ce nom est attribué parmi les Egyptiens à un célèbre astronome, soit que ce soit ce prince ou un autre le poète Ansone en parle en ces termes Quique magos docuit misteria vana Nechepsos. (Aus. Epist. 19). Julius Frmicus Maternus lui donne la qualité de roi d'Egypte et de bon astrologue, et dit qu'il avait fait un recueil de signes, pour prédire les maladies qui devaient arriver à chacun, lesquelles il attribuait à des puissances différentes et contraires.
sectes, des enchantements, et d'inspirer des passions. Notre intention n'est pas d'analyser les formules cabalistiques qui se trouvent répandues dans un grand nombre d'ouvrages sur les sciences occultes nous avons voulu seulement préparer le lecteur à l'intelligence d'un monument de ce genre, qui a été découvert sur la terre de Baussy, commune de Saint-Loup, près Bayeux.
Le 8 juin 1848 on nous apporta une médaille, ovale, en bronze ou cuivre jaune, recouverte d'une belle patine brun-noir, d'une bonne conservation, qui venait d'être trouvée, dans la journée même, au milieu de terrassements exécutés sur. le domaine que nous venons d'indiquer. Il ne nous fut pas difficile de reconnaître au premier aspect, qu'il s'agissait d'une pièce ayant servi d'amulette ou de talisman (').
Première face Un roi barbu, couronné de rayons, vêtu à l'antique, tenant de la main droite,un sceptre (') Le mot talisman, ou plutôt tilseman, et aussi tilsem est arabe et clmldéen, suivant Athanase Kircher, et désigne] ou des
fleurdelisé, de la gauche un livre fermé, assis sur un trône à baldaquin, et ayant un aigle entre ses jambes. Devant lui se trouve une femme nue, debout, à tête d'oiseau et à pieds d'aigle. Elle porte une flèche de la main droite, et de la gauche un miroir sphérique, monté sur un pied; au-dessus de sa tête on voit une plante à trois lobes. La partie supérieure du champ est occupée par des caractères cabalistiques qui ressemblent beaucoup à l'écriture arabe. A la hauteur des genoux de la principale figure on lit, en lettres romaines, le mot ANAEL au-dessous un H couronné. L'exergue offre, vers le milieu, deux triangles opposés, traversés chacun d'une barre; à droite, les lettres K et F couronnés à gauche, A également couronné; puis, M G; au-dessous, le mot OXIEL. Seconde face Une jeune femme nue, debout, vue de face, les cheveux épars tombant jusqu'aux genoux, tient dans sa main droite, un cœur enflammé et dans sa gauche un peigne. On lit, en lettres romaines, au-dessus de sa tête, le mot HAGIEL. Plus bas, à gauche de la figure, le mot, HANIEL sous les pieds EBVLEB et au-dessous ASMODEL. Le signe de la balance occupe l'extrémité inférieure de l'ovale tandis que le signe de la planète de Vénus se trouve à la partie opposée, mais détruit en partie par la perforation de ce talisman. Tout le champ de la médaille images, ou des figures caractéristiques sur un objet quelconque, comme un cachet, un anneau, une plaque, une tasse, un écusson, des pendants d'oreille ou autres ornements en métal ou en pierre.
est d'ailleurs rempli par des caractères magiques et cabalistiques.
A la vue d'un objet aussi étrange, si éloigné de nos études ordinaires nous nous sommes demandé s'il ne serait pas possible de tenter de se rendre compte, sinon de la totalité, au moins de quelquesuns des mystères qui se trouvent renfermés sous ces figures et ces inscriptions bizarres. Si les recherches auxquelles nous nous sommes livré n'ont pas le caractère d'une explication complète et absolue c'est que nous ne sommes pas assez éclairé dans les sciences occultes; nous croyons cependant qu'elles seront propres à satisfaire la curiosité qui interroge, et l'histoire qui demande aussi à connaître les faiblesses de l'espèce humaine.
Nous lisons dans l'ouvrage de Henri Corneille Agrippa, regardé comme un démon par le peuple que les anciens faisaient une image à l'heure du soleil même, la première face du lion étant dans son ascendant avec le soleil; et la forme de cette image était un roi couronné assis sur son trône, etc. Ils disent que cette image rend l'homme invincible, honoré et capable de venir à bout de ce qu'il entreprend, qu'elle chasse les vaines rêveries, et qu'elle est bonne aussi contre les fièvres et la peste.
D'après le système des Pythagoriciens, l'unité convient au soleil qui est l'unique roi des étoiles, dans lequel Dieu a mis son tabernacle; il est prouvé, par la vertu productive de cette espèce idéale et intellecuel \c, que cette unité est aussi consacrée à Jupiter,
qui est de même et le père et le chef des dieux comme l'unité est le principe et la source des nombres.
Le nombre trois appartient à Jupiter, au Soleil et à Vénus, comme trois planètes heureuses. Les figures géométriques jouent, comme l'on sait, un grand rôle dans la magie. Aussi Agrippa dit, après en avoir décrit quelques-unes, « Quiconque connaitra » les forces de ces figures et de ces corps, leurs re» lations et propriétés pourra opérer quantité de mer» veilles dans la magie naturelle et la perspective, et » principalement dans les miroirs; et en mon parti» culier je sais qu'on en fait des choses miraculeuses, » et qu'il y a des miroirs dans lesquels chacun peut » voir tout ce qu'il voudra d'une très-grande dis» tance ('). »
Plus loin nous trouvons pour les opérations de Vénus, « Ils faisaient une image qui contribuait à gagner la faveur et la bienveillance étant faite à l'heure de Vénus en son ascendant dans les poissons la forme de cette image était celle d'une femme ayant une tête d'oiseau et des pieds d'aigle tenant une flèche en sa main. Ils faisaient une autre espèce d'image de Vénus pour gagner l'amour des femmes, sur la pierre Lazul, à l'heure de Vénus, en son ascendant dans le taureau la figure de cette image était une file nue, les cheveux épars, tenant un miroir à la main, etc. Ils faisaient encore une autre image de Vénus, quand la première face du taureau (•) Philosophie occulte, T. 1, eh, 33, p. 308.
ou de la balance, ou des poissons était en son ascendant avec Vénus; et la forme de cette image était une fille qui avait les cheveux épars tenant en sa main droite une branche de laurier, ou une pomme, ou une poignée de fleurs, et en sa gauche, un peigne on dit que cette image rend l'homme tranquille, agréable, fort, alerte, et qu'elle donne la beauté (').» Pour le mot Anael, de la première face, il parait se rapporter au 10e des 12 anges qui président aux signes dans l'Echelle du Duodenaire.
Sur la seconde face, le mot Hagiel, placé au-dessus de la femme se rapporte au nombre 49, désignant l'intelligence de Vénus. Les signes cabalistiques qui se trouvent à droite et à gauche de la tête désignent également les caractères de Vénus. Le mot Raniel, placé à la hauteur des jambes se rapporte au 5e des 7 anges qui assistent devant la face de Dieu. Il correspond à Vénus, dans le monde céleste, à la colombe et au cuivre dans le monde élémentaire (').
Nous n'avons pu reconnaître la valeur du mot Ebuleb, placé immédiatement au-dessous des pieds, mais pour celui d'Asmodel, qui le suit, tout le monde sait qu'il s'agit du célèbre démon, ou esprit malfaisant dont il est parlé dans l'Ecriture, et que l'on accuse, peut-être à tort, le voyageur Paul Lucas, d'avoir rencontré dans la Haute-Egypte. La plus grande vertu du serpent Asmodée, était de faire concevoir les (') Philosophie occulte. T. I, ch. 42. Des images de Vénus. (') Ibid. p. 252.
femmes stériles et de chasser les démons des corps des hommes.
Chez les modernes, Lesage (') a fait d'Asmodée le démon de la luxure et Wiérus, qui assigne tous les rangs de la chambre haute et de la chambre basse dans les enfers dit de plus qu'il est professeur en géométrie en astronomie, et qu'il excelle dans les mécaniques (').
En poursuivant nos recherches nous ne tardâmes pas à découvrir que le petit monument dont nous nous occupons, avait été l'objet de plusieurs controverses parmi les critiques et les littérateurs, à la fin du dixseptième et aux premières années du dix-huitième siècle.
Dans un petit livre, imprimé en 1696 (5), on prétend qu'il existe une médaille où Catherine de Médicis est représentée à genoux aux pieds du trône du diable.
L'auteur anonyme, dit que cette reine, « contrainte d'abandonner au prince de Condé le maniement des affaires du royaume, fut si affligée qu'elle se retira dans son cabinet pour s'abandonner entièrement à la solitude pendant quelques jours.
Puis il ajoute « Elle ne voulut point qu'aucun de » sa cour l'approchât. Finalement elle fit appeler M. » de Mesme, et lui confia une boite d'acier bien (1) Le Diable boiteux.
(2) Liber officiorum spirituum.
(*) L'art d'assassiner les Rois, enseigné par les Jésuites à Louis XIV et Jacques II. Londres, 1696.
» fermée à clef, et lui dit que la guerre civile lui » donnant de mauvais présages de sa destinée, elle » avait jugé à propos de lui remettre entre les mains » ce sacré dépôt, qui était le plus riche trésor qu'elle » eût dans le monde, avec ordre de ne l'ouvrir ja» mais, ni de la donner à personne, à moins que ce » ne fût par son commandement signé de sa propre » main; et engagea M. de Mesme à faire serment » qu'il tiendrait parole, sur peine d'encourir sa haine » et son indignation. Cette reine étant morte sans re» tirer la boite des mains de M. de Mesme, et celui» ci étant pareillement décédé près (après) Cathe» rine de Médicis, les héritiers de M. de Mesme la » gardèrent longtemps dans leur famille sans l'ouvrir. » Cependant le temps qui fait oublier toutes choses » rendit les enfants de M. de Mesme assez curieux « pour l'ouvrir, dans la pensée d'y trouver un trésor » inestimable. La boite étant ouverte, on trouva avec » le dernier étonnement une chose qui fait horreur, » c'était une médaille de cuivre, ovale, en forme de » bouclier ou de rondache semblable à celle que les » anciens romains consacraient à leurs faux Dieux. » La gravure de cette médaille représentait Catherine M de Médicis étant à genoux en forme de suppliante, » faisant offrande au démon qui était peint sur un » trône relevé avec des traits les plus affreux et les » plus horribles que l'on puisse imaginer. Cette prin» cesse avait à ses côtés ses trois fils, Charles, Henri » et le duc d'Alençon, avec cette devise en français » Soit, pourvu que je règne. L'on voit encore cette
» même médaille aujourd'hui dans la maison de » Mesme dont est sorti M. le comte d'Avaux, ci» devant ambassadeur en Hollande. Les curieux qui » voudront être informés des circonstances de cette » histoire secrète les pourront apprendre de la pro» pre bouche de ce ministre.»
Le sceptique Bayle repoussa, par des raisons négatives, l'existence de la médaille, et traita de conte le récit que l'on vient de rapporter ('). Cependant les objections qu'il avait soulevées ne furent pas assez puissantes pour détruire dans l'esprit d'un grand nombre de personnes, la croyance à l'existence de cet étrange monument. Ces doutes portèrent les éditeurs du Journal de Trévoux (*) à s'occuper de cette affaire. La médaille contestée se retrouva enfin chez M. le président de Mesmes qui voulut bien la communiquer. Un homme habile de l'époque fut consulté prévenu d'idées désavantageuses à Catherine, il soutint que c'était l'ouvrage de quelqu'un de ses devins dont elle était, disait-on, la dupe, et que l'on avait voulu, par cette médaille, perpétuer la mémoire d'un événement qu'on raconte, vrai ou faux. On dit qu'un de ses devins lui fit voir, dans un miroir magique, la destinée de ses quatre enfants. Cet habile homme comme l'appelle le Journal, croit donc que le Jupiter représente Henri H, à qui Catherine de Médicis sous la forme d'Isis présente un miroir magique. (') Œuvres diverses. T. III. Edit. de 1737. Réponse aux questions d'un Provincial, p. 600.
(!) Décembre 1704, p. 2127.
L'F, le K, l'H et l'A couronnés marquent, selon lui, les couronnes promises par le devin aux quatre enfants de Catherine, savoir à François II, à Charles IX, à Henri III et au duc d'Alençon. La prédiction fut fausse à l'égard de ce dernier. Il pense enfin que tous ces noms demi-hébreux sont un jargon mystérieux dont ces imposteurs ont coutume de se servir, et qu'on ne doit chercher aucun sens dans ces mots barbares.
Au milieu de cette divergence d'explications les rédacteurs donnèrent la figure de la médaille c'était assurément la chose la plus utile pour discerner ce qu'il pouvait y avoir de vrai ou de supposé dans les différentes opinions qui se présentaient sur cette médaille énigmatique. Une nouvelle dissertation d'un anonyme accompagne la planche qui reproduit ce singulier monument.
On peut reconnaître facilement dès le premier examen de la gravure, qu'il est identique à celui que nous venons de retrouver. Les types sont les mêmes, les inscriptions et signes cabalistiques sont semblables seulement dans le premier on avait ajouté un cercle ou virole, dans lequel il était enchâssé pour y tracer les mots barbares qui s'y trouvent. Le mot silli, de la première face, ne se voit plus; quelques lettres initiales sont changées; et au revers quelques signes planétaires ont disparu voilà toute la différence.
L'auteur anonyme de cette nouvelle explication prétend que c'est une médaille insolente adressée
par les huguenots à Henri III, roi de France. au commencement de son règne, avant son mariage. S'il y a quelques figures de constellations, ce n'est pas à dire que ce soit un talisman; mais tous les mots y font un sens fort naturel, bien lié. et suivi. Ils sont tirés de l'hébreu du grec ou de l'italien quelques mots sont composés du grec et de l'hébreu, ou bien de latin et d'hébreu. Ce mélange était nécessaire pour rendre l'énigme plus difficile à expliquer. Il assure que les protestants de ce temps-là se vantaient d'être les plus-savants dans les langues, surtout en hébreu et en grec. C'est un hébraïsant de cette cabale là qui fait ici ses preuves.
Il passe de là à l'explication des mots qu'il décompose et analyse à sa façon pour y trouver le sens qu'il lui plaît d'y donner. Rien ne l'arrête rien ne l'embarrasse c'est la chose la plus simple du monde. Nous ne nous permettrons pas de suivre l'anonyme dans ses savantes investigations; nous nous contenterons d'y renvoyer le lecteur curieux d'approfondir toutes ces merveilles.
Il parait cependant que les explications données par notre OEdipe, quoique remplies de recherches linguistiques et historiques, ne satisfirent pas entièrement les curieux et les littérateurs du temps, car on fit appel aux vastes connaissances du P. Menestrier. Le savant Jésuite aborda la question en homme expérimenté. Ces éclaircissements furent insérés dans le même recueil (') et il n'hésita pas à déclarer (*) Mémoires de Trévoux. Avril 1705, p. 706.
-T Que le monument dont il s'agit ne fut jamais une médaille mais un talisman; 2° qu'il ne fut jamais frappé, mais seulement moulé; 3° que Catherine ne l'a point fait frapper; 4° que l'on n'y voit aucune apparence du culte rendu au démon. Toutes vérités qu'il est facile de reconnaître à l'examen du monument.
Après avoir donné une analyse rapide de l'origine des Talismans, qu'il fait remonter aux Egyptiens il indique successivement les différents peuples les sectes, les philosophes pythagoriciens, les rabbins Juifs, les cabalistes, les chimistes, qui cherchaient la pierre philosophale, en indiquant leurs mystères sous des noms d'anges ou de diables, les médecins paracelsites, qui imitèrent les chimistes, en peignant leurs opérations sous des figures aussi bizarres. Enfin les derniers furent des imposteurs, qui, pour gagner de l'argent, promettaient à ceux qui achetaient leurs talismans, de les rendre invulnérables, de les [délivrer des dangers du feu, de l'eau et des autres accidents de la vie, de les rendre heureux dans leurs voyages et dans leurs entreprises, de leur faire trouver des trésors, de les avancer dans les honneurs et les dignités, de leur faire obtenir la faveur des grands le moyen de satisfaire leurs passions les plus brutales et les plus déréglées, etc.
Il soutient que c'est un talisman fait par Jean Fernel, d'Amiens, premier médecin du roi Henri II, qui reçut de grands bienfaits de la reine Catherine. C'est à ce médecin habile que la princesse attribuait d'avoir
beaucoup contribué à lever les empêchements qui s'opposaient à sa fécondité, par le régime qu'il lui avait prescrit et ses remèdes. Aussi toutes les fois qu'elle devint mère elle fit de magnifiques présents à Fernel. Comme auteur du talisman il mit son nom au bas de l'ovale de la première face, où on lit Frainel ('), qui était son véritable nom, qu'il changea en celui de Fernel, pour le rendre plus singulier, selon le goût de l'époque.
Selon notre auteur, Fernel présenta cette médaille à la reine sous forme d'étrennes, parce qu'elle aimait ces images symboliques, et que dans la plupart des fêtes qu'elle donnait à la cour elle faisait distribuer des médailles de cette sorte. Ayant adopté la forme de talisman, il voulut en observer les manières et représenter la reine sous les figures symboliques d'Isis reine d'Egypte. La tête d'épervier fut donnée à la déesse pour exprimer la vivacité de son esprit sa droiture et son activité.
Fernel devait encore avoir un autre motif pour faire choix de cet emblème, c'était la devise particulière et propre de la maison de Médicis, qui portait en cimier de ses armoiries un épervier tenant entre ses serres un anneau d'or avec un diamant au chaton, et dans le vide de l'anneau le mot semper.
La plante qui est au-dessus du bec de l'épervier est une tige de pavot à trois têtes, avec leurs chapiteaux en forme de diadème: c'est un symbole de la fécondité de la reine. Le pavot était en effet chez les (') Sur ta planche on lit Freneil.
anciens un symbole de fécondité, auquel on attachait la vertu d'engendrer et l'abondance de semence. Il nous paraît moins heureux lorsqu'il veut que les têtes de pavot paraissent soutenir une maison et une bannière carrée, plantée dans un camp qui indiquerait que Catherine, par ses trois fils, était mater Augusta et mater Castrorum. Ceci nous paraît plus ingénieux que solide car les figures que nous avons sous les yeux nous semblent tout simplement des caractères cabalistiques, dont nous laisserons le déchiffrement à de plus habiles que nous. Le dard que la reine tient dans sa main droite serait un symbole d'Isis ainsi que le miroir qu'elle a dans sa gauche l'un devait marquer la subtilité de l'esprit, l'autre sa sagesse dans les affaires publiques. Elle est placée devant le roi Henri II, son époux, qui lui présente son sceptre, comme pour lui remettre la régence de ses États, pour en donner la conduite à ses enfants ce qui s'explique par le mot illis (), qu'il faut lire à rebours du roi à la reine, et pour indiquer en même temps que ce ne devait être qu'après la mort du roi; il est assis sur un aigle, symbole d'apothéose des anciens empereurs sur leurs médailles. Enfin le chiffre du roi est le sceau de l'autorité qu'il lui donne, c'est l'H couronné qui est entre l'un et l'autre.
(*) On voit effectivement, sur la figure donnée dans ,les Mémoires de Trévoux, décembre 1704, p. 2127, le mot SILLI, écrit en très-petits caractères, à la hauteur de la main d'Isis tenant le miroir. Cette circonstance ne se retrouve pas sur notre exemplaire.
On voit que l'on ne s'explique pas sur le livre que tient de la main gauche le personnage royal. Serait-ce le livre du destin ?
L'exergue est réservé pour ce qui suit la mort du roi. Les chiffres ou lettres F et K couronnés marquent le dauphin François, qui fut François II, dont le règne fut si court et Charles IX. On voit à gauche un A couronné, qui désigne le duc d'Anjou, alors roi de Pologne. Les quatre lettre B D (Brabantiœ Dux), pour le duc d'Alençon François, qui fut élu et couronné duc de Brabant; P. M. ^signifie princesse Marguerite (').
Les deux triangles opposés, liés pardes tenettes ou entraves, marquent les peines qu'eut la reine d'entretenir l'union et la paix entre ses enfants, dont les caractères étaient si opposés. Le mot oxiel, au-dessous des chiffres du duc de Brabant et de la princesse Marguerite est un souhait pour leur élévation à l'exemple de leurs frères; il signifie en hébreu, Dieu le veuille, en arabe il se dit Oxala, et les Espagnols l'on retenu pour dire Utinam.
Pour la deuxième face du talisman, le savant héraldiste soutient que c'est une peinture des artifices et des débauches de Diane de Poitiers pour s'emparer de l'esprit et du cœur de Henri II, dont elle fut la maîtresse. Elle est représentée dit-il sous la figure la plus indécente que puisse être représentée (') II faut toujours se rappeler qu'il s'agit de l'exemplaire de M. deMesmes; le nôtre présente, sur ce point, une variante, puisqu'on y voit seulement A couronné, M G.
une femme sans pudeur, qui était la peinture que Fernel en avait voulu faire.
Le cœur qu'elle tient serré en sa main droite représente celui du roi Henri II, dont elle s'était emparé mais les principaux mystères de ce talisman sont à la gauche de cette femme, qui est l'endroit où elle jette les yeux. On y peut remarquer, dit-il, six pois mis en tiers, c'est-à-dire trois, deux et un, sous un peigne qu'elle tient horizontalement; ces pois sont placés entre un F et une croix à double croisillon. Ce sont autant de mystères qui la désignent personnellement car Diane était de la maison des comtes de Poitiers et de la branche de St-Valier, établie en Dauphiné, proche Ja ville de Valence. Comme les comtes de Poitiers étaient comtes de Valentinois, ils avaient pour armoiries, par allusion à leur nom, six pois mis en tiers, que l'on changea depuis en autant de besans pour les rendre plus conformes aux figures du blason. Le peigne qu'elle tient représente le chef des armoiries de la maison de St-Valier c'était la brisure, comme le peigne est nommé Discerniculum capitis.
On voit que l'auteur est ici sur un terrain qui lui est familier, et qu'il sait faire un usage, au moins fort ingénieux, sinon tout à fait véridique, de ses connaissances héraldiques c'est ce qui nous a porté à présenter une analyse rapide de cette partie de son travail.
La suite est tellement hypothétique et invraisemblable que nous avons dû nous abstenir de suivre
l'auteur dans la voie où il était entré, qui ne peut conduire qu'à l'erreur.
Il termine en disant les légendes sont composées de mots imaginés peut-être pour donner à penser, ou s'ils ont quelque signification, il y a lieu de croire que c'est de quelques personnes qui ne faisaient pas grand bruit dans le monde (').
Les éditeurs disent que la mort a empêché le P. Menestrier d'achever cette explication, qui peut paraître heureuse sur un certain nombre de points. Quelques détails peuvent donner lieu, sans doute à la critique, mais le type principal surtout semble fondé sur une judicieuse observation.
Toutefois les annotateurs de la satyre Menippée (Dupuy et Le Duchat) n'ont pas manqué de faire des observations critiques qui ne sont point sans valeur. Ils objectent d'abord, que si l'explication que l'on donne des lettres B. D. s'applique à François, duc de Brabant est véritable, il faut que ce talisman ait été fait en 1582 ou postérieurement puisque ce prince n'a pris cette qualité qu'en 1 582, et qu'il était mort en 1584. Mais comment attribuer un monument fabriqué en 1582 à Jean Fernel qui était mort dès l'année 1558? Non-seulement cela ne peut être, mais les autres explications que l'on donne des règnes de (') Voici ces légendes, qui sont gravées sur la virole ou cercle d'entourage'de l'exemplaire du président de Mesmes; première face DRAGANIEL GERSIVR DRAY DE MIN. Dans le bas, FRENEIL. Sur la seconde face T PENEL AI IPOS FILIACII DISDRAS NECHAR OPRIBAL NE TALIAN.
François II, Charles IX et d'Henri III roi de Pologne, ne sauraient avoir été aperçues par Fernel, qui était mort avant le roi Henri II.
Ils soutiennent que l'explication du revers ne peut convenir à la duchesse de Valentinois qu'il y aurait eu beaucoup de témérité, pour ne pas dire de folie de faire forger un pareil ouvrage du vivant de Henri II; la moindre disgrace qui eût pu en arriver à Fernel aurait été d'être enfermé pour le reste de ses jours.
L'animosité de Catherine de Médicis contre la duchesse de Valentinois ne saurait avoir donné l'idée de fabriquer cette médaille puisqu'après la mort de Henri II, la duchesse de Valentinois qui avait été disgraciée de la cour, pendant deux ans environ y était retournée et avait regagné l'affection de la reinemère, en lui faisant présent de sa belle maison de Chenonceaux. Elle y avait toujours vécu depuis très agréablement jusqu'en 1566, époque de sa mort. Le titre de duc de Brabant se rapportant à l'année 1 582, seize ans après la mort de la duchesse il ne serait pas supposable qu'on eût voulu raviver une querelle éteinte, par un monument aussi bizarre.
Ils admettent donc que Fernel, heureux d'avoir vu le succès de ses conseils et de ses avis obtenir un résultat aussi satisfaisant chez la reine qui avait été mariée près de dix ans, avant d'avoir donné aucune marque de fécondité, aura voulu laisser à la postérité le souvenir des événements les plus honorables de sa vie, en faisant exécuter une médaille destinée à trans-
mettre son nom plusieurs siècles après sa mort. Quant aux lettres isolées, ils admettent aussi que l'H désigne le roi, l'F, François, dauphin, le K, le prince Charles et l'A le troisième des princes qui i se nommait Alexandre, le nom de Henri lui ayant été donné depuis en mémoire du roi son père. On voit par quel motif ces lettres sont couronnées, puisque ces princes étaient l'espérance de la propagation de la race royale. Ils croient que les lettres B. D. P. M. doivent être interprétées par Bene Dicit Principibus Magnis, comme des souhaits faits pour leur grandeur et leur prospérité; le mot Oxiel serait une prière au seigneur de vouloir exaucer ces vœux. Ils supposent que la posture indécente du revers est celle de Catherine de Médicis qui se dispose à accoucher; le coeur qu'elle tient en sa main est celui du roi, que la reine avait conservé, par la naissance des princes car si la reine n'avait pas eu d'enfants, il eût été à craindre qu'elle n'eût été répudiée. Le peigne est le symbole de la propreté; il marque qu'il n'y avait rien que de net et de pur dans la conduite de la reine.
Fernel aurait ajouté les mots Ebullé Asmodé et autres pour faire connaître qu'il avait eu besoin de toute la force de son imagination, et pour ainsi dire de se donner au diable pour acquérir les connaissances nécessaires à le diriger dans une matière aussi délicate, où il s'agissait du bien de l'état, du repos de la maison royale et de sa fortune.
On ne peut pas indiquer précisément le temps de
fabrication, mais les initiales des noms des trois princes, dont le dernier nommé Alexandre et depuis Henri, né en 1551, et son frère cadet, François, depuis duc d'Alençon qui ne se trouve pas mentionné étant né en 1554, il faut admettre que la médaille aurait été faite en 1552, 1553 ou au commencement de l'année 1554, qui est le temps auquel Catherine de Médicis était prête d'accoucher de son fils François, duc d'Alençon.
Les annotateurs terminent leurs observations en disant
« On convient après cela, que n'ayant pas vu cette médaille, on a pu s'y tromper; il n'y a que M. le comte d'Avaux qui puisse éclairer tout à fait ce mystère en faisant graver ce monument il doit y avoir d'autant moins de répugnance, que l'on n'a pas jusques à présent raisonné juste sur un sujet aussi singulier on a toujours éloigné les idées horribles et atfreuses que l'on avait voulu donner à cette médaille, qui ne paraît avoir été faite que pour rendre la mémoire de M. Fernel illustre à la postérité (')». RÉSUMÉ.
Le monument découvert sur le domaine de Baussy est un talisman et non une médaille; il a été coulé et non frappé son exécution indique le seizième siècle. II est identique pour les types et même pour les (') Satyre Menippée. Ratisbone (Bruxelles). 1709. Tome Il. page 423.
signes accessoires, à celui de la famille de Mesmes qui a donné lieu à des commentaires si divers. Ce dernier.ne diffère du nôtre que par l'addition d'un cercle ou virole dans lequel on l'a renfermé, et cela pour y tracer une suite de mots barbares et inintellibles le mots illi, en petits caractères, peut-être gravé après coup, ne se retrouve pas sur le nôtre, de même que les lettres B. D. P. qui sont remplacées par M G.
Sur le revers la seule variante consiste dans le changement ou la suppression de quelques signes planétaires, dans le haut et le bas de l'ovale; le reste est absolument identique.
Il doit résulter de cette comparaison que c'est un monument de même nature, qu'il avait une semblable destination; ce qui ne peut être mis en doute, puisque la partie supérieure est percée, pour recevoir un cordon de suspension que la première face de ce talisman se rapporte indubitablement au roi Henri II et à sa famille; que sous la figure d'Isis, à tête d'épervier, il faut voir Catherine de Médicis caractérisée par l'emblême particulier de sa maison. Le roi se trouve suffisamment indiqué par l'H couronné, placé dans le bas, entre les deux figures. Comme toutes ces images sont symboliques, il est représenté sous les traits de Jupiter; l'aigle placé dans ses jambes, sert à le désigner; il tient le sceptre fleurdelisé d'une main et de l'autre un livre qui doit être celui du destin, quoique Jupiter y fût soumis comme les autres. Isis lui fait voir, dans un miroir magique qu'elle
lui présente la destinée de ses enfants.
L'exergue présente trois lettres couronnées et deux qui ne le sont pas, savoir F, initiale de François, dauphin, qui devint roi sous le nom de François II; K, initiale de Charles, due d'Orléans, qui fut roi sous le titre de Charles IX, le S décembre 1560; A, initiale d'Alexandre, duc d'Anjou, puis d'Orléans qui prit le nom de Henri III en mémoire de son père, lors de son avénement au trône, en 1574; M. G., sigle de Marguerite de France, née en 1553, qui fut une des plus belles et des plus spirituelles personnes de son temps. C'est la première femme de Henri IV, qui fut aussi la dernière des Valois. Le mot Oxitl est, comme on l'a vu un souhait pour que l'avenir soit avantageux à ceux qui en sont l'objet Plut à Dieu que les choses se passent ainsi. La deuxième face de notre monument est consacrée, comme on l'a vu à reproduire une image de Vénus, dans une complète nudité, tenant un cœur et un peigne. Le mot Hagiel, au-dessus de sa tête, et les caractères cabalistiques qui se trouvent à droite et à gauche viennent confirmer cette désignation puisque le sens attribué à ces caractères dans l'ouvrage d'Agrippa, dont la publication est antérieure vient justifier cette attribution.
Mais si cette figure est allégorique, comme il n'y a pas lieu d'en douter, désigne-t-elle Diane de Poitiers, selon l'opinion de Menestrier, ou Catherine de Médicis, selon celle de Dupuy et Le Duchat ? Nous croirions assez volontiers qu'il y aurait plus de proba-
hilité en faveur de la première hypothèse, à cause du croissant lunaire qui figure dans le groupe de caractères magiques placé à droite de cette figure à la hauteur de la tête. Si nous ne nous abusons pas, il semblerait qu'il y aurait analogie, dans cette marche, avec celle qui a été suivie sur les monnaies, sur les médailles et sur les jetons de ce prince, où l'on voit, sur la première face, les emblèmes royaux de France, et sur la seconde soit le croissant soit le carquois et l'arc, soit le chiffre de sa maitresse, avec la devise, si connue, qu'il avait adoptée Dum totum compleat orbem,
Toutefois, nous sommes loin de penser que cette manifestation soit injurieuse à Diane; il ne peut en être ainsi, puisque c'est après avoir guéri cette femme célèbre d'une maladie extrêmement grave, que Henri, alors dauphin de France ( depuis Henri II ), fit beaucoup d'instances auprès de Fernel pour lui faire accepter la place de premier médecin que ce dernier refusa pendant longtemps avec obstination, pour consacrer tout son temps à l'étude.
Tout le monde sait d'ailleurs que ce célèbre médecin et mathématicien avait d'abord sacrifié à son siècle, en s'occupant sérieusement, dans sa jeunesse, des prestiges de l'astrologie judiciaire plus tard, il abandonna ses erreurs, et regrettait même le temps qu'il y avait consacré de bonne foi. Rien ne répugne donc à penser qu'il soit réellement l'auteur du talisman qui porte sur l'un des exemplaires l'indication de son nom légèrement altéré.
Notre exemplaire précise mieux qu'on n'avait pu le faire par le premier la date de sa confection, puisque la présence du sigle de Marguerite de France née le 14 mai 1552, indique qu'il est postérieur à Alexandre, depuis Henri, né le 19 septembre 1551, et antérieur à François, duc d'Alençon, né le 18 mars 155-4, qui ne s'y trouve pas. Il s'ensuit donc de ce rapprochement que notre monument a dû être exécuté entre la seconde moitié du mois de mars 1552, et les deux premiers mois de l'année 1554. Ainsi, le talisman de Baussy est un second exemplaire du monument, si bizarre qui avait exercé la critique des écrivains du commencement du dernier siècle, et de la fin du précédent j il prouve qu'il en a été tiré au moins quelques-uns outre celui de Catherine, et il démontre de plus l'authenticité du premier, qui, depuis son apparition, n'avait donné lieu, à notre connaissance, à aucune communication de ce genre. Par qui et comment ce dernier a-t-il été apporté dans ce pays ? C'est un point que nous n'entreprendrons point d'éclaircir nous n'aurions pas d'ailleurs les moyens de le faire, d'une manière régulière. Fussent-ils même à notre disposition que nous regarderions cette circonstance comme d'un intérêt assez médiocre, dans le moment actuel. Bayeux, juin 1848.
NOTE
SUR UN TIERS DE SOU D'OR MÉROVINGIEN (') frappé a Bayeux.
Par M. Ck. DE SODBDETAL, membre correspondadt de la Société.
En 1818 mon père était occupé à faire nettoyer et aplanir un terrain qu'il voulait convertir en prairie. Ses ouvriers arrivèrent à un petit tertre jusquelà non remarqué à travers les halliers qui le recouvraient, ainsi que la surface peu régulière d'alentour. Aucun'souvenir, aucune légende n'était consacrée par la tradition locale à cette imperceptible éminence. Les ouvriers l'attaquèrent; et bientôt on vit que c'était la trace d'un petit édifice circulaire qui avait été démoli jusqu'en ses fondements. On ne trouva plus que des débris de ciment, de pierres de briques à rebord quelques-unes de celles-ci étaient entières, et attestaient une origine romaine. Des morceaux de charbon, (') On sait que les monnaies mérovingiennes se divisent en deux espèces :yes royales et celles des monétaires. Les pièces royales, en petit nombre et très-rares, présentent l'effigie du souverain
luisants comme s'ils étaient d'hier, indiquaient que l'édifice avait dû périr dans un incendie. On ramassa successivement plusieurs médailles, un petit bronze gaulois, une douzaine de monnaies impériales de Titus, Faustine Dioclétien Constantin etc. Mais la pièce la plus intéressante fut un triens mérovingien portant, d'un côté l'effigie entière d'un personnage revêtu d'une robe serrée à la taille et descendant à la avec le diadème, et son nom inscrit dans la légende. On ne connaît que douze ou treize villes où l'on ait frappé de la monnaie avec le nom royal. Les lieux où les monétaires mérovingiens ont frappé de la monnaie avec leur nom est bien plus considérable. Presque toutes sont en or, très-peu en argent, et moins encore en cuivre ou billon.
Il serait désirable de connaître l'époque ou la monnaie des monétaires a commencé; mais c'est une chose difficile à préciser. Toutefois il est présumable qu'elle n'est pas antérieure à l'année 550, tel est du moins l'opinion de Lelewel.
Il suffisait de l'image royale imprimée sur la monnaie avec le nom du monétaire et le lieu d'émission, pour autoriser la circulation. Il est présumable que les comtes et les ducs avaient l'inspection et la surveillance de la monnaie de leurs provinces respectives, de tous les ateliers monétaires qui existaient dans le ressort de leur office, comme cela eutlieu sous les Carlovingiens mais on n'en a pas la preuve.
A l'arrivée des Franks dans les Gaules, le droit d'y frapper monnaie était encore la propriété, le monopole des empereurs romains car il fallut une concession en règle du droit de frapper de la monnaie d'or pour que Clotaire 1" pût l'exercer à Arles. On pense aujourd'hui qu'il y aurait possibilité de trouver sur les monnaies mérovingiennes les noms de personnages importants transmis paj l'histoire; ainsi les ministres, les ducs, les maires du palais et les patrices pourraient avoir été concessionnaires du droit d'inscrire leur nom sur la monnaie de l'état. Dans l'hypothèse de l'obligation pour les monétaires d'y inscrire leur nom, il
cheville du pied; ses mains tiennent des objets qui peuvent être des armes. La pièce est parfaitement conservée à la surface; elle ne paraît avoir reçu d'altération que par les bords. Autour de la figure on lit FAST; on voit, de l'autre côté de ce mot, des traces de lettres tellement rognées qu'elles sont illisibles. Sur le revers, on distingue un buste, bien conservé, d'un personnage qui paraît avoir la tête ceinte d'un devait être également obligatoire pour eux de le faire suivre de leur titre, qui constatait la bonne foi de l'émission, et présentait la garantie légale. Les monnaies à noms propres qui ne sont point accompagnées du titre rex, ni du mot monetarius ou de leurs abréviations, peuvent donc appartenir aux comtes ou seigneurs qui durent être chargés de la surveillance des ateliers monétaires placés dans les pays soumis à leur juridiction.
Cette question est importante pour nous au point de vue de l'histoire locale, car sur les huit monnaies de cette époque que nous connaissons maintenant, en y comprenant celle que vient de signaler M. de Sourdeval, qui était entièrement inconnue, ainsi que deux autres qui nous ont été communiquées, et que nous publierons dans un autre travail, il n'y en a qu'une seule où l'on puisse soupçonner, mais encore d'une manière fort douteuse, le sigle du titre de monelarius. En adoptant le système que nous venons d'exposer, nous aurions donc les noms de six comtes, ou seigneurs du Bessin, qui auraient eu la surveillance et la direction de l'atelier Mérovingien existant sous leur juridiction. Ces noms sont, Roccone, Antidioso, Chidolenus, Menardo, Mallacius et Infesto ou Infestio, car c'est ainsi que nous lisons la pièce de M. de Sourdeval. Quatre de ces noms sont à l'ablatif et deux au nominatif.
Toutes ces monnaies portent, sur l'une des faces, le nom de BAIOCAS, et une seule BAIOCAS CIV.
Sur un exemplaire d'un triens découvert à Bordeaux, en démolissant le palais de l'Ombrière ( ancienne demeure des ducs de Guyenne), rue Poitevine, qui appartient à M. Péry, numismatistc
bandeau, et dont les cheveux flottent sur les épaules; il est barbu le commencement de son costume semble être une cuirasse. Autour de sa tête on lit clairement
T Uaiocas
Le T initial n'est peut-être qu'une croix; la seconde lettre qui semble un D au premier abord, permet cependant de voir à la loupe, le commencement de cette_ville, qui a eu la bienveillance de nous en communiquer une empreinte, on lit, fort distinctement, sur le revers IOPRAN COM. avec une croix à branches égales, au-dessus de trois degrés. Voilà donc indubitablement un comte de Bayeux retrouvé avec sa qualité exprimée clairement. La teutonicité de son nom indique assez son origine germanique pour qu'il ne soit pas nécessaire d'insister davantage sur ce point. Ce nom, qui appartient à l'occnpation'saxonne de notre contrée, est d'autant plus remarquable qu'il contraste d'une manière frappante avec les six noms que nous venons d'indiquer tout à l'heure, qui sont positivement latins.
Reste encore un autre triens, frappé à Bayeux, qui a été découvert, il y a plusieurs années, au village de Vaux sous Graye, et qui présente le nom AVDERAN u ( Auderan), appartenant aussi indubitablement aux langues de la Germanie. Il n'est pas facile de découvrir sur ce dernier, qui nous appartient, quel peut être le caractère faisant suite au nom de ce personnage, à cause que le flan n'a pas répondu à l'étendue du coin; mais dans le cas où ce serait un M, le monétaire aurait porté un nom germanique, comme le comte que nous venons de retrouver sur la monnaie précédente. L'existence des Saxons de Bayeux est attestée par l'histoire, puisque l'on sait qu'il y avait un siècle environ qu'ils étaient établis dans le pays lorsqu'ils se soumirent volontairement à l'autorité de Clovis, non à titre de conquête, mais par convention. On les voit, en 578, obéissant aux ordres de Ghilpéric, son petit-fils, qui en envoie un corps dans la Bretagne armorique pour combattre le comte Warrock. Vers 590, un autre corps de ces mêmes Saxons
du lobe supérieur d'un B, et ne laisse pas de doute sur le nom de la ville de Bayeux.
Le lieu où cette pièce a été trouvée se nomme Fontordine, commune de Saint-Gervais (Vendée). La tradition dit que ce fut une commanderie de Templiers, et le nom semble justifier la tradition Fons ordinis.
de Bayeux fut envoyé par Frédégonde, sous la minorité de Clotaire II, au secours de ce même Warrock.
Si l'on considère que, à la fin du vi" et pendant le vu8 siècles, les évêques de ce pays se nommaient Leudoald, Geretrand, Ragnobert, Gerbold et Frambauld noms bien évidemment d'origine germanique, on pourra se faire une idée de la position de ceux qui étaient maîtres du pays et qui exerçaient l'autorité dans cette contrée de la Gaule.
Les rapprochements que nous venons de faire sur les espèces Mérovingiennes, frappées dans notre ville, nous paraissent donc mériter toute l'attention des hommes qui étudient l'histoire ancienne de notre pays; et nous sommes heureux que la bienveillante communication de M. de Sourdeval nous ait donné l'occasion de les présenter aujourd'hui à la Compagnie.
ED. Lambeht.
JULIEN DE PA1LMIER, Par Victor-Évrémont PILLET régent de Rhétorique au collége de Bayeux, membre titulaire de la Société.
I.
Julien de Paulmier, et non pas le Paulmier, comme on l'imprime partout naquit près de Saint-Lo, en 1520. Il était d'une famille noble et ancienne. Il fit ses études de philosophie et de médecine à Paris, où il suivit onze ans les leçons de Fernel. Il reçut d'abord le doctorat dans l'Université de Caen, ensuite à la faculté de médecine de Paris. Puis il commença à pratiquer son art, et passa bientôt pour un des plus habiles médecins de son siècle. Sa réputation toujours croissante le fit appeler auprès de Charles IX, que tourmentaient des insomnies continuelles, et il eut le bonheur de le guérir. Ce succès lui valut les faveurs de la cour. Julien de Paulmier fut attaché comme médecin au duc d'Anjou, qu'il accompagna dans les Pays-Bas, et il lui fut fort utile en quelques occasions importantes. Il suivit aussi le maréchal de Matignon à plusieurs sièges où il ne montra pas moins de prudence, de valeur même, que d'habileté dans son art. Il épousa Marguerite de Chaumont femme d'un esprit distingué, à qui Michel Montaigne adressa un exemplaire de ses Essais, par une lettre
qu'on a conservée. Il était comme elle, de la religion réformée. Sur la fin de ses jours, il se retira avec elle à Caen; car depuis le massacre de la Saint-Barthélemy, où il avait vu périr un grand nombre de ses amis, il était affecté de palpitations de cœur et d'hypocondrie. Il se guérit par l'usage du cidre. Voici comment Jacques de Cahaignes raconte le fait « Durant la première guerre civile, Julien de Paulmier, se sentant menacé de phthisie, à cause d'une vieille défluxion qui luy tomboit du cerveau sur le poulmon print le loisir de revoir la Normandie, dont il estoit natif, espérant que l'air marin plus grossier que celuy de la France, lui pourroit apporter quelque changement en sa maladie. Or, estant de séjour, et voyant ceux qui usoyent de sidre estre pour la plupart bien nourris et en bonpoint, il pensa qu'il luy pourroit aussi beaucoup aider, en modérant la chaleur de son foye, et réprimant les vapeurs du sang qui lui sembloyent fournir de nourriture à sa fluxion, et estre la première cause et vraye source de tout son mal. En quoy il ne fut deceu de son opinion car il n'eut pas plus tost changé le vin en sidre, médiocrement trempé d'eau, et délaissé toutes choses désiccatives qu'il apperceut la défluxion se diminuer peu à peu, et tout le le corps reprendre sa nourriture et son premier embonpoinct.» C'était un motif pour s'occuper du cidre, auquel il avait tant d'obligations. Julien de Paulmier publia donc un Traité dans lequel cette boisson est placée au-dessus du vin. Cet habile praticien mourut, à Caen, au mois de décembre 588 à l'âge de 68
ans (). Sa femme lui survécut et il laissa plusieurs enfants, dont le plus jeune se distingua par son érudition.
On a de Julien de Paulmier
f Traité de la nature et curation des plaies de pistolle, arquebuse et autres bastons à feu. Paris, 1569, in-8°; Caen, même année, in-4°. Dans l'épître dédicatoire à J. de Matignon « Cet œuvre est si petit, lui dit-il, que je ne l'eusse séparé des autres que j'ai faits sur toute la chirurgie, ni mis en langue vulgaire contre ma coustume et délibération n'eust esté pour vous faire entendre combien je me répète vostre attenu (obligé).» Cet opuscule est très-rare. 2° De morbis contagiosis libri VII. Paris, 1578, in-4°. Les deux premiers livres traitent de la maladie vénérienne; le troisième, du mercure le quatrième, de l'éléphantiasis; le cinquième, de l'hydrophobie, et les deux derniers de la peste. Cet ouvrage a été traduit en français par Jacques de Cahaignes, et imprimé, à Caen, chez Pierre Le Chandelier, en 1580. (') Voici ce qu'en raconte le président La Barre dans son Formulaire des Esleuz, pag. 568-9 c Usant de sidre le médecin Paulmier menacé d'une pthysie, par une fluction, qui luy tomboit sur les poulmons, prévint son mal le surmonta, et vescut encore fort longuement, jusques à ce que d'une extrémité en l'autre, par trop de réplétion, une apoplexie nous l'osta au grand regret de ses amis. Car de son art il estoit fort secourable, et pour ce on lui petit donner ce tesmoignage
Le médecin Paulmier fut heureux en srs cures,
A vivant obligé infinis créatures, 1
Et ore combien que mort ne peut mourir sa gloire
Des liiimains les bienfaits continuent leur mémoire. u
3° De vino et pomaceo libri duo. Paris, 1588 in-8°. Ce traité, copié par La Framboisière (OEuvres de N. Abraham'de La Framboisière, conseiller et médecin du Roy, Lyon, m.dg.lxix, in-folio, pag. 84 et suiv.), a été traduit par J. de Cahaignes, Caen, 1589, in-8°. C'est un des plus anciens ouvrages qui aient été publiés sur le cidre. Ce curieux opuscule renferme des faits utiles. Aussi allons-nous le remettre en lumière par une analyse détaillée et de longues et nombreuses citations.
Voici le titre latin du livre de Julien de Paulmier JULIANI PALMARII DE VINO ET POMACEO LIBRI DUO. La traduction est intitulée
TRAITÉ DU VIN ET DU sidre.
Par Julien de Paulmier, docteur en la faculté de médecine à Paris; à Caen, chez Pierre Le Chandellier, 1589. Cet ouvrage est très-rare.
Cette traduction est sans nom d'auteur; mais Huet nous apprend qu'elle est de Jacques de Cahaignes « Jacques de Cahaignes, dit-il, médecin dans l'Université de Caen, dont il fut recteur, avait pris des leçons de Julien de Paulmier. Il fut aussi professeur royal dans la faculté de médecine de Caen. Il traduisit du latin en françois le livre de Julien le Paulmier sur le sidre.»
L'ouvrage^latin comme la traduction, débute par une épître dédicatoire à M. Le Jumel de Lizores conseiller du Roy en son conseil d'Estat, et président en-sa court de Parlement à Rouen. Julien de Paulmier y dit où et pourquoi il a composé son livre
« Cùm ante annos duodecim in Neustriâ natali solo valetudinis causâ agerem, ut tempus et otium, in quo prseter consuetudinem, versabar, fallerem, quicquid a veteribus de vino variis libris proditum est, scitu imprimis dignum in commentariolum contraxi. JJ Puis ce discours parachevé, traduit J. de Cahaignes j'ay pensé devoir ce service à mon pays de tesmoigner ce que l'expérience m'a appris sur l'usage du pommé, que nous appelons sidre, qui est un bruvage de tout temps usité en Normandie et en Biscaye, tant pour réfuter le mauvais jugement que plusieurs en font, et ceux entr'autres qui aiment le vin plus pour le plaisir que pour la nécessité; que pour monstrer aussi aux François et à tous autres qui l'ont ignoré jusqu'ici, combien l'usage en est bon et salutaire. Joint que je portois il y a longtemps assez impatiemment que l'honneur et la commodité de ce bruvage demeuroit si longtemps à couvert, veu que Hipocrate avoit bien pris la peine d'escrire exprès en la louange de l'orge, et Caton de faire un discours à part en faveur du chou, et des divers biens qu'il [apporte. Et pourtant afin que le sidre vienne en cartier, et puisse servir aux sains et aux malades auxquels il sera plus propre et plus naturel, au lieu de vin ou de bière; j'ai bien voulu ajouster au discours du vin, un autre du sidre, du poiré et de la bière, et donner l'un et l'autre au public.» »
Le Traité de vino et pomaceo est précédé de quelques pièces de vers latins à la louange de Julien de Paulmier. La traduction, outre ces mêmes vers,
contient une ode française de Pierre Gondouin. « J. de Cahaignes, dit Huet, dans ses Origines de Caen, pag. 351 met au rang des illustres citoyens de Caen Pierre Gondouin poète françois. Si ses ouvrages avaient vu le jour, nous pourrions juger si ses vers méritaient les louanges que ce bon médecin leur a données d'être polis, agréables, piquants même et pleins d'un sel acre, lorsque l'auteur était irrité, et propres à lui acquérir une grande réputation. » Nous extrairons de cette ode quelques strophes, pour montrer que l'influence de Ronsard se faisait encore sentir à Caen, en 1589, au moment même où Malherbe était venu, selon l'expression de Boileau. ODE
A M. PAULMIER, SUR SON livre DU SIDRE.
A
Je voy nostre peuple normand,
Qui çà et là friandement,
Une estrange boisson mandie,
Sans encore avoir bien gousté
Le nectar à lui dégoutté
Dans sa fertile Normandie.
Desvoillons doncques le bandeau
Dont ce fumeux trouble-cerveau
Tient nostre veüe ensommeillée;
Pour cognoistre parfaitement
Le précieux emmannement
Dont la Normandie est comblée.
Qu'on t'escoute, docte Paulmier,
Toy qui nous chantes le premier,
Les précieux fruits qu'elle donne. Qu'on lise dedans tes escrits Lequel doit emporter le prix, Ou de Bacchus ou de Pomone. Qu'on voye comme sagement
Tu poises le tempérament
De ta liqueur jaune-dorée
Contre le corosif du vin,
Dont le Silénien mutin
Enyvre sa troupe altérée.
îo Paulmier; je voy desjà
La vigne, que le François a
De vignerons abandonnée
Et semble à veoir ses longs rameaux Traîner boueux sur les costeaux, Qu'elle soit toute contemnée Que les Normans à l'advenir,
Se puissent tous jours souvenir Mieux qu'à Bacche te faire feste; Et qu'au lieu du cri enroué
D'ïach, d'ïaha, d'évoë,
Ton nom se chante à gorge ouverte Qne comme au Thyase vineux, Un petit sarment pampineux
Entouroit le bachique thyrse, Chacun d'eux porte, en te chantant, Le rameau que tu vas vantant, Et dont nostre terre est nourrice. Ainsi, Paulmier, docte sonneur, Qui premier as chanté l'honneur De la riche forest pommeuse, Tu seras en elle honoré,
Et comme un Neptune adoré
Dedans ta jaune mer sidreuse.
II.
Dans l'analyse et les extraits que nous donnerons du Traité de Julien de Paulmier, nous nous servirons de la traduction de J. de Cahaignes, afin de faire connaitre l'état de la langue française à cette époque. Le premier livre de l'ouvrage traite du vin. On dit ce que c'est que le vin. Mais quel en fut l'inventeur ? Chez les anciens, les avis sont partagés. C'est Noé, dit la Bible. Nicandre de Colophon prétend que c'est OEno. C'est Icare selon d'autres. Si l'on en croit Athénée, c'est Oreste, fils de Deucalion qui régna près de l'Etna. « Quant à mon advis, dit J. de Paulmier, dès le commencement du monde, la vigne a pris sa naissance avec les autres arbres fruitiers, encore que nos premiers pères ayent ignoré l'usage du vin, jusques au temps de Noé et qu'ainsi soit, il est certain qu'en l'Amérique et en la Floride, mesme presqu'en toutes les autres provinces, n'aguères descouvertes, les vignes croissent fort belles, sans l'industrie de l'homme, et portent fort bons raisins, combien que l'usage du vin jusques à ce siècle soit demeuré incogneu aux habitants.» u
L'auteur passe ensuite aux propriétés médicinales du vin. Il condamne le vin nouveau, et fait l'éloge du vin vieux il en vante les vertus. « Or, comme le vin, dit-il, est à bon droit préféré aux autres breuvages, aussi apporte-t-il plus d'incommoditez que nul autre, par sa quantité, qualité, ou évaporation.»
Puis suit l'énumération des mauvais effets que
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produit l'excès du vin. Ensuite l'auteur s'occupe de la différence des vins.
« Nous considérons au vin, dit-il, la couleur, la saveur, l'odeur, la faculté et consistence, dont on tire ses principales différences.» L'auteur signale les bonnes et les mauvaises propriétés de ces différentes espèces de vins.
« Reste maintenant, dit Julien de Paulmier, à traiter sommairement des différences des vins françois dont nous buvons ordinairement à Paris, prinses de la diversité des régions et provinces où ils croissent.» C'est par là qu'il termine son premier livre; dans le second, il s'occupe du cidre, du poiré et de la bière. III.
Jacques de Cahaignes s'est montré traducteur assez fidèle, dans le premier livre qui traite du vin; mais dans le second, qui est relatif au cidre, il paraphrase plus qu'il ne traduit; il a fait même d'importantes additions. Il n'y a rien là d'étonnant. Jacques de Cahaignes était le champion déclaré du cidre; il rompit, en janvier 1587, une lance contre Jean Riolan, médecin et professeur à Paris, qui « s'oublia, rapporte le président La Barre (Formulaire des Esleuz, pag. 564), de dire en une de ses leçons à Paris que les pommes et usage du pommé engendraient la lèpre en Normandie. Le docteur Cahaignes médecin de Caen, le sceut fort bien relever, et, vengeant l'injure faite à sa patrie lui remonstrer que les pommes ny le sidre ne trainoient point cela de vice avec en\, n'v hl
ayant en Normandie beaucoup moins de ladres qu'ailleurs. Les ladreries y sont ores presque toutes désertes.» J. de Cahaignes prend la chose an sérieux, si nous en jugeons par la réparation qu'il exige de Jean Riolan « Finiam ergo, si prius duo a te postulavero unum, ut mihi de violatâ Normannorum famâ satisfacias. Satisfeceris autem, si te mihi per literas purgaveris. Hâc enim levissimâ pœnâ ero contentus; quamvis injuria publicè illata, publicè deberet expiari. Alterum, ut falsam quam de nostro pomaceo concepisti opinionem, nec ratione nec experientiâ stabilitam deponas, et ingenuè tuum errorem confitearis. Jean Riolan lui fit une réponse qui ne le satisfit point, comme on le voit par une lettre qu'il écrivit en février 1588, à G. Lusson, médecin à Paris « Neque legitima est, quam Riolanus attulit excusatio. Non enim quicquam de pomaceo, nisi usu compertum, et ratione stabilitum debuit in medium afferre. » Ces trois lettres se trouvent à la fin de la traduction française.
J. de Cahaignes a fait précéder d'une Apologie du translateur contre l'usage du vin et du sidre sans eau, sa traduction du second livre, qu'il a divisé en chapitres, ce qu'avait négligé l'auteur latin. Ce que c'est que le cidre et le poiré comment se fait le cidre ? Le gros, le petit. Quand doit-on cueillir les pommes? Voilà la matière du premier chapitre. Ce qui se pratiquait alors, se fait encore aujourd'hui La préparation du cidre n'a pas fait de progrès depuis cette époque. Quel fut l'inventeur du cidre ?
Tel est le sujet du deuxième chapitre. « II est vraysemblable que l'invention du sidre soit fort ancienne, veu que de temps immémorial l'usage en est en Biscaye, et en ceste province de Normandie. Mais il est autant impossible de dire qui en ait esté le premier inventeur qu'il est difficile de composer le différent qui est entre les Normans et Biscains pour la première possession que l'une et l'autre partie se prétend attribuer; de quoy toutes fois jamais homme, que je sache, n'a laissé aucune chose par escrit. Il pourroit néantmoins sembler que le sidre n'estoit anciennement si commun en Normandie qu'il est de présent d'autant qu'il ne se trouve monastère ne chasteau, ne maison antique, où il n'y ait vestiges manifestes et apparentes ruines des brasseries de bière qu'on y souloit faire pour la provision ordinaire. Et n'y a pas cinquante ans qu'à Rouen et en tout le pays de Caux, la bière estoit le boire commun du peuple, comme est de présent le sidre; mais il estoit bien raisonnable que la bière cédast à une liqueur si plaisante et si salutaire qu'est le sidre, comme il faudra qu'estant cogneu par les médecins qu'il prenne pied par toute la France. Autrement quelle faute seroit-ce aux médecins de rechercher si curieusement et avec tant de fraiz, tant de remèdes jusques aux entrailles de la terre et mespriser cestuy-ci qui est si plaisante et si excellente médecine d'une infinité de maladies ? Quelle paresse seroit-ce aux hommes de se priver d'un boire si bon, qui peut croistre sur les chemins et ès ceintures de leurs dosages sans despense
et sans fraiz avec bien peu de diligence ? » Jacques de Cahaignes ajoute au texte latin ces quelques lignes « Les Costentinois en ont cogneu premièrement l'usage par deçà, ce qu'on peut entendre par les plus vieilles et antiques fieffes de leurs terres, faites aux charges et conditions de cueillir les pommes et faire les sidres. » Les chapitres trois et quatre traitent de la Température et des vertus et propriétez singuliéres du sidre.
Le cidre est une excellente boisson, meilleure que l'eau, meilleure que le vin et la bière. Le cidre se digère facilement; il nourrit, fortifie et réjouit l'homme. « Il resjouit aussi et est cause de liesse, par le moyen d'une vapeur tempérée et familière à la nature, laquelle se respand promptement par tous les membres, voire s'insinue jusques aux veines et artères et ès ventricules du coeur, réprimant, dissipant et corrigeant toute vapeur ou fumée mélancholique. C'est pourquoy nos ancestres ayans remarqué ceste vertu et faculté ès pommes odoriférantes et en leur jus, nous en ont composé un syrop pour les mélancholiques que les apothicaires dispensent par toute la France et gardent en leurs boutiques. Outre ce témoignage de l'antiquité, nous avons assez expérimenté en la curation d'une infinité de mélancholiques hypochondriaques, et en moy mesme quelle est l'efficace du sidre à la correction de l'humeur melancholique fait par adustion de cholère et de tous ses accidents. Car ayant esté fort travaillé trois ans entiers d'une palpitation de cœur et d'autres accidents familiers aux mélancholi-
ques hypochondriaques après avoir observé régime exquis, corrigé par tous moyens possibles et purgé souvent l'humeur mélancholique bruslé, je ne me suis du tout remis en mon naturel, jusques à ce que m'estant retiré en Normandie pour la fureur des guerres civiles, j'aye commué l'usage du vin en sidre, lequel m'a tellement et en peu de temps restabli en ma première santé, qu'il ne me reste aucun vestige de la précédente maladie laquelle néantmoins plusieurs estimoyent incurable.
Le sidre est excellent remède de toute syncope ou foiblesse excitée de grande évacuation pour les esprits dissipez qu'il répare incontinent. II provoque aussi le sommeil et rend le dormir doux par la bénignité de sa vapeur voire beaucoup plus que le vin françois. JI y a davantage qu'il tient ordinairement le ventre plus mol que le vin, parce qu'il humecte. Il fait abondance de laict aux nourrices, voire corrige le vice de leur sang, si elles avoyent esté nourries de vin ou de bière auparavant tellement que les princes et grands seigneurs devroient estre bien curieux d'en faire user aux nourrices de leurs enfants, pour les exempter de tant d'inconveniens que l'usage du vin leur attire. M
Dans les chapitres cinq, six et sept, l'auteur s'occupe de la diffèrence des sidres.
Le huitième chapitre appartient tout entier à J. de Cahaignes. Il y donne la nomenclature fort détaillée de plusieurs variétés de pommes. Comme il peut intéresser la pomiculture normande, je vais le transcrire en entier.
CHAPITRE VIII.
Quelles sont les plus excellentes pommes à faire sidre ?
Les meilleurs sidres de la Normandie se trouvent en Cotentin et en premier lieu à Beuzeville sur le Vé, chez le sieur duquel lieu se trouve Chevalier, pomme rayée de rouge, grosse comme un œuf ou plus, aigrette comme passe-pomme, mais plus succulente, de couleur un peu vermeille au-dedans. Le pommier est moyen et de menu bois..
Pomme-poire est plus longue et plus ronde que Chevalier, ayant néantmoins mesme goust et presque mesme couleur au dedans et autant de jus. Le pommier est moyen, mais plus rond que le précédent. Le sidre de ces deux espèces de pommes pillées ensemble est si peu couloré qu'il serait pris pour poiré, si on n'en goustoit. Il est si clair et si transparent qu'on verroit un ciron dedans; il estincelle fort au voirre et est prest à boire deux ou trois mois après sa façon. Il est clair, subtil et apéritif comme vin blanc sans toutes fois offenser le cerveau par ses vapeurs, et sans trop eschauffer le foye, encore qu'on le boyve sans eau autant différent des 'autres bons sidres plus grossiers, que sont les plus petits vins françois et le plus petit vin d'Aï d'avec celuy d'Orléans. Il est fort salutaire pour tout homme de lettres et d'estat et qui vit en repos principalement pour ceux qui sont de complexion chaude, sèche et cholérique, et peut estre permis aux fébricitans, en le trempant de moitié d'eau, ou pour le moins du tiers.
Amer-doux-blanc pomme blanche, assez grosse et longue, quelque peu côtelée. Le pommier fleurit des derniers et néantmoins la pomme est des premières meures, de sorte que le sidre s'en peut faire à la my-septembre lequel toutes fois est fort tardif à se cuire et purifier, et partant se peut garder en sa bonté jusques à la seconde année. Ce sidre est des plus excellents et plus beaux; mesme des plus forts et vigoureux c'est pourquoy ceux qui veulent vivre en bonne santé n'en doyvent boire sans le tremper, plus ou moins selon leur complexion c'est le^plus nuisible au cerveau de tous les sidres.
Amer-doux-verd, est tardif, de fleur incarnate et belle; la pomme est meure à la Toussaint le sidre est excellent et fort vigoureux, mesme la seconde année, et ne doit estre beu sans eau, principalement de ceux qui sont subjects à catharres et à fièvres. Menuet, petite pomme jaune et blanche et quelque peu rouge, laquelle croist en grappe et tient fort à l'arbre; elle est douce, mais peu succulente le sidre en est excellent et de grande nourriture. Doux-bel-heur, belle pomme et grosse ronde et courte, ayant la peau dure. Si on veut attendre sa maturité, le sidre ne sera fait plus tost que le Caresme. Estant meure, elle a une douceur sucrée; le sidre est fort clair et jaune, des meilleurs jusques à la seconde année.
Doux-balon, pomme verde, ronde et molle comme une balle ou pelotte, grosse, belle et douce, qui fait fort bon sidre.
Pomme de Soucy, petite et rouge, bonne à manger crue, laquelle néantmoins fait sidre excellent, qui se peut garder deux ou trois ans. Il se doit faire en octobre; le pommier est petit.
Avoyne, pomme douce, belle et grosoe qui fait sidre bien clair, et néantmoins de longue garde comme de deux ou de trois ans, principalement si elle estoit meslée avec pomme de feine.
Jean-Almy, pomme jaune, douce et belle, fait sidre excellent; mais si elle est trop meure, trop pillée ou pressée; il est ordinairement chargé de flottons. Pomme de Sainet Gilles, est verde, belle et douce, comme si elle estoit sucrée; elle a la queue longue, et charge le pommier jusques au gros de l'arbre. Pomme de Rouget, grosse et ronde; le sidre est haut en couleur et fort excellent, et est le pommier de bon rapport.
Oger, pomme surette ou aigrette, de bonne odeur; et plus plaisante à manger crue que passe-pomme, et qui fait néantmoins sidre clair et de très-salutaire usage. Cousinette, petite pomme rouge bonne à manger crue et à faire sidre; elle se garde jusques à Pasques et fait le sidre clair et subtil.
Pomme-cire, est douce comme miel; le sidre d'icelle se doit faire à la my-aoust et est des premiers déféquez.
Turbet ou Turbat-caput, petite pomme douce blanche. Le sidre est assez bon; mais il donne fort à la teste, dont la pomme a prins son nom. Le pommier monte en haut et est tost parcreu. La greffe de
ceste espèce a ceci de propre, à ce qu'ils en disent, qu'elle redresse le pommier sur lequel elle est entée, s'il estoit tortu.
Greffe de Monsieur, c'est une sorte de grosse pomme douce, de la dernière fleuraison et de la première maturité entre les bonnes. Le sidre se fait au commencement de septembre. Les greffes ont esté naguères apportées de Biscaye. Monsieur de l'Estre, à deux lieues de Valongnes, a esté le premier qui les a entées, à ce que j'ay entendu au pays.
Court d'Aleaume, comme la précédente des dernières fleurs; et de la première maturité; pomme moyenne, blanche, amère et sèche preste à sidrer en septembre. Le sidre est jaune et beau et excellent. Barbarie de Biscaye, grosse pomme longue, verde et rousse, reliée douce-amère fort bonne à manger cuite. Le sidre est des meilleurs, mais trop grossier, si l'on n'y en mesle d'autres qui le clarifient. Il s'en trouve à Piquauville chez Monsieur de la Haulle, près le Bourg-l'Abbé en Costentin.
Espice. A Morsalines, près la Hogue en Costentin, il y a une espèce de pommes qu'ils appellent d'Espice, desquelles on fait sidre si excellent que il est par dessus les autres. Le feu grand Roy François, passant par là en l'an mil cinq cens trente deux en fist porter en barraux à sa suite, dont il usa tant qu'il peut durer.
Belle-fille grosse pomme blanche et douce, bonne à manger; elle fait fort bon sidre mais elle est peu succulente.
Escarlate, pomme moyenne, toute rouge comme sang;, mesme au-dedans en la morsure, pleine de petites veines qui semblent contenir du sang, tant elles sont rouges. Le sidre est fort jaune tirant sur le rouge. Le pommier est large et en roue, non haut. Le sidre se garde doux deux ans; il est espais au commencement'; mais dans le six ou septième mois estant bien paré ou déféqué, il devient doux et piquant et ressent fort la canelle. On le fait à la myoctobre. On n'en doit boire sans eau, si l'on désire vivre longuement en bonne santé.
Becquet, petite pomme verde en l'arbre, et en sa maturité jaune comme or. Le pommier est grand et estendu; mais de menu bois; le sidre est de couleur d'ambre, orangé, transparent et fin; il demeure doux un an, et de là en avant, il est du goust commun des bons sidres, sans douceur, demeurant bon à boire jusques à la troisième feuille, sans surir ou aigrir; on le fait environ la my-octobre.
Ameret ressemble fort à Becquet, excepté qu'elle n'est seulement douce comme Becquet mais aussi amère dont elle a pris le nom. Le pommier et son bois ressemble aussi au pommier de Becquet, et s'en fait le sidre en mesme temps. Ce sidre est des plus excellents, rouge et beau jusques à la seconde année; mais parce qu'il eschauffe iort et remplit le cerveau de vapeurs, on n'en doit boire sans le tremper de la moitié ou du tiers d'eau.
Couet, est une petite pomme à longue et mince queue, dont luy a esté imposé ce nom; blanche et
odoriférante comme Becquet, mais un peu plus amère. Le pommier est rond et si fourni de bois qu'on n'y peut pénétrer. Le sidre se fait à la fin d'octobre, fort excellent et puissant, de couleur plus rouge que Becquet mais Becquet se purifie mieux et est plus haut en couleur.
Cul-noué, fait sidre autant ou plus excellent que Couet; elle a la queue fort courte, et de là elle a pris son nom.
Pepin-percé, pomme verde et rouge, de grosseur médiocre, fort douce, mais peu succulente; le sidre en est clair et excellent; le pommier beau, croissant en haut et qui porte sonvent.
Nostre-Dame sauvage. Chez les héritiers du feu sieur d'Hérondeville, à Cardonville, il y a de plusieurs sortes de pommes excellentes à sidre; celle qu'ils appellent Nostre-Dame-Sauvage, fait sidre excellent. Le pommier croist en roue et fleurit des premiers; la pomme en est ronde et grosse comme le poing, fort douce et assez succulente, rouge d'un côté, blanche de l'autre, dure et de laquelle on ne doit tirer le sidre plus tost que Noël; lequel demeure longuement trouble et espais; mais la seconde année il devient si clair et transparent et si doux qu'il s'en trouve peu de meilleur.
Pomme de Haze, longue et jaune, très-odoriférante, fait sidre grossier la première année, trèsexcellent la seconde, de couleur d'ambre; elle corrige les autres avec lesquelles on la mesle au pressoir. Sa fleur résiste fort bien aux injures de l'air.
Couille-Barbe, petite pomme rouge d'un costé qui fait sidre fort excellent.
Germaine, fait sidre autant ou plus excellent, plaisant et délectable que j'en aye oncques veu entre ceux qui se purifient tost il est transparent, tirant de couleur d'ambre, plaisant à boire et fort vigoureux, et se garde un an bon et délicat.
Guault.- Monsieur d'Aignerville près de Trévières, a du sidre quej'estime du tout semblable à celuy de Germaine il appelle néantmoins la pomme dont on le fait, pomme de Guault et tient que elle n'est semblable à Germaine.
En l'abbaye de Longues près Bayeux, et en tout le pays circonvoisin se trouvent ces suyvantes sortes de pommes bonnes à sidre
Marin-Onfroy Le pommier est de fort beau bois et touffu, plus large que haut, fort chargé de branches et si espais qu'il se deffend fort bien contre toute injure du temps; il fleurit des premiers et rapporte de deux ans en deux ans. La pomme est ronde et rouge d'un costé; le sidre est clair et transparent; mais il se doit boire la première année autrement il devient sùr.
Doux de la Lande, ou Blanc-Doux, ou Blanchet, parce que les pommes sont blanches; la première année le sidre de ces pommes demeure trouble et espais et se noircit au voirre; la seconde, il devient clair et transparent, néantmoins doux et des plus excellenfs.
Doux-Dagorie pomme moyenne, rouge d'un costé
et verde de l'autre; laquelle approchant de sa maturité jauuit fort. Le sidre est beau et jaune mais il doit être beu la première année parce qu'il s'aigrit aux chaleurs.
Ilérouet, sidre excellent. La pomme est grosse et verde au pommier mais elle devient jaune et fort odoriférante en sa maturité elle est si tendre et si délicate que les mouches et oiseaux luy font la guerre le sidre n'en est prest à boire que six mois après la façon, et se garde bon un an mais il a ce vice de se noircir au verre. Le pommier de Hérouet fleurit tard; mais il est de bon rapport.
Gros-doux belle et grosse pomme douce, jaune, odoriférante et qui fait bon sidre.
Franche-Mariette est une grosse pomme, tendre et blanche, qui a quelques taches rouges d'un costé et vient en maturité premier que la passe-pomme, et est aigre-douce. Ce sidre est excellent à la primeur, et de bon usage, parce qu'il est subtil et apéritif et peu vaporeux; mais il n'est de garde.
Pomme de Dames fait bon sidre et des premiers prests à boire; mais il ne se peut garder longuement. Mennelot, pomme fort petite, de couleur rouge entremeslée de blanc et fort douce, qui fait cidre moyen.
Coqueret. Le pommier croist en rond, de moyenne grandeur et porte souvent; la pomme est moyenne, presque toute rousse, au gros des branches, fort douce, meure environ la Toussaint, et preste à sidrer à la fin de novembre. Le sidre est
grossier et espais la première année la seconde, il est clair, citrin et transparent. II y a un autre Coqueret verd qui est de peu de valeur.
Feuillu pommier grand, ayant force feuilles, dont la pomme a esté ainsi appellée. La pomme est ronde, de grosseur moyenne et de couleur rousse, fort douce avec quelque apparence d'amertume, peu succulente, meure à la Toussaint et preste à sidrer en novembre. Le sidre est doux, gros et espais dès le commencement mais il se défèque, cuit et purifie si bien avec le temps qu'il est des plus estimez.
Doux-Ver et pomme tendre et douce, de moyenne grosseur, pointue, blanche et quelque peu rousse par le bas, et laquelle fait fort bon sidre.
Doux-Auvesque. Chez le sieur de Montagu des Bois à trois lieues de Coutances, on trouve des pommiers de Doux-Auvesque ils sont bas et estendus, et peuvent estre offensez en leurs boutons, mais la fleur venue, on se peut assurer qu'ils auront des pommes. La pomme est de la grosseur d'une moyenne orange, blanche, rouge d'un costé, douce et tendre, preste à cueillir sur la fin du mois d'août. Le sidre en est doux et fort bon et se garde deux ans. Sapin. Ce pommier croist en haut et en forme d'un sapin les pommes sont longuettes, blanches d'un costé, et rouges de l'autre, meures en septembre. Le sidre se défèque fort bien et se garde bon deux ans.
Trochet pomme de la grosseur d'une grosse noix ou plus, blanche et fort douce, laquelle on nomme
Trochet ou Troquet, parce qu'elle est ès branches du pommier par grappes qu'ils appellent ainsi. Le sidre est clair et transparent, de couleur d'ambre lorsqu'il est en sa maturité. Il devient sûr la seconde année.
Gay, pomme douce avec quelque petite amertume, petite, blanche d'un costé, rousse de l'autre, preste à sidrer à la fin de septembre elle a peu de jus et le cidre est amer, trouble et espais, et se noircit tost au verre, la première année mais la seconde, il se clarifie tellement, qu'il devient clair, transparent, de couleur d'ambre, doux et plaisant; il se garde jusques à la troisième et quatrième année. Le pommier est beau et de grandeur moyenne.
Cappe, pomme ronde, de la grosseur d'un estœuf, rouge d'un costé, tirant sur le blanc de l'autre elle vient par grappes, quinze ou vingt pommes en la grappe, et est meure à la Toussaint pour le plus tard. Le sidre est clair dès le commencement néantmoins il se garde bon jusques à la deuxième année, et si le terroir est gras, jusques à la quatrième. Le pommier est fort espais de branches en roue, et se charge si bien de fruict qu'un seul en peut porter une pipe.
Ozane, il y en a deux espèces, l'une moyenne, l'autre grosse. La petite est douce, verde du commencement, puis blanche, et enfin citrine, marquée de quelques taches rouges tardive à venir en maturité. Le sidre est de couleur d'ambre, doux, clairet et transparent; il se garde bon jusques a la deu-
xième année et si d'aventure, il surit l'esté, les chaleurs passées, il retourne en son naturel. La grosse Ozane fait fort bon sidre, et se trouve à Beuzeville, au lieu de feu Petitpas.
Massue, pomme grosse et douce, rouge d'un costé, et verde de l'autre; on en tire le sidre viron la Toussaint, lequel est gros, doux et de grande nourriture, et ne s'esclaircit qu'il ne soit la seconde année. Le pommier est grand et beau et charge fort.
Guyboure ou Guybou, pomme douce qui fait bon sidre; elle est fort verde et quelque peu rouge par endroits. Le pommier est petit et rond.
Varaville, Pomme verde, de la grosseur et rondeur d'un œuf, douce, meure à la Toussaint. Le sidre en est fort doux et haut en couleur, vaporeux et puissant, qui se garde bien deux ans ou plus. Le pommier est moyen mais de grand rapport.
Barberic ou Barberie pomme grosse et ronde verde d'un costé, tachée de rouge de l'autre, douce et bonne à manger, estant en sa maturité. Le sidre du commencement est rude, gros et mal plaisant, et se noircit au verre mais la seconde année, il devient clair et fort excellent, principalement s'il est corrigé de meslange de pommes sûres. Le pommier est assez grand et de bon rapport mais il est facilement offensé des brouées et frimàts.
Barberiot, diminutif de Barberic; le pommier est plus petit et la pomme aussi, mais il charge plus souvent et fait meilleur sidre.
Pomme de Saux, longue verde et costelée, douce,
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peu amère. Elle fait fort bon sidre, de couleur d'ambre et de bonne garde. Le pommier est de bonne grandeur.
Doux-Martin pomme longuette blanche eslevée par costes, meure à la Sainct-Michel, douce, peu succulente; le sidre en est doux, jaune, excellent la première et la seconde année, prest à boire à la StJean.
Pomme de Renouvellet. Le sieur du Breuil, en Auge, près le Pont-l'Evesque, a des pommes qu'ils appellent Renouvellet. Le pommier est beau, de moyenne grandeur et de menu bois; la pomme n'excède la grosse d'un estœuf; on la fait cueillir en aoust, pour en faire le sidre en septembre, qui est grossier, doux et fumeux les deux premiers mois, s'il est fait sans eau mais sur le troisième il se clarifie et vient assez beau, de couleur rousse, ou entre orengé et roux. On le boit à la primeur, sçavoir dans le deuxième ou troisième mois où pour cette cause on l'a nommé Renouvellet. J'en ay veu toutes fois garder six ou sept mois en sa bonté chez ledit sieur du Breuil. Il est si chaud et vaporeux les premiers mois qu'il enyvre plus que le vin, si on le boit sans eau. Guillot-Roger, fait sidre très-excellent et si plaisant qu'il semble estre aromatizé de canelle. Peau de Vieille, pomme belle, rouge d'un costé et blanche de l'autre, duquel elle est un peu ridée. Le sidre s'en fait à la my-septembre, sans garder la pomme plus de dix ou douze jours au grenier et est des premiers déféquez. M
Roussette ou Oignonnet, ronde comme un oignon et rousse; elle fait irès-bon sidre et de garde. Bedengue, fait sidre doux, délicat et jaune, qui est déféqué après Pasques.
Boullemont pomme douce et longuette, marquetée de roux par la teste; le sidre. en est doux, clair et bon le pommier beau et large.
Sauger-blanc, pomme douce et tendre et de longue garde. Le pommier ne porte qu'il n'ait six ans, pommier qui se deffend contre toute injure du temps; mais il ne porte que de deux ans en deux ans. Douce-ente croist en haut comme sapin du commencement mais il se dilate fort par après. La pomme est grosse, blanche d'un costé et rouge de l'autre, douce et succulente le sidre doux et clair estant purifié; mais sa couleur n'est bien vive ni haute, ains obscure; il se fait à la Toussaint, et se garde bon jusques à l'aoust seulement.
Amelot, est une petite et assez grosse pomme elle fait sidre jaune et quelque peu rouge, de fort bonne odeur, amère-douce, meure en septembre, et preste à cidrer en la fin dudit mois, ou au commencement d'octobre, et bientôt après déféqué, de sorte qu'on peut commencer en boire à la Saint-Michel, et néantmoins d'autant qu'il a beaucoup de force et de vigueur, il se peut garder bon un an entier. Tard-fleury. Le pommier est assez grand et de beau bois; il fleurit au mois de may pour le plus tost, quelquefois en juin. Il porte tous les ans; la pomme est grosse comme un estœuf et fort douce,
et le sidre assez bon et fort clair et de belle couleur. Acoup-Venant pommier fort beau, qui vient tost en perfection et duquel la greffe se peut enter en sève, mesme sur autres arbres vieux; de sorte que c'est celuy de tous qui reprend et profite mieux enté en sève. La pomme est belle et grosse, rougette d'un costé; le sidre bon, doux, délicat et fort clair. Freschin, pomme douce-amère fait sidre excellent jusques à la troisième année, et se deffend bien la fleur contre les injures du ciel; le pommier porte dès la deuxième année, et souvent.
Chemin faisant, notre auteur indique un moyen pour faire du cidre de bonne garde « Le sidre de pommes douces qu'on veut garder pour la seconde ou troisième année, se doit faire de pommes qui ne soyent exactement meures; il en sera plus rude la première année; mais il se meurira au vaisseau, et se cuira peu à peu comme eust fait la pomme au grenier, et sera excellent la seconde, et n'aura tant de fèces (lie) que celuy qui sera fait de pommes trop meures. >j
II indique aussi le moyen de faire changer la mauvaise odeur d'un vaisseau où l'on met sidre « Prenez le marc de sidre tiré de nouveau a la presse, et en emplez le vaisseau y laissant deux jours ledit marc, puis le rejetez en la cuve pour faire du petit sidre. Réitérez cela par trois fois, et vous aurez le vaisseau fort bon car le marc s'eschanffant au vaisseau en tirera l'odeur vicieuse quelque qu'elle soit. » Le chapitre ix est consacré à l'usage du sidre. –
Le sidre est propre pour les enfants. Le sidre est meilleur pour les malades que le vin.
Le Chapitre x s'occupe de l'usage du vin, et à quelles aages, complexions et maladies on le doit preférer au sidre.
Le chapitre xi traite des vices des mauvais sidres. Le chapitre xn est une Response aux calomniateurs du sidre.
Le chapitre xm indique quelle différence il y a entre l'aigreur des vins et la sureur des cidres. Le chapitre xiv dit que l'usage du sidre rend la vie de l'homme plus longue que celuy du vin « Le vin est entaché et déshonoré de ce vice d'abréger la vie de l'homme bien sain, qui en use sans le corriger, plus ou moins, selon que sa propre température le requiert. II fortifie et resjouit l'homme, et rend sa vie plus gaillarde, mais il avance sa ruine et destruction par l'excez de ses qualitez, si on n'en use fort sobrement. Il advient donc à l'homme qui fait grand usage du vin sans eau, un tel malheur qu'on voit tomber sur les arbres, au pied desquels on met de la chaux vive pour les eschauffer et avancer. Ils en sont si bien fortifiez et, resjouis la première année qu'ils semblent rire aux hommes, produisant feuilles, boutons, fleurs et fruicls en plus grande abondance et beaucoup plus tost que les autres; mais ayant ainsi jetté et poussé à la fois toute leur sève et vigueur, ils se dessèchent et meurent l'année suyvante, ou pour le moins ils demeurent sans force et sans vigueur. Le sidre a deux causes de nostre conservation. L'une
est sa température chaude et humide, et partant conservatoire de la nostre, à laquelle elle est fort familière et presque semblable l'autre son humidité alimentaire qui nourrit et entretient nostre humidité radicale. Le chapitre xv est relatif aux sidres artificiels. J. de Paulmier n'en parle pas c'est une addition de Jacques de Cahaignes.
Le chapitre xvi traite du poiré et de son naturel, et le xvne et dernier, de la bière « Toute bière double, dit notre auteur, est de grande nourriture et bien propre pour tout homme de peine et de travail elle pourrait aussi cstre permise quelques jours, pour le moins au premier traict du repas à ceux qui auroyent besoin d'estre renourriz et rengraissez pour estre trop attenuez ou par longue abstinence et diettes ou par longues maladies chaudes et sèches, mesme pour humecter ceux qui sont de nature secs et arides, à cause de leur foye chaud et sec. La bière à ceste grande et fascheuse incommodité de remplir le corps d'excrémens, la plus part froids, mélancholiques ou pituiteux, dont sont faites grandes obstructions et d'icelles grand nombre de maladies, la plus part froides, pituiteuses et mélancholiques. Il y a plus, c'est qu'elle ne rend pas seulement toute l'habitude du corps pesante et mélancholique, mais aussi l'esprit plus lourd, plus tardif et grossier, x
RECHERCHES
SUR LA CRÉATION D'UN JARDIN BOTANIQUE A BAYEUX,
EN 1794,
Par M. G. VILLERS, vice-secrétaire général de la Société. La dotation affectée à la création et à l'entretien d'un jardin botanique par la généreuse munificence de notre honorable concitoyen, M. Charlemagne JeanDelamare (*) en rendant ainsi prochaine l'existence d'un établissement scientifique, complément nécessaire de ceux de ce genre que possède la ville de Bayeux, nous a inspiré la pensée de rechercher, dans des documents authentiques, si ce projet patriotique n'avait (•) Par un acte de donation fait à la ville de Bayeux, le 20 août t 1849, AI. Charlemagne Jean-Delamare, membre du Conseil municipal, du Bureau de Bienfaisance de cette ville, de la Société Linnéenne de Normandie, et ancien élève de l'école Polytechnique, a consacré à la fondation d'un Jardin botanique une somme de 28,000 fr.
M. Jean-Delamare a pourvu à l'entretien de cet établissement au moyen d'une subvention annuelle de 1,800 fr. affectée sur une propriété immobilière située à Cartigny-l'Epinay, et donnée en totalité à la ville de Bayeux.
Philantrope éclairé autant que généreux, l'honorable donateur a voulu que sur cette somme plusieurs jeunes enfants fussent attachés au jardin créé par lui et y reçussent une éducation horticole professionnelle.
point déjà été soumis à quelques tentatives de réalisation.
De vagues indices, recueillis chez les débris, aujourd'hui bien éclaircis, de la génération qui vît s'écouler les dix dernières années du xvin" siècle, nous ont engagé à porter nos investigations sur cette époque encore récente de notre histoire locale, et dont le souvenir néanmoins obscur et confus est déjà si loin de nous.
Dans ce but nous avons compulsé les actes émanés de la Commission des Arts, de cette Commission qui, dans les jours orageux de la première Révolution, sauvegarda avec tant de zèle, de patience, de labeur et de courage les nombreux objets précieux jetés dans le domaine public par l'émigration ou la proscription de leurs propriétaires et qu'elle arracha ainsi à la ruine et à la destruction (').
C'est le résultat de nos recherches que nous avons consigné dans cette notice.
(') Le 23 germinal, an n, le Directoire du District de Bayeux institua une Commission chargée d'inventorier les nombreux objets d'art et de science que l'exil ou l'arrestation de leurs propriétaires avaient laissé sans maître, et d'en former le noyau d'une bibliothèque communale. L'unanimité des suffrages désigna pour faire partie de cette Commission, qui prit le nom de Commission des Arts, MM. Gabriel Moisson de Vaux, Delauney (l'ancien Constituant), Le Brisoys ainé et La Cauve, auxquels furent adjoints, le 26 frimaire an m, MM. Bouisset, depuis professeur à la Faculté des lettres de Caen, et Lamare.
CetteCommission dont les séances se succédèrent sans interruption à partir du 25 germinal an ir, fut alternativement assistée par MM. Mutel, Gardin de Néry et Alexandre Jehanne, officiers municipaux.
L'amour de l'horticulture dans un pays aussi riche, aussi tempéré et aussi fertile que le notre, y était fortement enraciné lorsque les événements de 1 789 vinrent jeter la perturbation dans l'existence sociale de la partie aisée de sa population.
Les laborieuses recherches du docte abbé Delarue nous ont fait connaître combien au moyen âge était répandu le goût des fleurs; l'intéressant travail de M. de Bonnechose sur les développements de l'horticulture dans le Bessin, nous a présenté les tentatives successives qui, depuis la fin du x\i° siècle époque à laquelle une sage ordonnance de Sully popularisa en Normandie la culture de l'orme ('), eurent pour but la naturalisation et la propagation dans le Bessin de plantes et d'arbres empruntés à des climats étrangers. Si dès le xm" siècle les fleurs étaient prisées à ce point qu'on les rencontre jouant un rôle important dans presque tous les actes principaux de la vie si plus tard dès le milieu du xvn% il existait déjà à Ver un jardin assez riche en plantes exotiques (celui de M. d'Ozeville), pour que sa description méritât les honneurs de la poésie ('), il n'est pas étonnant qu'à (') Sully encouragea en France la culture de l'orme, espèce d'arbre qui y existait depuis bien longtemps, mais qui dans la BasseNormandie était moins nombreuse que le chêne et le châtaignier. – Un édit de ce ministre ordonna de planter des ormes autour des églises paroissiales. Avant la révolution de 89 on voyait encore dans certaines localités des ormes d'une énorme dimension que l'on désignait sous le nom de Rosny, en mémoire de l'ordonnance du ministre de Henri IV.
(*) « Dès le milieu du xvne siècle, dit M. Pluquet M. A'Oie-
la fin du xviue siècle le goût de l'horticulture ait inspiré l'idée de former ainsi le noyau d'un jardin botanique en recueillant les arbres et arbustes rendus disponibles par le malheur des temps.
Aussi cette proposition toute naturelle fut elle adressée à l'Administration qui dirigeait en 1794 les affaires du District de Bayeux par la Commission des Arts dont nous venons de parler plus haut, qui renfermait dans son sein plusieurs hommes éminents par leurs connaissances littéraires et scientifiques, dont l'un surtout connu depuis longtemps par son amour pour les plantes, ne devait avoir rien tant à cœur que de tenter d'en réunir un nombre considérable et de fonder, de cette manière, un établissement susceptible de populariser le goût de l'horticulture, de faire tourner ainsi les développements de cette science au profit de la population entière. En effet, jamais l'occasion ne pouvait se présenter dans des conditions plus favorables.
Dans les jardins des somptueux hôtels et châteaux naguère habités par une société opulente et soigneuse des agréments de la vie se trouvaient délaissés et prêts à périr, abandonnés aux rigueurs d'un climat rigoureux, bon nombre d'arbustes étrangers et de prix, ville, conseiller à la Cour des Aydes de Rouen, avait rassemblé dans son jardin de Ver, beaucoup de plantes rares.» M. Petite, dans sa carte du diocèse de Bayeux, publiée en 1675, place ce jardin au nombre des merveilles du Bessin. Marcel curé de Basly, en chacta la beauté dans un petit poëme latin peu connu, intitulé Sœva hiemis crimen, sive verientium hortorum calamitas.
dont la réunion était susceptible d'offrir un sérieux intérêt.
Les locaux propres à être affectés à cette collection horticole abondaient par suite de la suppression des maisons religieuses qui couvrant une partie du territoire de la ville se trouvaient la plupart sans destination. Pour procéder à l'aménagement du terrain à la classification des plantes et à la disposition de leur culture, on pouvait compter sur quelques hommes de cœur et de dévouement, dont plusieurs initiés à la science dont Fréard du Castel (') et Le Guelinel Duroutel (*) avaient été dans ces derniers temps les dignes représentants, se seraient empressés de prêter à cette tâche patriotique le concours de leur zèle et de leur expérience, heureux de rencontrer ainsi dans les douceurs (') Raoul Adrien Fréard du Castel mort en 1696, publia en 1664 l'Ecole du jardinier-fleuriste. Cet horticulteur distingué, et en même temps mathématicien de mérite, possédait l'habitation dite du Castel, rue de la Cambette.
(») Dom Le Guelinel Duroutel religieux bénédictin de la congrégation de St-Maur, ancien professeur d'histoire et de rhétorique à l'école militaire de Beaumont-en-Auge, membre correspondant du Lycée de Rouen, était attaché au prieuré de St-Vigor lors de la Révolution. Après la suppression de cet établissement il devint, en 1791, curé de l'église de Notre-Dame de la Poterie, à Bayeux, et plus tard de Vaubadon, où il mourut.
Ce docte bénédictin, qui s'était occupé avec distinction de la botanique, a laissé manuscrite une Flore des principales plantes de la Normandie. La méthode qu'il avait adoptée était la réunion du système de Tournefort à celui de Linnée. Le 1er volume in-folio de cet ouvrage curieux et important se trouve à la Bibliothèque publique.
de l'étude une retraite pleine de charmes et aussi peut-être la sécurité au milieu des agitations politiques qui convulsionnaient alors la société.
Ce furent ces motifs qui portèrent la Commission des Arts à solliciter des Administrateurs du District de Bayeux la concession d'unUerrain propre d l'éducation des plantes et pépinières, etc., suivant les termes du rapport qui fut rédigé pour exprimer ce vœu. Ce document, écrit en entier de la main de M. Moisson de Vaux, dont sans aucun doute il fut l'œuvre, révèle les connaissances variées et spéciales, l'élévation d'esprit et lès sentiments de patriotisme de l'homme aussi instruit que courageux qui, après avoir' doté notre pays de la culture providentielle de la pomme de terre ('), sut plus tard, dans des jours d'é(1) Ce fut à M. Moisson de Vaux que l'on dut en grande partie dans notre contrée la propagation de la culture de la plante nouvelle populariséejen France par Parmentier.-On a conservé à ce sujet le souvenir d'une anecdote assez piquante qui caractérise bien les mœurs de l'habitant du Bessin ainsi que la défiance qui lui est naturelle.-M. Moisson de Vaux, qui avait eu plus d'une fois occasion de remarquer l'invincible répugnance manifestée par les gens de la campagne pour l'adoption de toutes innovations agricoles qu'ils tournaient en dérision, crut devoir adopter un système de conduite particulier, afin de faire connaître la pomme de terre.
Gardant en cette circonstance une réservé inaccoutumée, il fit préparer mystérieusement dans son parc de Vaux-sut-Auro plusieurs plates-bandes qu'il ensemença du tubercule nouveau et soigna avec une attention exceptionnelle. La sollicitude constante que M. Moisson de Vaux affectait de montrer à l'égard dé cette culture inconnue ne tarda pas à piquer vivement la curiosité. Chacun de ses voisins s'interrogeait pour savoir quel pouvait être ce précieux légume que son propriétaire, ordinairement si généreux Se
preuve, unir le courage du magistrat aux qualités privées du citoyen.
« 24 Messidor l'an lie.
« Les Commissaires préposés dans le District de Bayeux à la recherche des objets de Sciences et Arts aux citoyens Administrateurs du District de Bayeux.
» Citoyens
» Le temps est venu où tous les efforts du patriotisme et de l'esprit industriel vont tendre à donner à l'Agriculture et à tous les arts qui en dérivent le plus grand degré possible d'activité et de perfection. Une terre libre, cultivée par des hommes libres doit se couvrir de toutes les productions utiles disséminées par la nature sur les quatre parties du monde. Que les contrées lointaines nous donnent des arbres et des plantes, nous leur rendrons l'exemple des vertus républicaines et de l'énergie de la liberté. Le représentant Grégoire, dans son beau rapport fait le 12 prairial à la Convention nationale au nom des comités réservait cette fois-ci pour lui seul en véritable égoïste. L'impatience acquit bientôt une telle intensité qu'elle ne tarda pas à dégénérer en larcin. A la faveur de la nuit les clôtures du parc furent franchies et le mystère éclairci.
Les curieux qui avaient trouvé à leur goût le légume inconnu eurent soin d'en garder quelques tubercules et de les planter pour leur propre compte.
Le but habilement calculé de M. de Vaux était entièrement atteint la curiosité avait plus contribué à la propagation de la pomme de terre que ne l'auraient fait ses conseils.
d'Agriculture, de Commerce et d'Instruction publique, a dit « La France est située de manière à devenir, quand nous voudrons, l'abrégé de tous les climats et l'entrepôt de l'Europe.» Citoyens, il appartient à votre patriotisme éclairé de donner dans le Nord de la République le signal de cette grande volonté. » Le District de Bayeux, quoique d'un degré plus au nord que Paris, n'est pas sujet à éprouver au même point que cette ville et ses environs les ravages de la gelée; les excès de sécheresse et de chaleur y sont aussi moins sensibles. Peut-être estce à l'influence des émanations marines qu'il est redevable de cette heureuse exception. Quoiqu'il en soit de la cause, l'effet est certain, et cette position convient plus qu'aucune autre à la naturalisation, à la culture et à la multiplication des arbres et des plantes qui croissent spontanément sous des latitudes beaucoup plus méridionales. En effet, nous voyons que des hivers médiocres détruisent souvent à Paris le cyprès, même le thuya de la Chine et une foule d'autres espèces d'arbres étrangers qui y résistent constamment dans ce pays-ci. A peine le cruel hiver de 1788 les a-t-il endommagés dans le jardin d'un de nos concitoyens, qui depuis près de trente années cultive en pleine terre des arbres étrangers, et qu'il se plaît à multiplier autant que la médiocrité de sa fortune peut le lui permettre (').
(l) Cet amateur de jardins auquel M. de Vaux fait ainsi allusion dans ces lignes pleines de modestie et de convenance était luimême.
» Le laurier tulipier (Magnolia grandiflora) et beaucoup d'autres arbres qui passent pour délicats y ont, avec quelques soins, affronté cette terrible gelée de 1788 ('), et depuis longtemps ils continuent d'y croître et d'y fructifier tout-à-fait en pleine terre vous y pouvez voir cette année le tulipier en fleurs.De plus, le District de Bayeux a l'avantage de réunir dans son arrondissement des terrains de toute nature, depuis la terre la plus riche et la plus forte en grains et en pâturages, jusqu'à ce sol léger qui ne nourrit que des bruyères, mais qui d'ailleurs est si propre aux semis, à l'éducation et à la culture d'une foule de plantes intéressantes de l'Amérique Septentrionale et des Alpes.
» Cette réunion de circonstances naturelles et heureuses concourt avec l'utilité générale à réclamer la formation dans ce District d'un grand établissement national de pépinières d'arbres et d'arbrisseaux indigènes et étrangers, d'un jardin de plantes médicinales et d'un vaste dépôt de toutes celles qui peuvent servir à la nourriture des hommes et des animaux y ainsi qu'aux arts du tisserand, du teinturier, du çorroyeur, etc.
» Déjà des essais suivis avec attention par le cultivateur que nous avons indiqué prouvent la possibi(1) L'hiver de 1788 à 89 fut dans toute la France un des plus rigoureux que l'on ait éprouvé depuis longtemps. Sa durée a laissé dans notre pays des souvenirs qu'un demi-siècle n'a point effacés. L'intensité du froid était si grande que le pain, dit-on, se congelait à un tel dégré qu'il fallait le couper avec une hache.
lité de s'approprier une multitude de plantes les plus belles et les plus utiles de la Grèce, de l'Amérique, de la Chine, du Japon et d'une partie de ces immenses contrées découvertes par nos navigateurs modernes. Sous l'influence vivifiante du Gouvernement républicain, on les verra croître, s'étendre et fournir à la France toutes les productions que jusqu'ici le commerce ne lui a fourni qu'à grands frais. Bientôt les platanes d'Orient et de Virginie borderont nos grandes routes (*) maintenant si nues et offriront au voyageur l'abri de leur immense feuillage. Les hauts peupliers du Canada, de la Virginie et de la Caroline, les cyprès de la Louisiane remplaceront le long des ruisseaux et sur les berges des fossés de nos prairies ces saules rabougris dont le tronc pourri fournit à (') Ces deux espèces d'arbres étaient encore nouvelles en France au moment où M. Moisson de Vaux écrivait ce rapport. Il paraît que le plus ancien platane d'Orient connu en France fut planté par Buffon au Jardin des Plantes. Quant à celui de Virginie il était ignoré des anciens.
Après le voyage de Louis XVI à Cherbourg, et d'après le vœu de ce monarque, on avait commencé à planter nos routes royales. A l'imitation de cet exemple la ville de Bayeux, qui avait fait une rue nommée les Boulevards aux dépens des fossés et de leurs glacis, entoura cette promenade ( aujourd'hui rue Tardif ) de cette espèce d'arbres dont M. Moisson de Vaux était un des plus ardents propagateurs.
Ce fut l'un de ces platanes, aujourd'hui disparus qui fut emprunté à cette promenade et planté en 1795 dans la cour de l'ancien évêché comme arbre de la Fraternité.Ce platane, devenu historique, est assurément par ses dimensions colossales et son port majestueux l'un des plus- beaux individus de ce genre qui existent «n Normandie.
peine de sa cime quelques fagots d'un bois sans force et sans durée. L'honneur des forêts de l'Amérique tempérée, le tulipier (Liriodendron tulipifera) chassera des allées destinées à la promenade le triste tilleul dont la verdure n'a qu'un moment et dont la tète courbée sous le fer qui le mutile périodiquement est l'image de l'esclave abattu sous le despotisme royal qui l'écharpe à son plaisir. – Peut-être n'aurons nous que bien peu d'espèces utiles à envier aux contrées étrangères dans la famille des chênes; mais sans parler de celle des noyers, des frênes et de ces beaux et nombreux érables, dont plusieurs fournissent une liqueur sucrée qui pourrait un jour suppléer à cette préparation de la sève d'un roseau dont le luxe a fait un besoin et qui coûte chaque année la liberté et la vie à tant de victimes de l'avarice et des crimes de l'Europe combien d'acquisitions ne nous reste-t-il pas à faire seulement parmi les arbres résineux Une foule de pins, entre autres celui de Weymout (Pinus strobus) qui fournit les plus hautes mâtures, le melèze (Pinus larix), le cèdre du Liban ( Pinus cedrus ), croissent ici avec rapidité, et ils pourraient servir très-avantageusement à garnir les nombreuses clairières qui se trouvent dans les forêts nationales du dictrict et du département. » Nous n'entreprendrons pas de vous présenter ici le tableau de toutes les richesses végétales que nous pouvons emprunter à l'étranger et de calculer tous les avantages qu'on en peut retirer. Mais nous ne devons pas oublier un des objets les plus intéressants pour notre propre pays le pommier, l'ornement de nos
campagnes et qui nous donne cette boisson si agréable et si saine, mais si éloignée encore de la perfection qu'elle peut recevoir. Après en avoir rassemblé dans la pépinière nationale les meilleures espèces connues jusqu'à ce jour, et les avoir classées suivant les époques de leur floraison, on chercherait à distinguer les plus fertiles et les moins délicates, celles surtout qui résisteut mieux aux vents desséchants du printemps et à ces brumes funestes qui trop souvent détruisent, en peu d'heures, l'espoir de toute l'année enfin par des semis multipliés on travaillerait à en obtenir de nouvelles. Les mêmes soins à l'égard des autres fruits amélioreraient les espèces déjà connues, et la méthode des semences donnerait l'espoir le mieux fondé d'en voir naître au bout de quelques années une grande quantité, qui viendraient augmenter nos richesses en ce genre. Eh quel doux prix des travaux du cultivateur, ami de l'humanité, que d'avoir conquis sur la nature une nouvelle production utile ou agréable à l'homme 1
» Une enceinte particulière serait consacrée à toutes les espèces de grains, légumes, de plantes qui peuvent servir à la nourriture; tous les fourrages y trouveraient aussi leurs places et c'est là qu'on répéterait les expériences déjà faites et que l'on en tenterait de nouvelles pour en perfectionner les diverses cultures. » Un autre terrain comprendrait les plantes utiles aux arts, et celles que la nature a destinées à combattre et vaincre nos maladies. Cette mère prévoyante a dû mettre sous la main de l'homme les remèdes aux
maux attachés à son existence; et sans doute c'est une erreur de penser que la fièvre d'Europe ne peut être guérie que par une écorce qui se récolte au Pérou. Ainsi on en viendrait à peu près à réaliser cette salutaire idée de former une pharmacie indigène et de soustraire le Français au charlatanisme des marchands de drogues et à leurs mixtions suspectes. Si déjà les diverses rhubarbes de la Chine et de Tartarie végètent et fructifient facilement dans le jardin du cultivateur cité, pourquoi leurs racines bien préparées ne contiendraient-elles pas les mêmes vertus que dans leur pays natal? La lobélie syphilitique, le laurier sassafras qu'il cultive offriront contre cette aitreuse maladie qui empoisonne les sources de la génération des spécifiques aussi efficaces et bien moins dangereux que toutes les préparations empruntées au règne minéral. La busserole (Arbutus uva ursi) dont on connaît les puissantes propriétés contre les maux de la vessie, y croît avec rapidité et s'y multiplie de même dans un terreau de bruyères, d'où l'on peut inférer qu'il serait possible de naturaliser ce végétal utile ou de le cultiver en grand dans des terrains de même nature.
» Ces exemples pris au hasard parmi plusieurs autres et les expériences dont vous pouvez vous assurer par vos propres yeux, quoique faites en petit et dans un local très-borné, suffiront pour démontrer l'utilité et la certitude du succès de l'établissement que nous vous proposons de créer. Ce dépôt végétal projeté, qui n'a rien de semblable ni dans le département ni dans
ceux qui l'avoisinent rassemblant toutes les plantes dont l'industrie humaine peut tirer parti, ouvrirait un commerce d'échange avec tous les jardins botaniques de France, serait un magasin toujours ouvert aux besoins de vos concitoyens et fournirait aussi des plantes vivantes aux bons citoyens qui voudront les cultiver, conformément aux dispositions du décret sur les secours publics. C'est ainsi que tous les genres d'avantages que la nature peut offrir et que l'art saura trouver dans la culture des productions végétales se trouveraient réunies' dans un même lieu pour procurer une source inépuisable d'études au naturaliste, de secours contre les infirmités humaines et de matériaux à l'agrandissement de l'agriculture.
» Si vous trouvez, citoyens, dans l'aperçu que nous vous présentons quelques moyens d'exécution à la passion qui vous domine de faire le bien général de la République et de servir l'intérêt des sciences et des arts utiles, prenez en considération ce projet. Mûri et mieux digéré par vous il deviendra digne d'être offert à la Représentation nationale. Sans doute il vous reste de grandes parties de domaines nationaux non aliénés; profitant des avantages naturels que présenta la fécondité de votre sol et l'heureuse température qui y règne, qu'un vaste terrain déjà enclos, du moins en partie, soit par vous indiqué Il est essentiel que l'arrosement y soit facile; et il serait bon qu'il contint des bâtiments dont on pût faire différentes conservations pour les plantes dont la jeunesse est délicate ou qui ne sont point encore acclimatées. Mais laissant là tous
ces détails d'exécution, nous terminerons par ces paroles si vraies de Grégoire u L'esprit d'ordre et d'é» conomie doit présider à tout; mais nous voulons » accroître la richesse nationale, en ce cas là point de » mesquinerie en fait d'administration et de gouver» nement,des vues étroites sont des vues détestables.» Ecrit avec cette délicatesse maniérée de style si en honneur au xvme siècle, respirant au plus haut degré les sentiments philantropiques répandus dans les esprits pas l'école encyclopédiste comme les avant-coureurs de cette soif d'amélioration qui, plus tard, devait tout renverser, réunissant à l'atticisme du langage, et comme par une sorte de sacrifice obligé à l'impitoyable nécessité du temps les idées les plus nobles à ces phrases politiques, plus déclamatoires que sincères, dont la forme aujourd'hui nous paraît étrange, parce qu'elles ne furent jamais dans nos mœurs, ce mémoire, empreint dans son ensemble de l'esprit si différent des deux époques entre lequel il semble former un lien, outre son mérite littéraire, est intéressant encore au point de vue administratif.
Il contient, en effet, tout un vaste programme inapplicable, il est vrai, s'il n'avait en vue que les limites fort restreintes de la commune de Bayeux; mais d'une large conception au contraire s'il devait être adopté par le Gouvernement ou réalisé au moyen des ressources départementales.
A cette époque où la vente des biens nationaux allait par le morcellement de la propriété imprimer à la culture du sol une impulsion, jusque-là inconnue,
n'était-ce pas une nécessité en quelque sorte gouvernementale que de se mettre en mesure de pouvoir satisfaire aux nombreux besoins de cet art appelé à enrichir la France?
Ce devoir pouvait paraître d'autant plus impérieux que dans ce moment, où une ère nouvelle et prochaine se montrait pour l'Agriculture, les sources ordinaires et désormais insuffisantes de son alimentation étaient totalement taries par suite du malheur des temps. Créer avec les ressources toutes puissantes du budget pour les départements du N.-O. de la France un vaste établissement dans lequel l'industrie privée, en ce moment si annihilée, eût trouvé, ainsi que le propriétaire, à s'approvisionner d'arbres étrangers, encore peu répandus, mais d'une valeur suffisamment expérimentée, pour en faire profiter le modeste héritage du citoyen ainsi que les vastes forêts de l'état dont ils eussent repeuplé les clairières mettre sous les yeux des cultivateurs du pays une école pratique de labour et de jardinage sous l'influence de laquelle les bonnes méthodes et la propagation de plantes fourragères et élémentaires nouvellement introduites eussent enrichi les campagnes, peuplé les potagers, et fourni de nouvelles richesses à l'industrie; profiter de l'existence de ce champ d'expérimentation pour réaliser enfin ce projet si désirable et si ardu d'une Pomologie normande, œuvre si utile qu'un médecin Bas-Normand avait ébauché (') au xvie siècle, et qui, malgré les difficultés inhérentes à son exécution, pourrait (') Julien de Paulmier.
être menée à fin avec de la patience, des connaissances et des labeurs affranchir par la naturalisation des plantes exotiques notre pays du tribut onéreux que chaque année il lui faut payer aux contrées étrangères pour se procurer les espèces du règne végétal, réclamées par le bien-être et la santé de la population répandre dans les masses le goût si moralisateur de la culture des fleurs, de l'étude de la botanique, ce délassement de l'homme paisible; enfin par la création de l'établissement proposé, centre scientifique et d'approvisionnement autour duquel serait venu rayonner un grand nombre de départements voisins, placer dans la ville de Bayeux une source inépuisable de richesse locale, en même temps qu'un élément de prospérité générale pour tout le pays, tels étaient les patriotiques résultats que s'étaient proposé d'atteindre les auteurs du rapport précité.
Cependant ce mémoire, tout pressant qu'il était, ne provoqua point de réponse de la part de l'Administration supérieure. Sous l'influence des terribles et pressantes nécessités qui dirigeaient toute l'activité nationale vers les mesures à prendre pour concourir à la défense du territoire, placée encore sous l'intimidation terroriste qu'avait exercée sur notre contrée les visites des représentants du peuple Lindet et Oudot, dont le passage fut marqué dans notre ville par la destruction de beaucoup d'archives, l'Autorité supérieure avait d'autres soucis que de s'empresser de condescendre au désir de quelques hommes paisibles et studieux.
Néanmoins la Commission bayeusaine ne se découragea pas. Par une lettre datée du 25 fructidor, elle sollicita de l'Administration du District la totalité des bâtiments de l'ancien Doyenné, pour en faire le dépôt général de tous les objets qui avaient été réunis, précieuses épaves recueillies dans la tempête révolutionnaire.
Cette requête fut répondue dans un sens favorable. Après avoir préparé les esprits, par un mémoire fort remarquable sur la richesse zoologique du district de Bayeux, à la formation d'un Muséum, la Commission commença à réaliser ce projet non ostensiblement avoué, en plaçant dans les appartements du Doyenné les divers objets dont la ville se trouvait momentanément propriétaire
Bientôt plus hardie et peut-être aussi encouragée par l'accueil que son dévouement rencontrait auprès de l'Autorité supérieure et de la population, la Commission, ne dissimulant plus ses intentions, poursuivit avec ardeur la réalisation de son projet favori. « Nous venons d'être instruits écrivait-elle au » District, le 16 vendémiaire que l'adjudication des » jardins de Castilly (') est fixée au 1 3; que cependant il » y existe douze orangers et citronniers avec quelques » autres plantes exotiques qui sont destinés à l'orne» ment de votre Musée et à l'instruction publique. II » parait donc nécessaire et même très-urgent de les (') Le somptueux château de Castilly appartenait avant la Révolution à la famille de Faudoas, par suite d'une alliance avec la famille de Boran.
« faire venir ici à raison surtout de la saison qui » s'approche.
» Si les orangers n'étaient pas d'un volume aussi » considérable, nous eussions pu trouver à les placer » pendant l'hiver dans la serre d'un de nos confrères. M Mais nous pensons que faute d'un local plus con» venable nous pourrions les déposer provisoirement » dans la grande salle du ci-devant Doyenné, où ils « seront soignés sous nos yeux. Il
Quelques jours après les orangers et les objets dont il est question dans cette lettre étaient placés dans le local indiqué.
L'activité des membres de la Commission ne tarda pas à garnir les appartements du Doyenné d'un grand nombre d'objets curieux.
L'échouage à Grandcamp d'un cétacé imprima encore une impulsion nouvelle au zèle des Commissaires, dont deux se transportèrent sur les lieux pour aviser aux moyens de doter le Musée naissant de la charpente osseuse du monstre marin.
Une lettre écrite à la même date que la précédente fournit une nouvelle preuve des efforts déployés par la Commission.
« II existe écrivait la Commission au Comité des » mines de Caen, dans la commune de Bayeux une 1) collection de plantes exotiques rassemblées et culti» vées avec beaucoup de soin depuis un grand nomJ) bre d'années par l'un de nos confrères. Il est in» dispensable, pour la conservation de ces objets rares » et intéressants, de procurer aux serres qui les ren-
» ferment un certain degré de chaleur artificielle et » graduée que l'on ne peut obtenir que par le moyen » du charbon de terre. Nous vous demandons donc » Citoyens, de nous adresser un ordre pour le cito» yen Noël directeur de la mine de Littry, afin qu'il » fasse délivrer au citoyen Gabriel Moisson quarante » boisseaux de ce bitume. Il espère que cette petite » quantité lui sera suffisante pour préserver des at» teintes de l'hiver une foule de végétaux très-pré» cieux, et ne pas perdre en un jour le fruit de tra» vaux qu'il a toujours dirigés dans le sens de l'uti« lité publique.» »
De cette lettre motivée il résulte que la collection des plantes était déjà très-considérable que M. Moisson de Vaux était chargé de cette partie du Museum, et que ce généreux citoyen, bien différent en cela d'hommes qui trop souvent ne s'occupent de l'intérêt des autres que quand ce soin ne leur impose aucun sacrifice, avait fait don à la ville de sa collection particulière, fruit comme l'annonce la correspondance, de ses nombreux travaux.
La Commission des Arts, non satisfaite d'agir par elle-même ne tarda pas à recourir au Directoire du District pour enrichir le jardin objet de sa prédilection.
« Il n'est pas douteux, mandait-elle le 12 frimaire » aux Membres de cette Administration, qu'il se » trouve dans les domaines nationaux plusieurs espè» ces d'arbres exotiques qui peuvent croître à l'air li» bre dans notre climat. Si vous nous chargez aux
» termes de nos instructions, de les rassembler dans » le jardin du Musée, nous vous annonçons que l'un » de nous se fera un devoir et un plaisir d'y en ajou» ter un grand nombre de celles qu'il cultive.» Il paraît qu'en présence des instances réitérées de la Commission, l'Administration du District se décida enfin à seconder dans leur généreux dévouement les hommes qui voulaient doter notre cité d'un établissement de botanique et d'horticulture.
C'est ce qui résulte de la lettre suivante adressée au Directoire par la Commission des Arts. « 27 Pluviôse an IIIe.
« Les Commissaires préposés dans le District de » Bayeux à la recherche des objets d'Art, aux » citoyens Administrateurs du Directoire du Dis» trict.
» Citoyens,
» Le citoyen Fouquet, investi de votre confiance, est » venu pour concerter avec nous les travaux à faire » au Jardin de votre Musée. Nous lui avons fait ob» server qu'il existe plusieurs communications de ce n jardin à l'extérieur qui pourraient compromettre » non-seulement la sûreté des plantes qui y seront » élevées mais encore celle des objets qui sont dé» posés dans les divers appartements du Musée. Le » citoyen Fouquet nous a promis de vous en rendre » compte et de prendre vos ordres pour faire mettre » tout en état. Les circonstances n'ayant pas permis
» de prendre à l'égard des arbres étrangers, qui peu» vent se trouver répandus dans les domaines natio» naux, toutes les précautions connues des cultiva» teurs, sans doute l'hiver extraordinaire que nous » venons d'éprouver en aura détruit un grand nom» bre. La saison est d'ailleurs si avancée que nous » prévoyons l'impossibilité de rassembler toutes les » espèces que nous nous étions promis de faire en» trer dans le jardin du Musée et une partie du ter» rain devant rester sans occupation nous pensons » qu'elle serait bien utilement employée à y cultiver, » pour cette année des pommes de terre, ne fut-ce » que pour en régénérer l'espèce que la gelée a pres» que généralement détruite. Si vous adoptez cette » idée, nous vous prions de ne pas perdre un ins» tant et de vous en procurer de propres à la semence, » soit de la part du gouvernement, soit de toute autre » manière que votre sagesse vous indiquera.» Quel fut le résultat des propositions formulées dans cette lettre ? Le registre des délibérations n'en fait point mention.
Toutefois, l'orsqu'on se reporte au mémoire détaillé adressé aux Administrateurs du District relativement à l'état de l'agriculture du Bessin et que l'on voit avec quels détails la Commission exposait ses idées relativement h toutes les améliorations susceptibles d'être introduites dans toutes les branches de cette industrie, surtout dans les plantations, on est fondé à supposer que, pour qu'elle continuât de se consacrer avec autant d'ardeur à la réalisation de ses projets de
production, il fallait qu'elle eût rencontré un concours bienveillant auprès de l'Autorité supérieure. Depuis cette époque à l'an v (1797) la Commission, en possession du jardin objet si constant de ses désirs, de ses pétitions et de sa sollicitude, semble, pendant la durée de cette période de temps, s'être livrée sans doute en opérant sur une échelle restreinte, à l'organisation de cet établissement botanique.
Mais les événements qui s'écoulaient avec rapidité ne tardèrent pas à venir porter un coup mortel à la prospérité des collections naissantes, en leur enlevant le local dans l'enceinte duquel elles se trouvaient. Jeté par le flot révolutionnaire sur le siège épiscopal de M. de Cheylus, Claude Fauchet, propriétaire des bâtiments du Doyenné, avait porté sa tête sur l'échafaud. Noble et généreux cœur, nature désordonnée par la fougue des passions politiques, il avait réalisé un des premiers Ics terribles paroles de Vergniaud C'était à la condamnation du célèbre Girondin, et par suite à la confiscation de ses biens que la Commission des Arts avait dû de pouvoir affecter au logement de son Muséum les bâtiments du nouvel évêché. Lorsqu'à la tempête succédèrent des jours de calme, successivement les lettres de proscription se déchirèrent, et plus d'un patrimoine placé sous le séquestre retourna à son légitime possesseur.
Les héritiers de l'évêque constitutionnel revendiquèrent à leur tour leur héritage; le Doyenné leur fut rendu.
Si légitime que fût cette restitution elle frappait
d'une manière terrible l'existence temporaire du Muséum Bayeusain.
La Commission des Arts en poussant un cri d'alarme, tenta de détourner le coup mortel qui allait détruire son œuvre de prédilection.
Cette fois encore, à M. Moisson de Vaux fut confiée cette mission en sa qualité de secrétaire. « Citoyens, écrivait-il le 7 ventôse an v à l'Ad» ministration municipale de Bayeux, il devient né» cessaire de déterminer un autre emplacement. Non» seulement il s'agit d'avoir plusieurs appartements » d'une certaine étendue pour les bibliothèques, gra» vures, sculptures, tableaux, mais encore il serait » très-convenable qu'il y eût un Jardin annexé pour » y transporter plusieurs arbustes de botanique dont » nous avons préparé une certaine collection. La sai» son exige qu'on s'occupe immédiatement de ce der» nier point. En conséquence, nous vous invitons à » prendre des mesures à cet égard le plutôt possible. » Le ci-devant couvent de la Charité paraît propre à « recevoir cette destination. »
Quelque pressant que fût cet appel, il ne paraît pas cependant qu'il ait été entendu.
Dans l'existence des Sociétés comme dans celle des individus, à des jours d'une agitation fiévreuse succèdent d'ordinaire des moments de prostration où l'activité ne se manifeste plus.
Après les temps de crise qu'elle avait traversés plusieurs fois, souvent avec péril, presque toujours avec honneur et courage l'Administration municipale ne
prit point souci des vœux de la Commission des Arts. Elle pensa, et avec raison peut-être, qu'avant de reconstituer un établissement, désirable sans doute, mais non d'une application immédiatement indispensable, il valait mieux consacrer les ressources de la ville à réparer les ruines que la tempête politique avait causés à l'édifice social.
Cette détermination devint l'arrêt de mort du Jardin botanique, fruit des vœux et des labeurs de la Commission des Arts et de M. Moisson de Vaux en particulier.
Transformé par la location en une habitation privée, l'hôtel du Doyenné vît enlever de son jardin pour les transporter à quelques pas de là dans la propriété particulière de M. Moisson de Vaux ('), les arbres et ar(•) M. Moisson de Vaux s'étant rendu propriétaire d'une habitation située dans la rue de l'Hôpital, en enmenagea le jardin baigné par les eaux de l'Aure, de façon à pouvoir s'y livrer à son penchant pour l'horticulture.
C'est cette belle propriété, devenue depuis l'hôtel Tardif, dont la ville de Bayeux s'était rendue adjudicataire dans le mois de septembre 1819, dans le but d'y établir le Jardin botanique dont l'a gratifiée le don de M. Jean Delamare. Malheureusement une surenchère portée par le propriétaire actuel est venue enlever à l'Administration municipale la possibilité de pouvoir réaliser, à un demisiècle de distance, le projet médité par M. Moisson de Vaux, sur l'emplacement même que la main de cet habile horticulteur avait planté, comme poussé par un secret pressentiment. Quoique depuis cinquante ans la hache se soit promenée dans ce beau domaine, placé au centre même de la ville, et ait fait disparaître un grand nombre de richesses végétales qui en étaient l'honneur et l'ornement, on y remarque encore quelques beaux débris de son ancienne splendeur apparent rari.
bustes dont la sollicitude éclairée de cet homme, ami de son pays avait enrichi son enceinte auparavant rendue déserte par nos discordes civiles.
La hache détruisit ce qui ne put supporter la transplantation, et elle fut tellement inexorable que l'œil le plus exercé ne retrouve plus aujourd'hui parmi les plantations qui ornent le jardin du Palais Episcopal, aucunes traces de l'ancienne collection.
Telle fut dans notre cité l'existence éphémère de ce jardin botanique.
Nous citerons principalement
Dans la famille des Conifères 1» un beau Cèdre du Liban (Pinus cedrus) dont le tronc, pittoresquement penché, a 2 m. 14 c. de circonférence; 2° deux Cyprès chauves ou de la Louisiane [Cwpressus disticha) la tige de l'un d'eux a une grosseur de 1 m. 88 cent. 3° plusieurs beaux individusde l'espèce du Pin d'Ecosse, (Pinus sylvestris) dont les cimes majestueuses, dominant les blanches toitures des habitations du quartier, forment une ornementation agréable, vue de certaines parties de la ville. Ces pins sont probablement les plus anciens de ce genre qui existent dans le pays.
Le jardin renferme une certaine quantité de Tulipiers (Liriodendron), dont la vigoureuse croissance justifie l'opinion émise par M. Moisson de Vaux au sujet de leur acclimatation. Deux de ces Magnoliers situés près du lit de la rivière, se font surtout remarquer par leur taille gigantesque. La tige de l'un à son embase accuse une circonférence de 2 met. 35 cent.
Nous mentionnerons encore, dans les Bignonia, un Bignonia catalpa d'une grande élévation et dont le tronc à près de 2 mètres de tour.
Dans les Chênes, un beau Chêne vert ou Yeuse (Quercw ikx), à la tète vigoureuse et dont la tige a acquis une circonférence de 1 met. 35 cent. un magnifique individu du genre Chêne Kermès, dont le tronc droit et élevé a plus de 3 met. 40 cent. de tour. Parmi les Erables méritant également d'être signalés 1° un
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Etabli par le zèle d'un citoyen généreux, sous l'influence d'événements politiques, des événements du même genre amenèrent sa destruction.
Espérons que celui qui, de nos jours, devra son établissement à la munificence éclairée d'un homme non moins ami de sa ville natale, sera fécondé plus longtemps par les rayons du soleil.
Erable de Montpellier (Acer monspessulatmm) qui a acquis une grosseur de 1 met. 15 cent. plusieurs Erables à feuilles de frêne (Acer negundo) l'un de ces individus a cru assez vigoureusement pour acquérir une circonférence de 1 met. 60 cent.; enfin un magnifique Erable à sucre (Acer saccharinum) qui, gros à sa tige de 1 met. 36 cent. de tour, prouve, par sa luxuriante venue, que l'espèce à laquelle il appartient serait susceptible de croître sous nos climats aussi bien qu'en Pensylvanie et d'y rendre les mêmes services.
Comme specimen fort curieux d'acclimatation il faut signaler un magnifique individu du genre Carmantine. Ce Noyer des Indes (Justicia Adhatoda) a une tige de 2 met. 50 cent. de circonférence. Méritent encore d'attirer les regards un Maronierde Perse (JSsculuspavia) plusieurs individus du genre des Alisiers (Cratœgus) d'une forte dimension; plusieurs variétés de Micocouliers (Celtis) et de beaux Hêtres pourpres (Fagus purpurea), dont le feuillage se détache pittoresquement au milieu de la masse de verdure qui les encadre. Le plus gros de ces hêtres, origmaires de l'Amérique, a 2 met. 25 cent. de circonférence.
Dans la famille des Amentacées, un Peuplier blanc (Populus alba) se fait remarquer par sa taille colossale. Mesuré à la sortie dusol, le tronc de cefgigantesque Ypréau donne une circonférence de 3 met. 25 cent.
Le prix qu'attache aux débris de cette belle collection M. Henneguy, le propriétaire actuel de l'hôtel Tardif, donne tout lieu d'espérer qu'il respectera soigneusement ces arbres devenus historiques. n
ni
CONCOURS AGKICOLES DE 1848. La dimanche 17 septembre 1848 ont eu lieu à Balleroy les Concours agricoles annuels de la Société d'Agriculture de Bayeux.
La Société revenait avec confiance dans ce canton, qui avait été, cinq années auparavant, l'objet de sa sollicitude, convaincu que les encouragements qu'elle avait accordés n'auraient pas été stériles, que des progrès sensibles s'étaient manifestés dans toutes les branches de l'industrie agricole.
A midi les membres du bureau de la Société se sont réunis dans les salons de la mairie, où ils ont été reçus par ifl. le Maire, entouré du Conseil municipal et des officiers de la Garde nationale en uniforme. De là, ils se sont rendus avec les autorités dans la grande avenue du château, où les Concours devaient avoir lieu. Bientôt une grande afiluence de spectateurs s'est assemblée sur ce vaste emplacement, qui avait déjà été le théâtre d'une pareille solennité en 1843. Le temps était superbe. Un air de satisfaction se lisait sur tous les visages. Chacun comprenait toute l'importance de la fête qui réunissait tant de citoyens des diverses localités de l'arrondissement.
Le Jury a commencé ses opérations par l'examen des bestiaux présentés aux Concours. Peu de taureaux avaient été amenés, et la plupart étaient loin d'avoir les formes et les qualités propres aux reproducteurs d'élite de la race cotentine; mais les vaches et les génisses étaient nombreuses et fort belles. On a aussi remarqué quelques beaux béliers métis anglais. La race porcine avait peu de représentants.
A deux heures a commencé le Concours de labourage, dans une des pièces du beau domaine de Balleroy, sur les bords de l'avenue où venait d'avoir lieu l'exhibition des bestiaux. Six concurrents se sont présentés, et tous ont fait preuve d'habileté et d'intelligence.
La distribution solennelle des prix a eu lieu sous un pavillon élevé au milieu de la grande avenue et décoré de feuillages, de gerbes de blé, de drapeaux et d'attributs de l'agriculture. Cette position était merveilleusement choisie. Le théâtre où les concurrents venaient de disputer les prix qui allaient leur être décernés était proche des arbres centenaires ombrageaient le pavillon de leurs têtes majestueuses; la vue planait sur le rideau de verdure formé par la belle forêt domaniale de Cerisy tout se réunissait pour ajouter à la solennité de la cérémonie.
M. Pezet, président général de la Société, occupait 1e fauteuil, ayant à ses côtés MM. Lécuyer, sous-préfet de l'arrondissement; Villeroy, maire de Balleroy et membre du Conseil général; Haudry de Soucy, membre du Conseil d'arrondissement; Féron juge de
paix du canton; Auguste Villeroy, commandant de la Garde nationale de Balleroy; de Laboire président de la seclion d'Agriculture; de Bonnechose et du Manoir, vice-présidents de la Société; Castel et Georges Villers, secrétaire et vice-secrétaire généraux; Aubin, secrétaire de la section d'Agriculture, etc.
M. de Laboire a obtenu la parole et a prononcé le discours suivant
« MESSIEURS,
» II y a cinq ans, précisément à pareil jour, nous étions tous réunis dans ce même lieu, pour célébrer avec vous la première fête agricole du canton de Balleroy. Le même soleil brillait sur nos têtes et remplissait nos cœurs de joie et d'espérance. Comme aujourd'hui un sentiment d'union, d'amitié sincère, de bienveillance réciproque animait tous les assistants; un banquet fraternel réunissait à la même table tous les amis de l'agriculture, les premiers fonctionnaires de l'arrondissement, les membres de vos conseils, les simples ouvriers les domestiques vainqueurs dans nos Concours. Comme aujourd'hui j'avais l'honneur d'être l'organe de la Société d'Agriculture, et je venais proclamer en son nom que sa fondation n'avait qu'un seul but, une seule pensée honorer, encourager, récompenser le travail Aussi, après avoir félicité nos laboureurs sur leurs travaux et leurs progrès, je terminais par ces mots sympathiques qui furent applaudis et répétés par vous
HONNEUR AU TRAVAIL, A LA PROBITÉ, A L'INTELLIGENCE! 1 » Une des années suivantes, nos Concours se tenaient à Isigny, et je profitais encore de cette occasion solennelle pour constater aux yeux de tous ce grand fait social de la réhabilitation du travail, de la culture des terres mise en honneur. Je montrais la position du travailleur chaque jour mieux assurée par la concur- rence et par un salaire librement débattu, s'élevant progressivement à la propriété par l'épargne je signalais cette heureuse tendance des classes élevées vers l'agriculture et l'amour du travail. « Aujourd'hui, » disais-je, nul ne rougit de donner le grand et sa» lutaire exemple d'une vie laborieuse. Dans toutes )) les classes, à tous les degrés de l'ordre social on » respecte le travail, on en proclame la sainteté, la » nécessité. Depuis l'humble ouvrier penché sur la n terre, jusqu'au souverain sur le trône, ce qui fait » aujourd'hui la force et la valeur de l'homme, c'est » le travail, c'est la lutte, c'est le sacrifice du repos » au devoir. Dans les hautes régions de l'intelligence, » comme dans nos champs, ce qui fait la terre fé» conde, ce n'est pas la semence qu'on lui donne, » c'est le bras qui la cultive, c'ast la sueur qui l'ar» rose, c'est le travail
» Honneur donc au travail Messieurs honneur à » ces modestes ouvriers qui sont les instruments de » nos succès Mais que dis-je? ne sommes-nous pas » tous ici réunis dans cette seule pensée?. Quel est » donc ce mobile puis,sant quelle est cette fête non-
» velle qui rassemble ici de tous les points de l'ar» rondissement tant d'honorables citoyens? Messieurs, » c'est la fête de l'agriculture et du travail; c'est » notre fête à tous parce que tous nous voulons » honorer le travail.
» Cette consécration du travail est donc la grande » loi j'oserai presque dire, la religion des temps » modernes c'est la condition nécessaire de tous les » succès. »
» Et l'année dernière, à Caumont, au milieu d'un grand nombre d'entre vous, j'exaltais encore cette grande loi du travail et du progrès qui ne permet jamais à l'homme de s'arrêter oisif, ici-bas, et je disais
« Le repos, Messieurs, n'est pas un but digne de m l'homme qui comprend sa mission sur la terre. Il » peut être permis au vieillard que la force abandonne » d'y consacrer les derniers jours d'une vie languis» sante pour se recueillir devant Dieu avant de des» cendre dans la tombe mais dans l'âge viril le » repos est une honteuse abdication, une image de la » mort le travail au contraire est la vie et la gloire » de l'homme. »
» Ne croyez pas, Messieurs, qu'en reproduisant ces paroles je cède au vain plaisir de me citer moimême et d'exhumer d'es discours déjà loin de nous. Non Je me fais un devoir de les rappeler parce qu'ils ne m'appartiennent pas à moi seul, mais à vous tous qui les avez entendus et hautement approuvés, parce qu'ils expriment les sentiments de tous les membres
de la Société d'Agriculture. Je les rappelle parce que je tiens à établir pour vous tous, comme pour moimême, qu'en venant aujourd'hui fêter, glorifier le travail, nous ne cédons pas à l'entraînement des circonstances, a un vain désir de popularité: nous obéissons à un sentiment de toute notre vie. Oui, sans doute, lorsqu'il s'agit de véritable fraternité, d'amour sincère pour nos semblables, de respect profond pour l'agriculture pour l'ouvrier qui pratique consciensieusement cette grande loi du travail nous sommes tous ici, Messieurs, tous, sans exception, des hommes de la veille.
» Nous n'avons pas attendu pour confesser hautement nos opinions à cet égard qu'une révolution eût ébranlé le monde, et, remettant toutes les lois sociales en question, sous prétexte d'améliorer le sort des ouvriers, eût tari, pour longtemps peut-être, les sources du travail et de l'aisance dans la classe ouvrière. Lorsque nous honorions ainsi le travail, les ouvriers étaient privés de droits politiques et dépourvus de toute influence dans les affaires de l'état et de la commune il était utile et généreux alors de les encourager, de les grandir, de les relever à leurs propres yeux.
» Mais aujourd'hui qu'ils sont devenus une puissance, par les suffrages dont ils disposent, et qu'ils ont des flatteurs qui cherchent à tes séduire pour les faire servir d'instrument à leur ambition, nous leur tiendrons un langage plus sévère et nous leur donnerons un conseil dicté par notre sincère attachement pour
eux. Nous leur dirons de se défier de ces faux amis qui leur parlent sans cesse de leurs droits et jamais de leur devoirs, qui s'efforcent d'exciter chez eux des convoitises et des passions dangereuses, pour les pousser au mal, et qui, après avoir semé la misère et le désespoir dans les cités, après avoir exposé à la mort ou à l'exil les malheureux qui les ont écoutés, pourraient troubler à leur tour nos paisibles campagnes. Mais que dis-je et pourquoi ces conseils? L'esprit d'ordre et le bon sens de nos populations n'ontils pas résisté, jusqu'à présent, à de déplorables exemples? Grâce à l'administration sage et modérée du premier magistrat de cet arrondissement, que nous sommes heureux de voir ici au milieu de nous les ouvriers de nos villes n'ont pas cessé un instant de respecter l'ordre et les lois du pays,
» Nous devons surtout, Messieurs, rendre hommage à l'excellent esprit des ouvriers de l'agriculture, au milieu des graves événements qui viennent de se passer. Jamais peut-être ils n'avaient fait preuve d'autant d'exactitude dans l'accomplissement de leurs devoirs, de déférence pour les chefs d'exploitation, de zèle pour les travaux des récoltes. Tant il est vrai que l'agriculture, cette grande industrie, moralise l'homme, et, par la nature même des travaux qu'elle exige le préserve des entraînements dangereux.
» Attachons-nous donc, Messieurs, attachons-nous plus que jamais, dans ces temps de révolutions, à l'agriculture, à ces nobles travaux des champs qui élèvent l'âme et fortifient le corps, parce qu'ils s'exé-
cotent en plein air, à la face du Ciel, et en quelque sorte sous les regards de Dieu. »
Après ce discours qui a été fort applaudi M. de Laboire, organe de la Commission qui avait été chargée de visiter les exploitations agricoles du canton, s'est exprimé en ces termes
MESSIEURS,
Lors du dernier Concours qui s'est tenu à Balleroy j'avais exprimé le désir et l'espérance d'avoir à constater un progrès notable dans l'intervalle qui s'écoulerait jusqu'à notre prochaine réunion. Cet espoir n'a pas été déçu, et le canton de Balleroy a dignement répondu à l'appel que nous lui avons adressé. Malgré les souffrances qui ont pesé cette année sur l'agriculture, nous avons trouvé partout, sur notre passage, la preuve du progrès et de l'amélioration. Les plantes fourragères, et surtout le sainfoin, ont pris une plus grande place dans les assolements la culture du colza, en grandes lignes sarclées et butées, commence à s'introduire et produire de bons résultats pour le nettoyage des terres. La Commission, chargée de visiter les fermes, s'est acquittée avec zèle de la tâche délicate et laborieuse qui lui était imposée. Plus de trente fermes ont été explorées dans tous leurs détails et partout où elle s'est présentée elle a pu constater des progrès.
Organe de cette Commission je suis heureux de
pouvoir aujourd'hui féliciter hautement MM. les cultivateurs du canton de Balleroy, et de décerner à l'ensemble de leurs exploitations le juste éloge qu'elles méritent.
Je vais maintenant avoir l'honneur de vous rendre compte du résultat de nos visites et de proclamer les récompenses décernées par la Société, conformément au programme.
Mais avant d'entrer dans cet examen nous devons vous faire connaître que la Commission n'a pas cru devoir proposer de candidats pour les médailles destinées aux plantations des arbres forestiers, parce qu'elle n'a rien rencontré, dans le cours de ses visites, qui lui parût digne de ces récompenses. Elle n'a pas voulu, toutefois, priver un canton aussi étendu des distinctions qui lui étaient destinées. Frappée du grand nombre d'exploitations vraiment remarquables qu'elle a visitées, elle a décidé, à l'unanimité, après avoir pris l'avis du Conseil d'administration de la Société, qu'il serait décerné, pour cette année, trois Médailles d'honneur en argent trois en bronze et cinq Mentions honorables aux cultivateurs du canton de Balleroy. MÉDAILLES D'HONNEUR ET MENTIONS HONORABLES POUR LA BONNE TENUE DES FERMES.
1" Médaille d'argent. M. Jacques Lefrançois, ferme de l'Église, à Campigny, appartenant à M. de Grandval.
M. J. Lefrançois avait obtenu à votre dernier
Concours, une seconde médaille, et déjà, quoiqu'il ne fût pas depuis longtemps sur la ferme de Campigny, il avait réalisé d'importantes améliorations. Depuis cette époque les travaux de cet habile cultivateur ne se sont pas ralentis un seul jour, et les membres de la Commission qui assistaient à la visite faite, il y a cinq ans, ont été frappés des progrès obtenus dans cet intervalle sur toutes les parties de l'exploitation. M. Lefrançois ne travaille pas seulement en fermier, mais en propriétaire laborieux et intelligent il a séparé plusieurs pièces, en creusant des fossés à ses frais, il a amélioré des fonds médiocres, en transportant des terres amendées et des engrais à de grandes distances, il a amené les terres à un état de propreté et de fertilité remarquables, parce qu'il ne recule devant aucune avance de fonds qui est en rapport avec le produit à obtenir.
M. Lefrançois cultive le colza en lignes espacées à deux raies, et soigneusement biné; ses herbages sont parfaitement tenus sa vacherie, déjà remarquable, il y a cinq ans, est encore améliorée; les fumiers sont abondants et soigneusement aménagés; la laiterie, remarquablement belle, est d'une propreté irreprochable; en un mot, tous les détails de cette belle.exploitation sont également soignés et ne laissent rien à désirer. M. Lefrançois est du nombre des cultivateurs trop rares encore peut-être qui aiment assez l'agriculture, pour ne pas calculer sévèrement la limite à laquelle doivent s'arrêter les améliorations du fermier, et qui ne craignent pas d'augmenter la valeur du sol en dé-
veloppant sans cesse sa fertilité.
M. Lefrançois est déjà récompensé de ses efforts par la beauté et l'abondance de ses produits; nous sommes convaincus d'avance qu'il le sera plus tard par la reconnaissance et les procédés généreux du propriétaire, qui lui permettra de recueillir longtemps le fruit de ses travaux.
La Commission a été unanime pour décerner à M. Lefrançois la première Médaille d'argent pour la bonne tenue des fermes.
2' Médaille d'argent. M. Le Marchand, ferme du Clos, à Ellon, appartenant à M. de Caumot. M. Le Marchand a réalisé les espérances que je fondais sur notre premier Concours lorsque je vous disais, en conseillant une salutaire émulation Les vaincus d'aujourd'hui seront petitêtre les vainqueurs d'alors. En effet, cette exploitation, qui avait été visitée, il y a cinq ans et qui était déjà remarquable, sans doute, sous plusieurs rapports, avait cependant été surpassée par plusieurs autres; il n'en sera pas de même aujourd'hui. La Commission a été frappée de l'excellente tenue de toutes les parties de cette ferme et des améliorations qui ont été obtenues.
Les labours sont exécutés avec une précision et une habileté remarquables, et les terres parfaitement propres et engraissées de manière à donner les plus beaux produits.
La culture du sainfoin du colza à deux raies, des
plantes fourragères dépouillées au piquet par de nombreux animaux, développent la fertilité de la terre. Les herbages sont entretenus avec une recherche qui ne permet de découvrir aucunes mauvaises productions.
La vacherie est bonne, et nous avons surtout distingué un jeune taureau d'une très-belle nature. Nous proposons de décerner à M. Le Marchand la 2' médaille d'argent.
3" Médaille d'argent. – M. Auguste Saillenfest, ferme de Valmont à Vaubadon, appartenant à M. Gustave de Germiny.
M. Saillenfest est encore un vainqueur révélé par notre concours d'aujourd'hui et qui mérite de l'être à tous égards.
A peine arrivé sur la ferme de Valmont, lors de notre première visite, en 1843, il n'avait pu faire disparaître encore les traces d'une culture négligée, et il n'avait été jugé digne d'aucune distinction. Mais la Commission avait pu apprécier l'état dans lequel la ferme avait été laissée par le précédent fermier. Les herbages, d'une végétation très-faible et surchargés de mousse, étaient, en outre, remplis dans plusieurs parties, de touffes de ronces qui s'étendaient à de grandes distances.
Les récoltes étaient chétives, et les terres en labour infestées de mauvaises productions.
Dans l'espace de cinq années toutes les parties de cette exploitation ont subi une métamorphose com-
plète. Les ronces ont disparu, non pas seulement coupées, mais extirpées. Les herbages ont changé de nature un grand pré a été non-seulement engraissé abondamment mais soumis chaque année à une irrigation dirigée avec soin et intelligence. Les terres en labour ont été nettoyées et véritablement transformées par la culture du sainfoin et du colza à deux raies pratiquée en grand.
La supériorité croissante des récoltes obtenues par ce jeune et laborieux cultivateur sur des terres légères et médiocres prouve son zèle pour l'Agriculture et l'abondance des engrais qu'il emploie. Indépendamment des fumiers qui sont recueillis avec soin et augmentés par la fermentation de toutes les herbes parasites, M. Saillenfest achète du tourteau et des balayures de ville il emploie presque chaque année un fourneau de chaux sur la ferme et pour augmenter encore la masse des fumiers, il se propose de soumettre, pendant l'hiver, tous ses bestiaux à la stabulation permanente, au moyen de superbes étables que vient de faire construire, sur sa demande, le propriétaire, ami zèlé de l'agriculture et du progrès. Qu'il nous soit permis d'ajouter ici que M. de Germiny doit être cité, aux premiers rangs parmi les propriétaires qui savent généreusement encourager leurs fermiers soit par des subventions d'engrais, soit par les constructions que réclame le développement du progrès agricole.
M. Saillenfest est, sans contredit, un des jeunes cultivateurs de ce canton qui mérite le mieux vos élo-
ges et vos encouragements, et nous vous proposons de lui accorder une médaille d'argent.
l™ Médaille de bronze. – M. Pierre Rauline ferme de Vaux, à Vaubadon, appartenant à M. d'Aigneaux. Cette exploitation est surtout remarquable par un ensemble complètement satisfaisant.
Les labours sont habilement dirigés et les récoltes sont généralement très-bonnes eu égard surtout à la qualité médiocre des terres.
M. Rauline ne se livre pas encore à la culture du colza mais il produit beaucoup de sainfoin et de plantes fourragères.
Les herbages, situés dans un terrain marécageux, et qui étaient autrefois infestés de plantes aquatiques et malfaisantes, ont été notablement améliorés, non-seulement par des engrais, mais par des travaux d'assainissement dirigés avec intelligence; ils sont maintenant dépouillés et entretenus avec le plus grand soin. L'ensemble de la vacherie est très-bon, et nous y avons distingué quelques vaches ;d' élite.
M. Rauline avait obtenu, lors du dernier Concours, une mention honorable; mais, depuis cette époque, il n'a pas cessé de marcher dans la voie du progrès, et il mérite aussi, sous tous les rapports, de figurer aux premiers rangs parmi les bons cultivateurs du pays. Nous vous proposons de lui décerner la V médaille de bronze.
2e Médaille de bronze. – M. Auguste JAMES, ferme de Laquièze, commune de Saint-Martin-de-Blagny.
M. James est un de ces cultivateurs modestes et laborieux qui ne font pas parler d'eux, mais qui se révèlent par le résultat de travaux soutenus et intelligents. L'ensemble de son exploitation est remarquablement bien tenu; ses lahours sont excellents; ses herbages sont constamment améliorés par des tombes parfaitement engraissées avec des fumiers et de la chaux. Au moment où nous l'avons visité, il venait d'employer un fourneau de chaux pour l'amendement de la ferme, et notamment pour 20 vergées d'herbages qui recevront un excellent engrais.
M. James a converti un herbage à ses frais il a entrepris des travaux remarquables pour défricher et niveler une lande inculte, dont il est parvenu à faire un bon labour.
Nous l'avons jugé digne de vous être proposé pour une médaille de bronze.
3e Médaille de bronze-M. Jacques RAVENEL, ferme du Bosq, à Littry, appartenant à M. Gervais. En améliorant progressivement une terre ingrate dont plusieurs avant lui n'avaient tiré qu'un trèsfaible produit, M. Ravenel a prouvé une fois de plus cette vérité qu'on ne saurait trop répéter, qu'il n'y a pas de terres stériles pour le cultivateur laborieux et intelligent.
Les terres de cette ferme, dont le sous-sol est généralement glaiseux et imperméable, étaient souvent couvertes d'eau pendant une partie de l'hiver et remplies de plantes aquatiques. Elles ont été soigneuse-
ment assainies par des rigoles et réchauffées par l'abondance des engrais calcaires; de telle sorte que nonseulement les mauvaises productions ont disparu mais les plantes fourragères les trèfles le sainfoin surtout si difficiles à élever dans les terres froides ont fini par réussir, et ont permis d'entretenir, sur la ferme, beaucoup plus de bétail et d'augmenter ainsi, chaque année, la masse des engrais. Aussi nous avons remarqué avec satisfaction, dans la cour, une fumière très-bien aménagée et surtout très-considérable eu égard à l'étendue de l'exploitation.
Nous proposons de décerner à M. Jacques Ravenel une médaille de bronze.
MENTIONS HONORABLES.
1™ Mention honorable.-M. Auguste de Christot, ferme de Laloride appartenant à M. du Manoir. Les justes éloges donnés au précédent cultivateur doivent être aussi accordés à M. Christot, et à trèspeu de chose près au même degré. Comme M. Ravenel, il a trouvé une ferme longtemps négligée, des terrains marécageux qu'il a fallu assainir et purger de mauvaises productions; comme lui il a lutté courageusement et avec succès; comme lui enfin il féconde une terre ingrate par des engrais et des amendements considérables.
La Commission aurait désiré avoir encore une médaille à donner; elle n'a donc pu hésiter à décerner à M. de Christot la 1" mention honorable.
2e Mention honorable.-M. Vivien cultivateur, à Littry, ferme de Marsy.
M. Vivien est sans contredit un des plus laborieux cultivateurs du pays; et si la Société n'avait à juger et à récompenser que le travail courageux et opiniâtre les efforts persévérants, peut-être aurait-il eu droit à l'une des premières médailles; mais la Commission devait tenir compte aussi des résultats obtenus, et surtout signaler, en première ligne, les belles cultures, les procédés nouveaux l'ensemble complet digne de servir de modèle.
Plusieurs membres de notre Commission qui avaient eu occasion de visiter la ferme de Marsy avant l'entrée en jouissance de M. Vivien, et qui avaient constaté le déplorable état de ce domaine ont pu apprécier les travaux considérables qu'il a exécutés, les changements et les améliorations qu'il a réalisés. Ce ne sont pas seulement des travaux de culture, mais d'amélioration foncière exécutés à ses frais une lande inculte défrichée, des carrières comblées, des herbages marécageux redressés et assainis. Nous avons remarqué le soin avec lequel M. Vivien fait couper et ramasser tous les joncs et les herbes parasites qui croissent sur la ferme, pour les convertir en fumiers au moyen d'arrosements bien entendus. C'est surtout encore au point de vue de la production du fumier qu'il entretient le meilleur troupeau de moutons que nous ayons rencontré dans le canton.
Pour récompenser le zèle et les travaux désinté-
ressés de M. Vivien, la Commission a cru devoir lui accorder, non-seulement une mention honorable, mais encore la prime de 90 francs pour l'aménagement et la production des fumiers, dont nous aurons à parler tout à l'heure.
3e Mention honorable-M. CAiRON, ferme de Verrière, à Lingèvres.
Ce jeune cultivateur a également le mérite d'avoir amélioré une ferme qui était en assez mauvais état quand il y est entré. Les terres labourables, qui composent la presque totalité de cette terre, sont remarquablement bien tenues.
La régularité et la beauté des récoltes attestent tout à la fois la perfection du labourage, la propreté de la terre et la bonne qualité des engrais. Nous avons remarqué chez M. Cairon une nouvelle espèce de gros blé qu'il cultive avec succès et qui est la plus productive que nous connaissions. J'ai compté les grains contenus dans quelques épis qui étaient énormes, et j'en ai trouvé de 75 à 92.
Maintenant que ces terres sont convenablement nettoyées il serait à désirer que M. Cairon, qui a très-peu d'herbages, pût entretenir, sur la ferme, un plus grand nombre de bestiaux, et nous lui avons conseillé de développer la culture des plantes fourragères, afin de nourrir des vaches au piquet, excellente méthode, surtout dans les exploitations où la proportion des herbages est insuffisante.
M. Cairon ne s'arrêtera pas dans la bonne voie où
il est entré; il est plein de zèle pour l'agriculture et pour le progrès, et il mérite, sous tous les rapports les encouragements de la Société.
4e Mention honorable.-M. René LE Guelinel ferme de M"° Senot à Gahagnolles.
M. Le Guelincl est considéré depuis longtemps, avec raison, comme un très-bon cultivateur, et il est aussi du nombre de ceux qu'une louable émulation a entraînés dans la voie du progrès, depuis votre dernier concours. Cité avantageusement dans le rapport de 1843, M. Le Guelinel a fait de nouveaux efforts pour améliorer l'ensemble de son exploitation, et il a mérité, sous tous les rapports de vous êtes proposé pour une mention honorable.
Ses herbages sont remarquablement bien tenus, et des tombes sont disposées pour les engraisser dans une proportion convenable.
Pour augmenter la masse des fourrages, il cultive cinq hectares de sainfoin et de luzerne qui sont plâtrés soigneusement.
Sa vacherie, composée de vingt vaches environ, a été également améliorée et nous y avons remarqué des animaux d'une finesse et d'une nature qui doivent la faire classer parmi les meilleures du canton. La laiterie est tenue avec une exquise propreté. Enfin l'ensemble de cette exploitation est complétement satisfaisant.
S" Mention honorable. M. François Ravenkl >
commune de Littry, ferme de la Comté, appartenant à M. de St-Pierre.
L'exploitation de M. Ravenel est considérable et composée, en partie, de terres fortes, humides et difficiles à cultiver. On doit cependant lui rendre cette justice que toutes les' parties sont généralement soignées.
Les labours sont très-bons; la chaux employée en tombes et dans de fortes proportions, vient en aide aux fumiers pour développer la fécondité d'un sol naturellement froid. Six hectares sont consacrés au sainfoin, culture difficile dans ce terrain, et qui prospère cependant, par suite d'une bonne préparation et des amendements convenables, parce qu'en agriculture surtout il n'est rien d'impossible à l'homme, et que le travail intelligent surmonte tous les obstacles. M. Ravenel a une bonne vacherie, composée de seize vaches à lait et d'une vingtaine de jeunes élèves. Il a paru digne sous tous les rapports, d'être proposé pour une mention honorable.
AMÉLIORATION DE LA RACE CHEVALINE. Médaille d'argent. MM. MARION frères, commune de Litteau fermes d'Hérouville et du PontGalop, appartenant à M. Guérin.
MM. Marion se livrent depuis longtemps, avec un zèle et une intelligence soutenus, à l'amélioration des races de bestiaux et particulièrement à l'élève du cheval.
Leurs vacheries sont justement renommées dans le canton pour la beauté et la finesse des animaux, non moins que pour la production laitière, et elles pourraient figurer avec avantage parmi les meilleures du Cotentin. Aussi MM. Marion ont obtenu les premières primes au Concours de 1843, et ils se présentent encore aujourd'hui devant vous avec de nombreux bestiaux qui témoignent de leurs efforts soutenus, et qui leur mériteront de nouvelles récompenses de la Société.
Dans les deux fermes d'Hérouville et du PontGalop on compte douze juments presque toutes consacrées à la reproduction, et neuf poulains élevés avec soin et intelligence.
La Commission frappée des progrès et des bons résultats obtenus par MM. Marion, n'hésite pas à vous proposer de leur décerner la Médaille d'argent pour l'amélioration de la race chevaline et elle désire qu'il soit bien compris que cette récompense est commune aux trois frères, qui la méritent également.
Médaille de Ironze. – M. Auguste Longuet, ferme de Caenchy, commune de Castillon.
M. Longuet s'occupe aussi avec zèle et intelligence du choix et de l'amélioration des races de bestiaux. Sa vacherie est une des bonnes du canton, et son harnais, composé de juments poulinières, est choisi et entretenu avec soin.
La Commission a remarqué, avec intérêt, chez ce
cultivateur, plusieurs bons poulains de l'année et des élèves habilement dirigés. Elle croit devoir vous proposer de lui accorder la Médaille de bronze pour l'amélioration de la race chevaline.
AMÉNAGEMENT DES FUMIERS.
1" Prix de 90 fr. M. Vivien, commune de Littry, ferme de Marsy, déjà nommé.
Nous avons établi plus haut, dans la partie de ce rapport consacrée à la bonne tenue des fermes, que M. Vivien avait été jugé digne, non-seulement d'une mention honorable, mais encore de la première prime de 90 fr. pour l'aménagement des fumiers. Nous avons pu constater avec quel soin il recueille et convertit en fumier tous les résidus végétaux qui sont négligés et perdus dans beaucoup d'exploitations. La Commission a voulu encourager aussi par cette récompense, l'élevage et l'entretien d'un très-beau troupeau de moutons, industrie qui devient chaque jour plus rare dans le canton, et qui est cependant si précieuse, tant pour la production de la laine et de la viande, que pour la quantité et l'excellence du fumier.
2" Prix de 60 francs. M. Jean-Louis Cardihe, cultivateur à Montfiquet.
M. Cardine, dont la ferme est située dans une partie du canton fort écartée et au milieu de très-mauvais chemins, n'avait pas demandé à concourir, et il était fort loin de s'attendre à la visite de la Commis-
sion. Aussi était-il absent lorsque nous nous sommes présentés sur son exploitation; et cependant nous avons été frappés tout d'abord de l'ordre parfait qui régnait dans les cours, du soin avec lequel tous les ustensiles aratoires étaient rangés à leur place, et surtout de l'excellente disposition des fumiers, qui étaient soigneusement ramassés et empilés devant les portes des écuries, étables et burets, de telle sorte que les animaux, en passant dessus, chaque jour, les engraissaient encore et empêchaient ainsi, par l'effet du piétinement, la dessication et la déperdition des gaz. La fumière, quoique légèrement enfoncée pour conserver tous les sucs qui lui sont propres, est cependant assez élevée pour être garantie des eaux pluviales qui pourraient pénétrer dans la cour, et elle est d'ailleurs entourée d'une banquette d'argile soigneusement battue et gazonnée qui conserve les parties liquides. Ces soins habituels apportés à la confection des engrais révèlent un bon cultivateur; et déjà M. Cardine, qui n'est sur cette ferme que depuis peu d'années et qui l'avait trouvée dans un état de dégradation notoire, a réalisé d'importantes améliorations. Il a, en outre, converti, à ses frais, une pièce labourable en herbage, ce qui est toujours onéreux au fermier, dans les premières années. La Commission a cru devoir lui décerner le second prix pour l'aménagement des fumiers. CULTURE DES RACINES.
1" Prix de 90 fr. M. Jacques Dubreuil, cul-
tivateur à Vaubadon, ferme de la Vallée.
En accordant deux prix spéciaux exclusivement réservés à la culture'des racines à substance alimentaire, le gouvernement a voulu encourager cette partie de l'agriculture trop peu développée encore dans notre arrondissement, et qui est pourtant si importante, non-seqlement pour l'amélioration du sol, mais surtout pour la nourriture et l'engraissement du bétail en hiver.
Nous avions peu de concurrents pour ces prix. Les mécomptes éprouvés par nos cultivateurs, depuis plusieurs années, par suite de la maladie des pommes de terre, ont produit, en ce qui concerne cette culture, un découragement presque général; et quant aux betteraves, la plupart sont encore effrayés par les frais de main-d'œuvre et de sarclage qu'elles exigent. Nous avons cependant trouvé chez M. Dubrcuil, à Vaubadon, une culture de betteraves et de pommes de terre remarquablement soignée et assez considérable, relativement à l'étendue de sa ferme. Il a donc été jugé digne du premier Prix de 90 fr. Les autres parties de cette exploitation méritent également d'être signalées pour leur bonne tenue; et nous devons rappeler, à cette occasion, que ce cultivateur avait déjà été mentionné honorablement dans le rapport qui vous a été soumis, il y a cinq ans. II a continué à marcher dans une voie de travail et de progrès; nous lui devons donc de nouvelles félicitations.
2e Prix de 60 francs. M. Louis Langlois, cul-
tivateur à la Bazoque, ferme des Essarts.
M. Langlois n'a pas craint, malgré les chances fâcheuses de la maladie, de consacrer environ cinq vergées à la culture des pommes de terre et des betteraves et comme il a eu soin de planter les pommes de terre de très-bonne heure, elles ont beaucoup moins souffert que la plupart de celles que nous avons rencontrées dans nos visites.
M. Langlois, qui dirige avec succès une des exploitations les plus importantes du canton, est un des premiers qui ait cultivé le sainfoin en grand dans son quartier, et il avait obtenu une mention honorable, lors du dernier Concours. La Commission vous propose de lui décerner aujourd'hui le second Prix pour la culture des racines.
Nous avons terminé, Messieurs, la liste des récompenses que vous nous aviez chargé de décerner, au nom de la Société, et nous avons la conscience d'avoir rempli cette mission difficile avec le désir sincère de les attribuer aux plus dignes. Nous devons toutefois nous empresser de vous faire connaître un grand nombre d'autres cultivateurs qui ont suivi de bien près les premiers dans cette voie honorable du travail et du progrès. Et d'abord nous vous dirons que, parmi les cultivateurs que nous avons visités, il en est plusieurs qui, par modestie ou désintéressement, ont désiré ne pas concourir. D'un autre côté, la Commission avait décidé, en principe que, sans vouloir exclure les propriétaires-cultivateurs, les fermiers ob-
tiendraient cependant la préférence, à mérite égal, parce que, dans ce cas, ils sont encore plus dignes de récompense que le propriétaire qui travaille pour lui et pour ses enfants sans crainte de l'avenir. Parmi les propriétaires, nous vous signalerons aux premiers rangs
1" M. Pierre Hébert, cultivateur et herbager, commune de Litteau, qui se fait remarquer, non-seulement par la bonne tenue de ses terres, mais encore par le choix des bestiaux dont il peuple ses herbages. 2° M. Fouque cultivateur à Littry, membre de la Société d'Agriculture de Bayeux, qui lui a déjà décerné une médaille d'argent et une de vermeil pour la fabrication du beurre et la supériorité de ses produits.
M. Fouque continue à s'occuper avec zèle de cette industrie si importante; il améliore ses herbages, et nous avons remarqué chez lui une vacherie très-bien appropriée à la nature de son sol.
3° M. Michel SALLES, propriétaire à Castillon, a fait, depuis longues années, des travaux importants pour améliorer une propriété qui était très-médiocre, et qui est maintenant dans un état de fertilité remarquable. Il a défriché, nivelé et mis en valeur des côteaux stériles, couverts de rochers et d'épines. Ses terres en labour sont fortement engraissées et entretenues dans un état de propreté remarquable qui lui assure presque toujours d'excellents produits; ses herbages sont soigneusement dépouillés, et on n'y
rencontre jamais de mauvaises productions; les pommiers des champs, habilement taillés, dégagés de mousses et autres plantes parasites, sont aussi tendres et aussi vigoureux que les arbres d'un jardin enfin on ne trouve rien de négligé sur cette propriété, et M. Salles s'il avait voulu concourir, aurait eu des droits aux récompenses de la Société.
4° M. d'àrgouges, propriétaire et maire à Campigny, s'occupe plus particulièrement de la culture et de l'administration des herbages, et sa propriété est remarquablement bien tenue, sous ce rapport. Nous avons distingué quelques jeunes chevaux élevés avec succès par ce cultivateur intelligent.
Enfin, Messieurs, dans presque toutes les fermes que nous avons visitées nous avons reconnu quelque chose de satisfaisant et qui mérite de vous être signalé.
Chez MM. LANGLOIS frères, à Campigny, nous avons trouvé encore, il est vrai, et avec quelque regret, l'ancien système de culture, avec la jachère et le prétendu repos accordé à la terre, pour réparer ses forces; mais du moins ce système était appliqué dans de bonnes conditions les terres en varet étaient bien labourées et convenablement engraissées. Les autres parties de l'exploitation, la tenue des herbages et l'élève des bestiaux ne laissaient rien à désirer. Chez M. Le Masle, à Littry, nous avons remarqué une cour de ferme et des fumiers très-bien aménagés. Chez M. Théophile Ravenel, des terres bien cul-
tivées et améliorées par la culture du sainfoin et des plantes fourragères.
Chez M. Duval, à Littry, des travaux considérables et bien entendus pour améliorer des prairies marécageuses et pour introduire la culture des racines et des plantes fourragères sur un sol épuisé par les céréales.
La Société d'Agriculture ne pouvait décerner des récompenses a tous les cultivateurs, mais elle est heureuse du moins de profiter de cette occasion solennelle pour leur exprimer ici publiquement la satisfaction qu'elle a éprouvée en visitant et appréciant leurs travaux.
Au nom de la même Commission, M. de Laboire a exposé verbalement les titres des anciens domestiques agricoles aux encouragements de la Société et, sur son rapport, des récompenses leur ont été décernées ainsi qu'il suit
PRIX DE MORALITÉ.
HOMMES.
1er Prix 60 fr. M. G. MALLET.pour 25années de service chez M"19 veuve Mar-
tin, à Balleroy.
2e Pria; 40 fr. M. Auguste LE Petit pour 21 années de service chez Mrae
veuve Vimard, à Littry.
i" Mention honorable M. Jean Maugkr, pour 16 années de service chez M. Chastel
à Lingèvres.
2- – M. Jean SCELLES, pour 29 années de service chez M. Gue-
roult, à Litteau.
FEMMES.
Ier Prix 60 fr. Mil8 Marie Mahier, pour 50 années de service chez M. Denize,
à Littry.
2' Prix 40 fr. Mil8 Françoise LE Boeuf pour 27 années de service chez M.
Jacques Grandin, à Litteau.
1" Mention honorable MHe Victoire Viqcesnel pour 28 années de service chez M.
Fauchon, à Ellon.
2e – Mil8 Jeanne Hervieu pour 28 années de service chez M. Re-
née, à Vaubadon.
Sur le rapport du Jury des Concours de bestiaux et de labourage, les primes ont été distribuées de la manière suivante
CONCOURS DE TAUREAUX.
lre Prime 200 francs M. Jacques LE FRANÇOIS, de Campigny, pour un taureau
brange-caille de race coten-
tine, âgé de 5 ans.
2" Prime 160 francs M. OLIVIER, de Chouain pour, nn taureau brange-caille
de race contentine, âgé de
16 mois.
3' Prime 140 francs M. François MARION, cultivateur à la Bazoque, pour un
lr" Prime 125 francs: M. Auguste LeSage, à Couvert, pour une vache brange-
2" Prime 100 francs M. François Marion de la Ba*• zoque, pour deux vaches,
3e Prime 75 francs MM. Marion frères de Litteau, pour 2 vaches de race co-
1" Mention honorable: M. Thomas Catherine, de Castillon, pour une vachebrange-
2' Mention honorable M. Renée, de Vaubadon pour une génisse de 3 ans, brange-
lr« Prime 60 francs M. LE REBOURG, demeurant au Vernay, pour un jeune bé-
taureau brange-caille, de race
cotentine, âgé de 13 mois.
CONCOURS DE GÉNISSES ET VACHES LAITIÈRES.
caille, de race cotentine
âgée de 5 ans.
de race cotentine, l'une de 6
ans sous poil brange-rouge
l'autre de 7 ans sous poil
brange-caille.
tentine, l'une de 6 ans, sous
poil brange pâle l'autre de
7 ans, sous poil gris-caille.
caille, de 6 ans.
caille, race du pays.
CONCOURS DE BÉLIERS.
lier métis-anglais, âgé de
15 mois.
2" Prime 40 francs M. DARGOUGES de Campigny, pour un bélier de la race an-
glaise de Dishley.
CONCOURS DE VERRATS.
1" Prime 60 fr. M. Olivier, de Chouain, pour un verrat métis-anglais, âgé de
7 mois.
2e Prime 40 fr. M. Jacques RAVENEL. de Littry, pour un verrat de race du
pays, âgé de 10 mois.
CONCOURS DE LABOURAGE.
1er Prix 70 fr. M. Pierre RUEL domestique chez M. Louis Châtel, à Lingè-
vres.
2« Prix 60 fr. M. Félix GODARD domestique chez M. Auguste Longuet
à Castillon.
3e Prix 40 fr. M. Louis LE DAIN chez M. Jacques Le Vard, à Cahagnolles.
4' Prix 50 fr. M. Auguste MARGUERITE, chez M. AugusteChristot, à Trungy.
La distribution des récompenses étant terminée M. le Sous-Préfet a pris la parole et s'est exprimé en ces termes
« MESSIEURS,
» Assistant aujourd'hui pour la première fois à ce Concours où, par l'organe de votre président vous m'avez fait l'honneur de m'appeler, je n'ai pu constater, chaque année, la marche de vos efforts, je n'ai
pu suivre ces utiles, ces intéressants progrès qui sous l'influence de notre Société d'Agriculture si bien dirigée par les hommes éclairés qui forment son bureau, se sont si heureusement développés mais s'il ne m'a pas été donné de jouir de vos luttes pacifiques, non moins heureux peut-être, je viens partager les joies et les douceurs du triomphe. » Oui, Messieurs, c'est une bien belle victoire que celle où les plans d'attaque ne sont conçus, où les armes du combat ne sont employées que pour forcer le sol a nous donner tout ce que l'abondante, l'inépuisable nature lui a permis de produire admirable concours de la patience, de la résignation, du courage persévérant qui vont puiser à toutes les sources de l'intelligence pour arriver, par l'ordre et le travail, à la véritable richesse.
» Messieurs
» Plus que jamais l'agriculture doit avoir confiance en ses œuvres plus que jamais elle doit espérer dans son avenir.
» Quel gouvernement plus que celui de la République peut en protéger les développements, en assurer les succès?
» Sa pensée ne se révèle-t-elle pas d'ailleurs manifestement à vos yeux par le choix de l'homme qu'elle a placé à la tête de ce ministère?
» Le chef du pouvoir exécutif, en prenant dans vos rangs, parmi les agriculteurs-pratiques, une des célébrités les plus remarquables pour remplir ce
poste éminent, vous a montré que son intérêt le plus vif se portait vers l'agriculture. M. Tourret, en effet, à peine arrivé au ministère, y a signalé son avénement par la présentation d'un projet de loi sur l'enseignement agricole qu'avait jusque-là inutilement réclamé le Congrès central d'Agriculture.
» Consolidons, par notre accord Messieurs notre nouvelle République; tâchons de persuader à tout ce qui nous entoure, que des illusions malheureuses, que des regrets chimériques ne peuvent plus l'ébranler sur les larges bases où nos représentants travaillent à l'asseoir; et le temps n'est pas éloigné, j'espère, où vous verrez se fonder partout, dans nos départements, des écoles professionnelles, où vous verrez se construire et se réglementer des fermes-écoles, d'où sortiront bientôt, éclairés à la fois par la théorie et la pratique, des hommes capables de porter la fécondation et la richesse du sol à ses dernières limites; le temps n'est pas éloigné où le gouvernement de la République, se chargeant encore ici de réparer les injustices d'une autre époque, attachera d'équitables indemnités aux sacrifices que les épreuves des hommes dévoués se sont imposés pour arriver au perfectionnement, et assurera enfin à l'Agriculture non pas comme précédemment, de ces subventions presque dérisoires, mais des dotations en rapport avec l'importance des efforts et du but.
» Vive la République »
La fête a été terminée par un banquet de cent cou-
verts, qui a réuni les Autorités, les membres de la Société et un grand nombre de cultivateurs. Les lauréats du Concours de labourage et les anciens domestiques auxquels des récompenses venaient d'être accordées y avaient élé invités et y ont pris part. La plus franche cordialité .a constamment régné pendant ce banquet, dont les préparatifs avaient été faits, avec une entente parfaite, sous la direction et par les soins de la Commission d'organisation.
Les pauvres n'ont pas été oubliés dans cette réunion fraternelle. Une quête en leur faveur a été faite par M. Villeroy, commandant de la Garde nationale, et M. de Balleroy fils, officier de cette garde. A la fin du banquet, M. le Président s'est levé et a porté un toast à M. le Maire de Balleroy et à MM. les membres de la Commission d'organisation qui avaient si fortement contribué, par leurs soins intelligents et leur concours empressé, à assurer le succès de la fête agricole. Après avoir rappelé brièvement le but de la fondation de la Société et les améliorations qu'elle a provoquées et obtenues, M. Pezet a continué en ces termes
« Plus que jamais nous nous applaudissons de cette mission que nous avons acceptée et remplie comme un saint devoir envers le pays. L'agriculture n'eut jamais à espérer de meilleures destinées.
» Avec les droits nouveaux et la valeur politique que confère à chaque citoyen le suffrage universel il est impossible que les intérêts agricoles, qui sont, en
définitive, les intérêts de l'immense majorité de la nation, ne tiennent pas désormais une place de plus en plus large dans les préoccupations législatives. ,,i » Ceux-là que le suffrage de tous aura portés aux: diverses fonctions électives sur le pavois populaire auront pour premier devoir de soulager les souffrances de l'agriculture, et de combattre les obstacles qui pourraient arrêter son essor. Ils mettront leur gloire à la faire parvenir à ce haut degré de splendeur où ù l'avaient élevée les anciennes Républiques qui la proclamèrent le premier des arts et à lui faire verser d'une main prodigue sur la nouvelle République, sur la France, ses intarissables bienfaits.
» Alors la condition du laboureur sera de plus en plus honorée, considérée comme la voie qui mène à l'aisance, au bonheur;
» Alors désabusés de ces illusions qui ne font qu'épuiser l'énergie et les facultés de l'intelligence dans des rêves dangereux ou de vaines abstractions des hommes éminents consacreront leur activité à la culture du sol et à la vie paisible des champs; » Alors les fils des cultivateurs seront fiers des travaux qui auront honoré l'existence de leurs pères. Ils aimeront à conduire la charrue paternelle, à vivre sous le toit qui les vit naître, et s'épargneront ces mécomptes, ces amères déceptions que l'on ne rencontre que trop dans les autres carrières sociales. » Messieurs, à la réalisation dans l'ordre et la liberté de cet heureux avenir agricole
» A vous, Messieurs, qui l'aurez préparé par vos
travaux, par vos exemples, par vos encouragements « A M. le Maire de Balleroy, à MM. les Membres de la Commission d'organisation qui ont disposé cette brillante fête qni développera dans ce riche canton le goût des améliorations et des innovations utiles » M. le Maire de Balleroy a répondu à cette chaleureuse allocution, et a porté un toast à la Société d'Agriculture, protectrice et organe des intérêts des cultivateurs.
A huit heures du soir, tous les citoyens qui s'étaient réunis dans une même pensée d'union et de progrès se sont quittés en se donnant rendez-vous au prochain comice agricole.
TABLEAU INDICATIF
DES DONS
FAITS
A LA SOCIÉTÉ
Depuis le 1er novembre 1846 jusqu'au 31 décembre 1849. aoe
1° Annuaire du Calvados.- Années 1847, 1848 et 1849.
2° Notices biographiques, littéraires et critiques sur les hommes du Calvados qui se sont fait remarquer par leurs actions et par leurs ouvrages. Par M. F. Boisard. Un vol. in-12.
Les Torrents dans la Vallée. Poésies, par M. Adolphe Bordes. Un vol. in-8".
1° Quelques réflexions sur la mortalité qui sévit sur les chevaux nouvellement castrés. Par M. Caillieux. In-8°, 8 pages.
2° Extrait des séances de la Société vétérinaire des départements du Calvados et de la Manche. Par M. Caillieux. – Année 1847. in-8°, 24 pages. 1° Discours prononcé à l'ouverture de la xv. session du Congrès de l'Association Normande, à Carentan, le 15 juillet 1847. Par M. Castel. In-8", 12 pages.
2° Rapport fait au Congrès de l'Association normande, le 18 juillet 1847, au nom de la Commission des améliorations agricoles, Par M. Castel. In-8°, 24 pages.
1° Rapport de M. Gaultier de Rumilly au Congrès agricole des sept départements du Nord sur la protection du travail national et les principes du libre échange. In-8°, 16 pages.
2° Procès-verbal des séances de l'Institut des Provinces tenues à Caen en octobre 1846. In-8°, 26 pages.
Discours prononcé par M. Chauvin, professeur d'Histoire naturelle à la Faculté des Sciences de Caen, dans la séance solennelle de rentrée des facultés de cette ville le 16 novembre 1846.
Statistique du département de l'Eure, publiée par la Société libre d'Agriculture, Sciences, Arts et BellesLettres de ce département. 3' partie. – lre section. -Botanique. In-4°, 60 pages.
Notice historique sur le collége de Coutances. Par M. l'abbé Daniel. In-8°, 78 pages.
OEdipe à Colonne, tragédie de Sophocle, traduite en vers par M. Ed. Delachapelle. In-8°, 24 pages. 1° Note sur la culture de l'Orme tortillard. Par M. A. Du Breuil. In-8°, 4 pages.
2° Programme des primes et des prix proposés par la Société centrale d'Agriculture de la Seine-Inférieure, et Instruction sur la culture du topinambour et celle du maïs comme plante fourragère. Par MM. Girardin et Du Breuil. In-8°, 20 pages.
3° Quelques notes sur l'accroissement des arbres exogènes. Par M. A. Du Breuil. In-4°, 56 pages. 4° Note sur l'accroissement en diamètre de quelques souches d'arbres résineux après la suppression de leur tige. Par M. A. Du Breuil. In-8°, 4 pages et 2 planches.
1 Lettre adressée au président du Bureau de bienfaisance de Dives sur l'organisation des secours aux indigents. Par M. Dutrône. In-8°, 4 pages. 2° Circulaire aux membres des Sociétés d'Agriculture et des Comices agricoles sur les semailles printannières. Par M. Dutrône. In-8°, 4 pages. Question des Haras.- De l'Organisation et de la Remonte de la cavalerie. Par M. Frédéric l'Enfant. In-8°, 16 pages.
Recherches sur les Iles du Cotentin en général, et sur la mission de St-Magloire en particulier. Par M. C. de Gerville.
i° Notices Scientifiques présentées à l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen. Par M. J. Girardin. In-8°, 54 pages.
2° Rapport présenté à la Société centrale d'Agriculture dtb département de la Seine-Inférieure sur deux écrits de MM. Moreau de Jonnès et Loiseleur-Deslongchamps relati fs à la richesse agricole de la France et à l'insuffisance des récoltes de céréales. Par M. J. Girardin. In-8°, 16 pages. Essai sur les Girouettes, Epis, Crêtes et autres decorations des anciens combles et pignons. Par M. E. de La Quérière. In-8°, 88 pages et 8 planch.
1° De la littérature espagnole et de Caldéron. Par M. Le Chanteur de Pontaumont. ln-8", 4 pages. 2° Notice sur M. Le Chanteur, commissaire-principal de la Marine suivie d'actes inédits relatifs aux sièges de Flessingue et d'Anver 's, en i 809 et 1814'. Par M. Edouard Thierry. In 8°, 58 pages.
1° Aux Antiquaires après le manifeste de l'Académie des Beaux-Arts au sujet du style ogival. Par M. Alph. Le Flaguais. In-8% 12 pages.
2° Poésies par Mm° Lucie Coueffin. Par M. Alph. Le Flaguais. In-8°, 16 pages.
Etude scientifique sur M, Mangon-Delalande. Par M. Ed. Le Héricher. In-8°, 16 pages.
Mémoire sur l'introduction et la floraison, à Cherbourg, d'une espèce peu connue de lin de la Nouvelle-Zélande, et Revue des plantes confondues sous le nom de FORMIUM TENAX. Par M. Auguste Le Jolis. In-8°, 30 pages.
Recherches sur les mouvements de la planète Herschel. Par M. J. Le Verrier. In-8°, 254 pages. 1° Journal d'un Bourgeois de Caen (1652-1733 ), publié et annoté par M. G. Mancel. Un vol. in-8". 2° Alain Chartier, Etude bibliographique et littéraire. Par M. G. Mancel. In-8°, 44 pages.
Mémoire sur diverses questions relatives à l'établissement de la taxe du pain dans la ville de Fécamp. Par M. Eugène Marchand. In-80, 10 pages. Appel aux Comices. Par M. Jules Martinelli. ïn-8°, 32 pages.
Vitruve traduction nouvelle. Par M. Ch. Maufras. 2 vol. in-8°.
Compte rendu des opérations des concours et du rendement des animaux de boucherie primés aux Concours de Poissy et de Lyon en 1847. Un vol. in-4°
Compte rendu des travaux de l'Académie royale du Gard, le 30 août 1845. Par M. Nicot. In-8°, 8 pages.
1° Almanach horticole pour 1847, Calendrier complet de Jardinage. Par M. Victor Pâquet.
2° Traité de la culture des Champignons. Par M, Victor Paquet. Un vol. in-12, 276 pages et 3 planches.
Essai historique sur Carentan. Par M. Renault. In-8% 46 pages.
OEuvres dramatiques de M. Ch. Rey, de l'Académie du Gard. Un vol. In-8°.
De la Conformation du cheval suivant les lois de la physiologie et de la mécanique. – Haras, Courses, Types reproducteurs Amélioration des races Vices rédhibitoires. ParM. A. Richard. 1 vol.in-80. Mémoire sur le manque de subsistances en France. Par M. Toucas. In-8°, 20 pages.
1° Annuaire du département de la Manche. Années 1847 et 1848.
2° Salomon de Caus ou la découverte de là vapeur. Par M. Julien Travers. In-8°, 16 pages.
3° Instruction et amélioration du peuple. Par M. Julien Travers. In-8°, 60 pages.
LISTE
DES OUVRAGES ADRESSÉS PAR LES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES DEPUIS LE ter NOVEMBRE 1846 JUSQD'AU 3t DÉCEMBRE 1849. FRANCE.
Journal d'Agriculture Sciences et Arts, rédigé par des membres de la Société d'Emulation de l'Ain. –xxxve année. N°8 6, 7, 8, 9, 10, H et 12.–xxxvie année. Nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11 et 12. – xxxvii0 année. Nos 3 et 4.
Annales de la Société d'Agriculture de l'Allier.Année 1845. 5e, 10e, 11° et 12e livraisons.– Année 1846. 6e, 7, 8e, 9e, 10e, 11e et 12e livr. -Année 1847. 1", 2% 3e, 4% 5e, 6e, 7°, 8e, 9e, 10e, 11e et 12e livraisons.– Année 1848. 1". 2% 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8', 9e et 10e livraisons. Mémoires de la Société d'Agriculture, des Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Aube. Tome 1er. – 2e série. – 3° et 4e trimestres de 1847. Table générale des matières contenues dans les n°' 1er à 100 de la lre série, 1822 à 1846, des Mémoires de la Société.
Séance publique tenue le a septembre 1846 par la Société académique de Médecine de Marseille, pendant la xiv" session du Congrès scientifique de France. ïn-8°, 48 pages.
Rapport sur la transmission de la peste et de la fièvre jaune, présenté à la Société académique de médecine de Marseille, par une commission prise dans son sein, dans la séance du 12 août 1845. In-8" 60 pages.
Mémoires de l'Académie des Sciences, Arts et BellesLettres de Caen. – Année 1849.
Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie. – 2e série, iv* volume, 4° livr., et vu' volume, 1", 2e et 3e livraisons.
Mémoires de la Société Linnéenne de Normandie. Années 1843-1848. Un vol. in-4°.
Compte rendu du concours agricole tenu le 13 septembre 1846, à Creully, par la Société d'Agriculture et de Commerce de Caen. In-8°, 12 pages. Extrait des séances de la Société d'Agriculture et de Commerce de Caen. – Expériences sur le chaulage des blés, par M. Penn Hellouin.-Notice sur Marguerite Le Jeune de la Délivrande, par M. Hébert.-Rapport sur l'établissement hippique de M. Calenge, à Ecoville, par M. Person.-Rapport sur un projet d'établissement destiné à la fabrication des Engrais, par M. Thierry.
Bulletin de la Société d'Horticulture de Caen.-Mai et décembre 1846; mai et décembre 1847. Procès-verbaux des séances tenues par la Société vétérinaire des départements du Calvados et de la Manche, en 1846 et 1848.
Bulletin de la Société académique, agricole industrielle et d'instruction de l'arrondissement de Fa-
Eure. 1
H;iule-Garonne. • Haute-Loire.
Hérault. i i
Indre-et-Loire.
laise. Année 1846. – 2% 3° et 4" trimestres.Année 1847. – 1" et 4e trimestres.
Recueil des travaux de la Société libre d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de l'Eure. 2e série.-Tomes vi et vn.
Mémoires de l'Académie du Gard. Années 18451846. Un vol. in-8".
Actes de l'Académie des Sciences Belles-Lettres et Arts de Bordeaux. 3e et 4e trimestres de 1846. –Année 1847.-Année 1848, 4etrimestre. – Année 1849, 1" trimestre.
Mémoires de l'Académie des Inscriptions et BellesLettres de Toulouse. Tomes i h m iv VI (2e partie), et Tomes i, h, m (1", 2e, 3' et 4e livraisons) et rv de la 3e série.
Annales de la Société d'Agriculture Sciences Arts et Commerce du Puy. Tome xm. – 1847-1848. Bulletin de la Société centrale d'Agriculture et des Comices agricoles du département de l'Hérault. Années 1846, 1847 et 1848.
Bulletin de la Société archéologique de Beziers. lre, 2% 3% 4e, 5% 6% 7% 8e et 9e livraisons. Supplément à la 8° livraison Essai sur la formation et le développement du langage des hommes.Séance publique du 13 mai 1847 et Programme du concours de 1848.
Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire. Tome xxvi, 1" et 2e semestres de 1846.-Tome xxvu, 1er semestre de 1847.
Loire-Inférieure. A
Table générale et analytique des matières contenues dans les Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indreet-Loire de 1821 à 1845 inclusivement, précédée d'une table par ordre de matières pour les publications antérieures à 1821.
Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure. vie. vu", viue et ixe volumes de la 2e série.-Années 1845, 1846, 1847 et 1848.
Mémoires de la Société académique de Cherbourg. Années 1835, 1838 et 1846.– 3 vol. in-8°. Bulletin de la Société d'Archéologie, de Littérature, Sciences et Arts d'Avranches. Années 1845-1846, N09 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 et H.–1846-1847, n° 1er.
Bulletin de la Société d'Horticulture de Cherbourg. Année 1846.
Compte rendu des travaux de la Société d'Horticulture de Valognes. Année 1846, nO' 1er et 2.Mai 1847. – Tn° 3.-Programme de l'exposition de la Société d'Horticulture de Valognes en 1849. Séances et Travaux de l'Académie de Reims. Tomes m et iv.
Memoires de la Société nationale des Sciences, Lettres et Arts de Nancy. Années 1 845 et 1846. 2 vol. in-8". Mémoires de l'Académie nationale de Metz. Années 1845-1346, 1846-1847, 1847-1848.
Bulletin de l' Athénée du Beauvaisis. Année 1846, 2e semestre.-Années 1847 et 1848.
Pyrénées-Orientales.ifc Rhône. Jk
Seine-Inférieure, j J
Annales Scientifiques, Littéraires et Industrielles de l'Auvergne. Tome xix, juillet à décembre 1846. –Tome xx, janvier à août 1847. – Tome xxi, mai à août 1848.
.Mémoires de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales. vne vol.
Mémoires de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon. Année 1845.-Tome 1er. 2 vol. in-8°. – Tome u. Classe des Sciences, 2e livraison. Annales des Sciences physiques et naturelles, d'Agriculture et d'Industrie, publiées par la Société d'Agriculture de Lyon. Tomes vm et ix. – Années 1845 et 1846.
Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe. Années 1846, 1847 et 1848. Bulletin de la Société géologique de France. 2e série, -Tomes m et iv.-Tome v, feuilles lre-52. Liste bibliographique par ordre de matières des Ouvrages et Mémoires géologiques publiés en 1845 et 1846, suivie d'une Table alphabétique des auteurs, par MM. Ch. Martins et J. Hogard. Mémoires de la Société des Antiquaires de France. Tomes vin et ix. Annuaire de la Société des Antiquaires de France pour les années 1848 et 1849.
Extrait des travaux de la Société centrale d'Agriculture du département de la Seine-In fèrieure. Cahiers xevi à exiv. – Liste des membres et Table des matières du tome xiv.
Bulletin de la Société libre d'Emulation de Rouen
pendant l'année 1843-1846. Un vol. in-8°.
Résumé analytique des Travaux de la Société havraise d'Etudes diverses. 1846-1847.
Somme. Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie. Années 1846, 1847 et 1848.
Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie. Tome vin.
Vosges. Annales de la Société d'Emulation du département des Vosges. Tome vi. 1er, 2e et 3" cahiers.1846 et 1847. 3 vol. in-8°.
Yonne Bulletin de la Société archéologique de Sens. 1846. BELGIQUE.
Bulletin de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Tomes xv et xvi. Annuaire de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Année 1849. Annales de la Société de Littérature, des Sciences et des Beaux-Arts de Tournay. – Année 1845.
LA SOCIÉTÉ A ENCORE REÇU:
1° Congrès CENTRAL d'Agriculture. – Compte rendu et Procès-verbaux des séances des 3e et 4e sessions. 2 vol. in-8°.
2° Journal du Génie civil des Sciences et des Arts. Livraisons 38 à 46.
3° Annales des Haras et de l'Agriculture. Tome h. –2" semestre de 1846.-Tome m. Janvier, février, mars, avril et octobre 1847.– Tome iv. Janvier et février 1848.
4° La Normandie agricole. Tomes IV et v. – 4e et 5° années.
5° Rapport sur les moyens de suppléer au déficit des produits de la pomme de terre. Par M. Vilmorin. In-8", 20 pages.
6° CHAMBRE DE COMMERCE DE Bordeaux. – Des Intérêts maritimes et de la Protection. Lettre des Membres du Comité central pour la défense du travail national. In-8°, 38 pages.
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H 1850.
BUREAU GÉNÉRAL.
Président
M. I'ezet, président du tribunal de première instance, membre du Conseil général du département et de plusieurs Sociétés savantes, à Bayeux.
Président honoraire
M. Despallières membre de plusieurs Sociétés savantes, maire de la ville de Bayeux.
Vice-Présidents
MM. de Bonnechosiî, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Monceaux
Du MANOIR DE JUAYE, membre de l'Association normande, à Juaye.
Secrétaire général
M. Castel membre de plusieurs Sociétés savantes à Bayeux. « Vice-Secrétaire général
M. Villers (Georges), adjoint membre de plusieurs Sociétés savantes, à Bayeux.
Archiviste
M. LAMBERT, bibliothécaire, membre de plusieurs Sociétés savantes, etc., à Bayeux.
Trésorier
M. LABBÉ (Médéric), receveur municipal, à Bayeux. Y". SECTION.-AGRICULTURE ET HORTICULTURE. Président
M. DE Laboire membre de l'Association normande propriétaire-agriculteur, à Castillon.
Vice-Président:
M. LE Sueur membre de l'Association normande propriétaire-agriculteur et maire, à Esquay-sur-Seulle. Secrétaire
M. Aubin, banquier, à Bayeux.
Vice-Secrétaire
M. Dbsrahé-Dubois, membre de l'Association normande, à Saint-Martin-des-Entrées.
IIe. SECTION. – Sciences, ARTS ET BELLES-LETTRES. Président
M. Victor VAUTIER, propriétaire, à Bayeux.
Vice-Président:
M. Tavigny, avocat, à Bayeux.
Secrétaire
M. Labbey (Théodore), docteur-médecin, membre de l'Association normande, à Bayeux.
Vice-Secrétaire
M. BERTOT, pharmacien membre de l'Association normande, à Bayeux.
MEMBRES HONORAIRES.
Mjjr ROBIN, évêque de Bayeux membre de plusieurs Sociétés savantes, à Bayeux.
M. Lair, conseiller de préfecture, membre de plusieurs Académies na:ionales et étrangères, etc., à Caen. M. MÉNIGOT, sous-préfet de l'arrondissement de Bayeux. MEMBRES TITULAIRES.
MM.
ACHARD DE Bonvouloir ancien président du Conseil général du Calvados, à Bayeux.
ACHARD DE Bonvouloir (Charles), propriétaire et maire, à Magny.
Achard DE VACOGNES, membre de l'Association normande et de la Société pour la conservation des Monuments historiques, à Tour.
ADELINE, membre de l'Association normande, propriétaire, àBlay.
AGNEAUX (Frédéric d'), membre de l'Association normande, à Bayeux.
Antelme propriétaire, à Bayeux.
ARGENTON (le baron d'), membre de l'Association normande, à Saint-Marcouf. • AVELINE, propriétaire et maire, à Foulognes.
BALLEROY (le M |Uis. de) propriétaire, à Balleroy. BARBEY (Félix), propriétaire-agriculteur, à Engranville. Barette (l'abbé), curé à Condé-sur-Seulle.
Barey, propriétaire, à Septvents.
BAUDET, entrepreneur de roulage, à Caumont.
Baussy (de), propriétaire-agriculteur et maire, à Sully.
Beaumont, ancien vérificateur des poids et mesures, à Juaye. Beaupré percepteur, à Longueville.
Béchevel (DE), propriétaire, à la Folie.
BELLIARD-DELISLE membre du Conseil d'arrondissement à Isigny.
Belliard-Deuslb avocat, à Isigny.
BENCE (Gustave), propriétaire-agriculteur, à Vaucelles. BESSIN (Auguste) propriétaire, à Bayeux.
BINET, propriétaire-agriculteur, à Maisons.
Blaise, propriétaire, à Bricqueville.
Bouniceau, ingénieur des ponts et chaussées, à Bayeux. BOUQUET, percepteur, à Hottot."
BouRGUAis(Auguste), propriétaire-agriculteur, à Meuvaines. BRICQUEVILLE (AlfredDE), propriétaire et maire, à Gueron. BRUNEL, propriétaire, à Bayeux.
Buisson Delanoë négociant à Isigny.
Bures, régent au collége, à Bayeux.
Cairon, propriétaire et maire, à Anctoville.
Canu, propriétaire-agriculteur, à Maisy.
CARABEUF, avocat, membre de l'Association normande, à Bayeux.
Caraman (le C'e. Georges DE), propriétaire, à Vaux-surAure.
Garité, membre de l'Association normande maire, au Breuil.
Carpentier (Alphonse), propriétaire, à Saint-Martin-desEntrées.
CASTEL, propriétaire-agriculteur, à Etréham.
CAUMONT (Arcisse DE), membre correspondant de l'Institut, directeur-fondateur de l'Association normande de la Société française pour la conservation des Monuments historiques, etc., à Caen.
Cauvignt (Paul DE), membre de l'Association normande maire, à Vierville.
Chabrol (le C1". DE), propriétaire, au Mollay
Ciiaïel, propriétaire-agriculteur et maire à Vaux-surAure.
CHAUVIN, propriétaire-agriculteur, à Caumont. CHIGOUESNEL, avocat, à Bayeux.
Clinchamps (DE), propriétaire, au Manoir.
COEFFET, propriétaire et maire, à Colombières. COSTREL, propriétaire, à Mestry.
COUILLARD, percepteur, à Mandeville.
COURSON (Aymar DE), propriétaire, à Bayeux.
CROISILLES (DE), propriétaire, à Bayeux.
Cussy (le Ve DE), membre de plusieurs Sociéiés savanles, à Vouilly.
Cussy (Achille DE), propriétaire, à Bayeux.
DAON membre de l'Association normande maire à Bricqueville.
DARY, percepteur, à Caumont.
DECLOMESNiL, greffier du tribunal de commerce, à Bayeux. Delarue, ancien avoué, maire, à Arganchy.
DELARUE pharmacien, à Bayeux.
DELARUE (Léonard), propriétaire, à Bayeux.
DELAUNEY, rédacteur de l'Indicateur, à Bayeux. Delauney, architecte, à Bayeux.
Desclosières (Adolphe), membre du Conseil général et de plusieurs Sociétés savantes à Longues.
DESETABLES, propriétaire-agriculteur et maire, à Vienne. DESHAYES, propriétaire et maire, à Livry.
DESLANDES, propriétaire et maire, à Saint-Marcouf. Desuarets, propriétaire à Isigny.
Desmasures propriétaire et maire, à Cussy.
DESNOYERS, (Charles), avocat, à Bayeux.
Devaux, médecin-vétériuaire, à Colombières.
Do (l'abbé), curé de Saint-Martin-des-Entrées. DORLÉANS, propriétaire et maire, à Bernesq.
DOUESNEL DuBosQ représentant du peuple, membre de l'Association normande, à Paris.
Doullys, pharmacien, membre de la Société Linnëenne de Normandie, à Bayeux.
DOYÈRE, docteur-médecin, membre de l'Association normande, à Caumont.
Dubosq, propriétaire-agriculteur et maire, à Saint-Vigor. DUBREUIL, propriétaire, à Tilly-sur-Seulle.
Dubuisson, propriétaire et maire à Ste.-Marguerite-d'Elle. DUDOUET, propriétaire-agriculteur et maire, à Barbeville. Dujourdain (Georges), propriétaire, à Bayeux. Dumerle, propriétaire, à Balleroy.
DUPONT, notaire, membre du Conseil d'arrondissement, à Caumont.
DUPONT, propriétaire-agriculteur, à Vaux-sur-Aure. Durand, membre de l'Association normande, à Isigny. Duval instituteur communal, à Tour.
Duvant (St-Ange), imprimeur, à Bayeux.
ECQUEVILLY (le C" D'), membre de la Société française pour la conservation des Monuments historiques, au QuesnayGuesnon.
Enault (Auguste), propriétaire-agriculteur et maire, à Blay. ENAULT (Louis), négociant à Isigny.
Estienne propriétaire-agriculteur, à Deux-Jumeaux. Etienne (Alfred), propriétaire, à Bayeux.
Etienne (Romain), président du tribunal de commerce, à Isigny.
FARCY, propriétaire, à Caumont.
FAUCON DE Lalonde, percepteur, à Bayeux.
FAUDOAS (le »HU1!. de), prop" et maire, à Englesqueville. Féron, docteur-médecin, à Bayeux.
FIANT, régent au collège, à Bayeux.
Fouchaux, propriétaire-agriculteur, à Ryes.
FouQuE (Pierre), propriétaire-agriculteur, à Littry. FRESTEL, banquier, à Bayeux.
GARDIN, banquier, à Bayeux.
Gahdin-Neky, propriétaire, à Subies.
GAST (Ovide), propriétaire, à Saint-Vigor-le-Grand. Gaugain, trésorier de la Société française pour la conservation des Monuments historiques, à Bayeux.
GAUGAtN, propriétaire, à Sully.
GAUTIER, médecin, à Cormolain.
GIFFRAY, trésorier de la Caisse d'épargne, à Bayeux. Girard (Pierre), propriétaire-agriculteur, à Bazenville. GODARD, pharmacien, à Balleroy.
GODEFROY, propriétaire, à Arganchy.
Gomiecourt (DE), propriétaire, à Agy.
Gossexin ainé, négociant, à Isiguy.
GossET (Théophile), propriétaire, à Tour.
Goubot, maire, membre de l'Association normande, à Caumont.
GRANCHAMP, propriétaire à Colombières.
GRANDVAL (DE), membre du Conseil général, à Saint-DenisMaisoncelles.
GUELLE, percepteur, à Grandcamp.
Guerin, propriétaire, à Asnières.
Guérin-Lacouture, négociant, à Bayeux.
GUIBET, propriétaire, à Airel (Manche).
GUILBERT, propriétaire, à Marigny.
GUILBERT, propriétaire-agriculteur et maire, à Commes. GUILBERT Duclos, membre du Conseil d'arrondissement maire, à Trévières.
GUILLET, propriétaire-agriculteur, à Lingèvres. GUILLOT (Octave), propriétaire, à Sully.
I-IAINAULT DE CANTELOUP (DE), propriétaire, à Lingèvres. Halley, propriétaire-agriculteur, à Bucels.
Hauelin Desétables, président du tribunal de commerce, à Bayeux.
HAUDRY DE Soucy, membre du Conseil d'arrondissement et de l'Association normande, à Baynes.
HENNEGUY, propriétaire, à Bayeux.
HERVIEU, membre de l'Association normande, à Ryes.
Houdetot (le C". d'), représentant du peuple membre de l'Institut, clu., à Etrcham.
HOUDETOT (le général D'), à Etréham.
HUARD fils, docteur-médecin, à Bayeux.
HUVET père, propriétaire, à Bayeux.
IIUVET (Charles), docteur-médecin, à Bayeux. Jahiet avocat, membre de l'Association normande, à Bayeux.
JAMES (Charles), avocat, à Bayeux.
Jean DELAMARE (Charlemagne) ancien élève de l'école Polytechnique membre de plusieurs Sociétés savantes à Bayeux.
JEAN DELAMARE (François), propriétaire, à Bayeux. JEAN Delahare (Théodore), conducteur des ponts et chaussées, à Bayeux.
JEAN DELAMAIIE pharmacien à Trévières.
JEANNE, conducteur des ponts et chaussées, à Bayeux. JoLY, propriétaire à Planquery.
Joly ancien avoué, à Bayeux.
JOUET, docteur-médecin membre du Conseil d'arrondissement, à Isigny.
Jourdain docteur-médecin à Bayeux.
Juvigny (DE) propriétaire, à Bayeux.
KERGORLAY ^e C'e Hervé de) membre du Conseil général d'Agriculture à Canisy (Manche).
Keugorlay (le C'e Alain DE), membre de la Société géologique de France, à Castilly.
Lacour, docteur-médecin à Creully.
Laffetay (l'abbé) chanoine, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Bayeux.
Laib, propriétaire, à Bayeux.
LAIR DE Beauvais, architecte, membre de la Société Linnéenne et de l'Association normande, à Bayeux.
Lamaue DE Crux (de) membre de l'Association normande, à Sully.
LANCE, directeur des mines de t.ittry, etc., à Littry. LANCE (Auguste), sous-directeur des mines de Liury à Littry.
LA PLANCHE, propriétaire à Isigny.
LA Porte (de), propriétaire, à Lison.
LA RIVIÈRE (le C'° Eugène DE), propriétaire, à Bayeux. LA Rivière (Achille de) propriétaire, à Bayeux LA RouGEFossE (Gabriel de) chef d'escadron en retraite, à Englesqueville.
LAURENT géomètre, à Balleroy.
Lavallkv-Duperroox, négociant, juge au tribunal de commerce, à Bayeux.
LE Barbenchon propriétaire et maire, à Cottun. Le BAS, propriétaire-agriculteur et maire, à Bucels. Le bÈGUE DE Germinï (le G'0. Gustave), propriétaire, à Bayeux.
LE liouLENGER, propriétaire et maire, à Castillon. LE BOULENGER (Marc), propriétaire, à Bayeux. LE Bourgeois, propriétaire, à Isigny.
LE BRETON, propriétaire-agriculteur, à Littry. LE CAVELIER, fabricant d'huile juge au tribunal de commerce, à Bayeux.
LE Ciiartier, ancien membre du Conseil général, à Isigny. LE Chartier (Amand) propriétaire-agriculteur, à Colombières.
LE CnAUTiER ( Théodore ) propriétaire agriculteur à Mesiry.
Le CocQ, propriétaire-agriculicur, à Co!ombiers-sur-SeuIle. LE CORDIER DE liiGARS, C'6 DE LA Londk propriétaire à Versailles.
LE Couteulx DE Vertron, propriétaire, à Bayeux. LE COUTEULX (Gustave), avocat, à Bayeux.
LE Creps LA Chaussée, propriétaire à Bayeux. LE Creps (Charles) propriétaire, à Bayeux.
LÉCUYER, sous-préfet de Sémur (Côte-d'Or).
LE DOYEN, médecin-vétérinaire, à ïrévières.
LE Duc propriétaire à Saint-Vigor-le-Grand. LE FORESTIER, avocat, membre de la Société Linnéenne de Normandie. à Bayeux.
LE François (Jacques), propre-agriculteur à Campigny. LE Grix, propriétaire et maire, à Litteau.
Le GUEDOIS, agent-d'affaires, à Bayeux.
Lelong ancien notaire, à Bernesq.
LELOUVETEL, régent au collège, à Bayeux.
LELu, juge d'instruction, à Bayeux.
LELU (Emile), propriétaire, à Bayeux.
LE Masle, propriétaire et maire, à Baynes.
LE Moigne (Lucien), propriétaire, à Vierville.
LE Mulois propriétaire, à Saint-Martin-des-Entrées. Le Monnier propriétaire et adjoint, à Bucels. Lemonnier (Laurent), propriétaire, à Caumont. LENORMAND, négociant, à Isigny.
Léonard DE Rampan (DE), propriétaire, à Ecrameville. LE PELLETIER DE Molandé, propriétaire, à Cottun. Lépesse (de) membre de l'Association normande, à Vierville.
LE PETIT pharmacien à Isigny.
LE PETIT (Amand), propriétaire à Longueville. LE PETIT (Félix) propriétaire à Deux-Jumeaux. LE PETIT (Pierre) propriétaire agriculteur et maire à Vouilly.
LE PETIT ( Pierre ) propriétaire-agriculteur et maire à Deux-Jumeaux.
LE PRESTRE, propriétaire, à Lison.
LE QUESNE, ancien pharmacien, à Bayeux.
LE RAÎTRE, pépiniériste, à Bayeux.
LE REBOUR. négociant, maire, à Isigny.
LE Sénécal (Adrien), propriétaire, à Bayeux.
LE SUEUR propriétaire-agriculteur membre de l'Association normande, à Huppain.
Letot (Charles) avocat, membre de l'Association normande, à Caen.
LE VANNIER (Alfred), propriétaire, à Bayeux.
LE VERDIER, propriétaire, à Colleville.
LE VERRIER (Jacques), propriétaire-agriculteur, àdricqueville.
LIÉNARD, ingénieur de la marine en retraite, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Bayeux.
Londe, propriétaire-agriculteur, à Sallen.
LOUVET, notaire, à Littry.
iMallet, ancien notaire, à Bayeux.
MARGUERYE (le C'e Louis DE), membre de l'Association normande, à Colleville.
MARGUERYE (Arthur DE), propriétaire, à Colleville. Marie, juge de paix membre de l'Association normande, à Isigny.
Makie notaire à Lingèvres.
MARIETTE Dumiïsnil propriétaire à Ryes.
Martin propriétaire et maire, à Torteval.
MENAGE, propriétaire à Ellon.
Menard propriétaire, à Trévières.
MICHEL (l'abbé), vicaire général doyen du chapitre à Bayeux.
Michel Bonnefohds greffier du tribunal de commerce à Isigny.
MILLY (DE) propriétaire à Bayeux.
MoissoN DE VAUX (le baron), propriétaire et maire, à Tracy-sur-Mer.
Montégu (Eugène) propriétaire, à Bayeux.
MOREL libraire, à Paris.
Morel, pharmacien, à Bayeux.
Morice, notaire, à Creully.
Mourière, professeur de mathématiques au collégc. à Bayeux.
Mulot, propriétaire, à Bayeux.
Munier propriétaire commandant de la garde nationale, à Bayeux.
Mutel juge de paix à Bayeux.
NETTANCOURT ( Constantin DE), propriétaire, à Maisons. Nicolle ancien imprimeur, à Bayeux.
Nicolle docteur-médecin à Bayeux.
NIOBEY, notaire à Bayeux.
OLIVE, membre de la Société des Antiquaires de Normandie et de l'Association normande, à Bayeux.
PAGNY, propriétaire et maire à Cartigny-l'Epiney. PANCHET BELLERosE peintre, à Bayeux.
PATEY, médecin-vétérinaire, à la Délivrande.
PELFRESNE, propriétaire à St.-Loup-Hors.
Perhéë horticulteur, à Bayeux.
Person propriétaire à Graye.
Petron régent de philosophie à Bayeux.
PEZET, (Gustave), juge-suppléant, membre de l'Association normande et de la Société pour la conservation des Monuments historiques à Pont-1'Évêque.
PILET Desjardins, avocat et adjoint, à Bayeux. PILLET, régent de réthorique, membre de plusieurs Sociétés savanles à Bayeux.
PITARD DUMESNIL propriétaire et maire, à St-Sulpice. PIIILIPPE (Cyris), propriétaire à Bayeux.
Planquette propriétaire à Bernesq.
POITEVIN (Alfred), propriétaire et maire à Russy. Poitevin (François), propriétaire à Sainte-Honorine-desPertes.
POPHILLAT, propriétaire à Lison.
Pophillat (Cyrus), greffier du tribunal de paix à Isigny. Porée, propriétaire, à Saint-Vigor-le-Graud. POSTEL propriétaire et maire au Manoir.
Preupain propriétaire-agriculteur, à Crépon. QUENTIN, propriétaire-agriculteur, à St-Alartin-des-Entrées. Raisin, propriétaire, à Saint-vig,or-le-Grand.
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Regnauld, propriétaire-agriculteur, à Tour.
Roger (César), propriétaire à Livry.
ROGER DE LA CHOUQUAIS (Ernest), propriétaire, à Caen. Rotz (Norbert DE), membre de l'Association normande à Bayeux. '•.«;
SALLES, juge à Bayeux.
SALLY, propriétaire-agriculteur et maire, à Crouay. SAVIGNAC (Anatole de), propriétaire à Bayeux. SENOT, propriétaire, à Balleroy.
SENOT, propriétaire-agricultenr. à Tour.
Siraudin vérificateur des poids et mesures à Bayeux. Simon (Aubin), propriétaire et maire à Saonnet. Sivard DE BEAULIEU propriétaire et maire, à Carentan. SUZANNE, agent-voyer, à Balleroy.
Suzanne maître de pension à Bayeux.
Taiwied, avoué à Bayeux.
TALBOT, propriétaire-agriculteur, à Gueron.
Thézard propriétaire-agriculteur, à Cottun.
Thieulin directeur de l'école d'enseignement mutuel à Bayeux.
Thomas (Amand), propriétaire à Bayeux.
THOREL greffier en chef du tribunal civil à Bayeux. TILLARD (Léon), avocat, à Ellon.
TILLARD pépiniériste, à Salien.
TILLARD (Pierre), propriétaire, à Caumont.
Toustain (le V'- DE), propriétaire, à Vaux-sur-Aure. Tocstain (Jules DE), propriétaire, à Vaux-sur-Aure. Trolong DUTAILLIS, propriétaire à Livry.
Turgis préposé en chef de l'octroi à Bayeux. Turgot (le marquis DE), propriétaire, à Lantheuil. Varin avoué à Paris.
Vautier (Stanislas), notaire, à Ryes.
VAUTIER DUBOURG propriétaire-agriculteur, à St.-Martindes-Entrées.
Vernet propriétaire à Bayeux. nU
Vicney, médecin-vélérinaire à la Cambe.
Vilade (Léon DE), juge, à Bayeux.
VILLEROY (Edmond), docteur-médecin, membre du Conseil général et maire, à Balleroy.
ViiURD (Michel), propriétaire-agriculteur, à Mosles. Ygouf, (Henri), propriétaire-agriculteur, à Vierville. Youf médecin, à Mosles.
Yvon médecin-vétérinaire, à Bayeux.
MEMBRES CORRESPONDANTS.
MM.
AVANNES (D') conseiller à la Cour d'appel membre de plusieurs Sociétés savantes, à Alger.
Beaurepaire DE Louvagny (le Q"> Alexandre DE), ancien ministre plénipotentiaire, membre de plusieurs Académies, à Louvagny (Calvados). '̃' Bertrand doyen de la Faculté des Lettres, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen. •:̃ BOCHER, ancien préfet du Calvados, représentant du peuple, à Paris.
BOGAERTS (Félix), secrétaire perpétuel de l'Académie d'Archéologie de Belgique, à Anvers.
HoiSART», conseiller de préfecture, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
Bonnin, ancien notaire, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, etc., à Evreux.
BORDES (Adolphe), conservateur des hypothèques, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Pont-1'Evêque. Brébissoh (Alphonse ke), secrétaire de la Société académique de Falaise, inspecteur de l'Association normande etc., à Falaise.
Caiixieux, secrétaire perpétuel de la Société vétérinaire du Calvados et de la Manche, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
Canel (Alfred), avocat, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, etc. à Pont-Audemer. "• Charma, professeur de philosophie à la Faculté des Lettres de Caen, membre de plusieurs Académies, etc, à Caen. CHAUVIN, professeur d'histoire naturelle à la Faculté des Sciences, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen. CHESNON, ancien directeur de l'École normale primaire], membre de plusieurs Sociétés savantes, à Evreux. CLÉMENT, membre du Conseil général de la Manche et de plusieurs Sociétés savantes, à Saint-Lo.
Clinghahps (de), président de la Société d'Archéologie, à Avranches.
Coquereau, chanoine de Saint-Denis, etc. à Paris. COUPPEY, juge, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Cherbourg.
Daniel (l'abbé), recteur de l'Académie de Caen, secrétaire général de l'Association normande, etc. à Caen. DELAGHAPELLE (Edouard), secrétaire de la Société académique, etc. Cherbo nrg.
Delamare (l'abbé) vicaire général, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Coutances. '̃ Desroches (l'abbé) membre de la Société des Antiquaires de Normandie, curé d'Isigny (Manche). '« DEVILLE (Achille), membre correspondant de l'Institut et receveur général des finances, à Alençon. ̃̃*̃̃' Dubosc, archiviste de la préfecture, membre de la Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire naturelle du département de la Manche, à Saint-Lo.
DUBREUIL (Alphonse) préparateur du cours d'Agriculture au Conservatoire des Arts et Métiers, etc. à Paris. DuBuc, ancien pharmacien, membre de plusieurs Sociétés savantes au château de Bois Normand près Lyre (Eure). ̃ Du Méril (Alfred), membre de plusieurs Sociétés savantes, au château de Marcelct (Calvados).
Du Méril (Edélestand) membre de plusieurs Académies, à Paris.
Du MONCEL (le O.) général du génie, fondateur de l'Exploitation agricole de Martinvast, etc. à Cherbourg. Edom, recteur de l'Académie, etc. à Reims.
Eléouet, secrétaire perpétuel de la Société vétérinaire du Finistère et de la Société d'Agriculture de Morlaix, etc., à Morlaix.
ELIE DE BEAUMONT, membre de l'Institut, professeur d'histoire naturelle au Collège de France, inspecteur général des mines, etc. à Paris.
Eudes Deslonchamps correspondant de l'Institut, professeur d'histoire naturelle à la Faculté des Sciences, à Caen.
FEUILLET, président de la Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire naturelle du département de la Manche, à Saint-Lo.
FLOQUET, membre correspondant de l'Institut, etc, à Paris. Forméville (de) conseiller à la Cour d'Appel, secrétaire de la Société des Antiquaires de Normandie, à Caen. GALLEMAND, président de la Société d'Agriculture, à Valognes.
Gayot (Eugène), membre de plusieurs Sociétés savantes sous-directeur de l'Agriculture et des Haras, à Paris. GERVAis, avocat, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, à Caen.
GERVILLE (DE) membre correspondant de l'Institut, etc., à Valognes.
GIRARDIN, professeur de chimie, membre correspondant de l'Institut, etc.. à Rouen.
Girenchï (de), secrétaire perpétuel de la Société des Antiquaires de la Morinie, à Saint-Omer.
Guillot (Paul), ancien secrétaire de la Soaiété d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire naturelle du département de la Manche, à Saint-Lo.
GUITON de LA Villeberge (le V'e.), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Montanel (Manche).
GmzoT, membre de l'Académie française, etc à Paris. Héricart DE Thurt (le V1'), membre de l'Institut, etc., à Paris.
Hombres-Firuas (le baron D'), correspondant de l'Institut, etc., à Alais (Gard).
HOUEL (Ephrem), membre de plusieurs Sociétés savantes directeur du haras du Pin.
Kerckiiove (le Vlc. DE), président de l'Académie d'Archéologie de Belgique, à Anvers.
KUHLMAN, membre correspondant de l'Institut, etc., à Lille. LA FRESNAYE (le baron Frédéric de), membre de plusieurs Académies, à Falaise.
Lasiark PICQUOT, naturaliste-voyageur, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris.
LA Quériere (DE), membre de l'Académie de Rouen, de l'Association normande, etc., à Rouen.
LA Sicotière (Léon DE), inspecteur divisionnaire de l'Association normande et de la Société française pour la conservation des Monuments historiques, etc., àAlençon. Le BRUN (Isidore), membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris.
LE CERF, professeur honoraire à la Faculté de Droit, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
LE CHANTEUR DE Pontaumont trésorier-archiviste de la Société académique, etc., à Cherbourg.
LÉcHAuDÉ D'ANISY, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
LE Febvre S"-Marie inspecteur général de l'Agriculture, etc., à Paris.
LE FLAGUAIS (Alphonse), bibliothécaire, membre de plusieurs Académies, à Caen.
LE Glay, archiviste général du département du Nord correspondant de l'Institut, etc., à Lille.
LE GRAND, docteur-médecin, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Saint-Pierre-sur-Dives.
LE MÉTAYER DES PLANCHES, secrétaire de la Société d'Agriculture, etc., à Pont-l'E\êque.
LE Pbévost (Auguste), membre de l'Institut, etc., à Bernay (Eure),
LE TERTRE, conservateur de la bibliothèque publique membre de plusieurs Sociétés savantes, à Coutances. Mancel (Georges), bibliothécaire, vice-secrétaire de la Société d'Agriculture et de Commerce, etc., à Caen. MARCHAND (Eugène), pharmacien, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Fécamp.
MAUFRAS (Charles), professeur au collège Rollin, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, à Paris. Mérite- Longcuahp, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
MICHELET, professeur au collège de France membre de l'Institut, etc., à Paris.
Noel-Agnès, représentant du peuple inspecteur de l'Association ndrmande, à Cherbourg.
Pézeril, ancien notaire, archiviste de la Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire naturelle du département de la Manche, à Saint-Lo.
POTTIER, bibliothécaire, membre de l'Académie de Rouen et de plusieurs autres Sociétés savantes, à Rouen. Renault juge d'instruction inspecteur divisionnaire de l'Association normande, à Coutances.
Richard (du Cantal) représentant du peuple, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris.
RICHARD, sous-préfet membre de plusieurs Sociétés académiques, à Morlaix.
ROBERGE, membre de plusieurs Sociétés savantes à Caen. Rocquancourt colonel d'état-major, etc., à Thorigny. RoGEit professeur à la Faculté des Lettres membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
Rougier DE LA Bergerie ancien préfet, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris.
Simon, ancien ftéomèlre en chef du Cadastre membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
Sourdeval (Ch. de) secrétaire perpétuel de la Société académique, etc., à Tour.
Thomine aîné représentant du peuple, membre de la Société des Antiquaires de Normandie, à Caen.
Thomine (l'abbé), missionnaire apostolique. etc., en Chine. TOCQUEVILLE (Alexis de), représentant du peuple, membre de l'Académie française, etc., à Tocqueville (Manche). Travers, professeur à la Faculté des Lettres, secrétaire de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres etc. à Caen.
Trebotien, sous-bibliothécaire membre de plusieurs Sociétés savantes, à Caen.
Trolley (Alfred). professeur à la Faculté de Droit membre de la Société des Antiquaires de Normandie et de l'Association normande à Caen.
Woinez (Charles), ancien imprimeur, membre de plusieurs Sociétés savantes, à Paris.
YVART, inspecteur-général des écoles vétérinaires et des bergeries nationales de France, etc., à Paris.
TABLE DES MATIERES.
PAGES.
Concours agricoles de 1846 5 Concours agricoles de 1847. 49 Recherches sur l'origine des Journaux et Esquisse historique sur Jean Loret, de Carentan, poëte et journaliste, par M. PEZET. 89 Etude bibliographique et littéraire sur Alain Chartier, par M. G. Mancel 161 Léproseries de l'arrondissement de Bayeux, par M. Victor-Evrémont PILLET. 201 Sur un Talisman du xvi" siècle découvert près de Bayeux, par M. Ed. LAMBERT. 251 Note sur un tiers de Sou d'or mérovingien frappé h Bayeux, par M. Ch. DE SOURDEVAL. 259 Julien de Paulmier, par M. Victor-Evrémont PILLET. 263 Recherches sur la création d'un Jardin botanique à Bayeux, en 1794, par M. G. Villers 295 Concours agricoles de 1848. 323 Tableau indicatif des dons faits à la Société. 559 Liste des ouvrages adressés par les Sociétés correspondantes. 565 Liste des Membres de la Société 575